: Vidéo Enfants vendus du Sri Lanka : que savait l'ambassade de France ?
On y lit noir sur blanc les mots "trafic", "enfants exportés, c'est-à-dire vendus, sous forme d'adoption"... Ces courriers diplomatiques que se sont procurés les journalistes d'"Envoyé spécial" datent des années 90. Ils évoquent les pratiques d'adoption alors en vigueur au Sri Lanka, qui ont perduré jusqu'en 1995 – le scandale a éclaté bien plus tard.
Céline est née au Sri Lanka dans les années 80. Elle a été adoptée peu après sa naissance par un couple français. C'est Paris qui lui a délivré son visa, comme aux quelque 1 500 bébés sri-lankais adoptés par des Français. Combien, parmi eux, ont été victimes d'un vaste trafic d'enfants qui les a arrachés à leur mère biologique ? Qui était au courant de l'existence de ce trafic et de son ampleur ?
Des courriers diplomatiques sans équivoque
Les juges, les médecins, les fonctionnaires impliqués dans ces adoptions étaient-ils corrompus ? Si, à l'heure actuelle, il n'est pas possible de l'affirmer, il est certain en revanche que beaucoup de monde connaissait la situation. Y compris à l'ambassade de France au Sri Lanka, dans la capitale Colombo.
"Envoyé spécial" s'est procuré des courriers diplomatiques confidentiels, rédigés par l'ambassadeur français au début des années 90. Il écrit à son supérieur, le ministre des Affaires étrangères, à Paris. L'un des titres est sans équivoque : "Trafic d'enfant(s) - adoption". Ensuite, on lit ceci : "Ce qu'il faut bien appeler ce trafic paraît avoir indirectement des implications à un niveau élevé dans l'appareil d'Etat." Des tentatives de contacter le gouvernement sri-lankais sont évoquées. Elles seraient restées sans suite.
"Jusqu'ici, 11 862 enfants sri-lankais auraient été exportés, c'est-à-dire vendus..."
Dans un autre courrier, l'ambassadeur donne ces précisions : "Jusqu'ici, 11 862 enfants sri-lankais auraient été exportés, c'est-à-dire vendus, sous forme d'adoption, à la clientèle internationale qui les achète comptant et à bon prix. En réalité, il y en a beaucoup plus."
Une trentaine d'années plus tard, lorsque Céline s'adresse au ministère des Affaires étrangères pour trouver des réponses à ses questions, elle est reçue par Denis Barbet, le chef de la Mission de l'adoption internationale. Le journaliste d'"Envoyé spécial" l'accompagne. Il en profite pour montrer à Denis Barbet ces courriers diplomatiques des années 90. Mal à l'aise, le chef de mission se retranche derrière la "législation locale en vigueur à l'époque".
La France a-t-elle fait tout ce qui était possible pour contrôler au mieux l'arrivée des enfants sri-lankais ? Au Sri Lanka, ces adoptions privées via des intermédiaires se sont poursuivies jusqu'en 1995.
Extrait de "Les enfants vendus du Sri Lanka", un reportage à voir dans "Envoyé spécial" le 23 mai 2019.
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