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A Katmandou, "certains mangent ce qu'ils trouvent et tombent malades"

Cinq jours après le séisme au Népal, les habitants de la capitale organisent leur survie en attendant les secours. Nous avons recueilli plusieurs témoignages par téléphone ou par les réseaux sociaux.

Article rédigé par Elise Lambert
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Les survivants du séisme sont regroupés sur des camps d'abris temporaires à Katmandou (Népal), le 28 avril 2015. (EZRA MILLSTEIN / HABITAT FOR HUMANITY)

La ville de Katmandou est méconnaissable. Cinq jours après le séisme de magnitude 7,8 qui a frappé le Népal, les habitants se réveillent dans un paysage dévasté. 

"Les gens sont toujours en état de choc, commente Dikesh Maharjan, travailleur social népalais, contacté mardi par francetv. Beaucoup ont eu peur qu'il y ait de nouvelles répliques de séisme et sont restés chez eux quand ils le pouvaient." Originaire du district de Kirtipur, à sept kilomètres de la capitale, Dikesh Maharjan a trouvé refuge dans une école durant le week-end. Par chance, l'électricité n'a pas été coupée dans son village, et lundi le jeune homme a pu retourner dans sa maison et se connecter sur son ordinateur : "Les deux derniers étages ont été détruits mais on peut toujours s'abriter au rez-de-chaussée, raconte-t-il. Il reste toujours des centaines de personnes à l'école. Elles sont entassées dans la cour, à attendre que les secours viennent les aider et qu'elles puissent retourner dans leurs villages, décrit-il depuis son compte Facebook.

A francetv info, il détaille les conditions de survie des rescapés : "Jusqu'à lundi, l'Indrayani pariwarclub, un club de sport du Kirtipur, distribuait de la nourriture et de l'eau, mais ils n'ont plus d'argent. Les réserves sont à sec. Les gens se mettent à chercher de la nourriture, et à cuisiner à même le sol. Ma famille a retrouvé des sacs de riz dans les gravats de notre maison, mais nous sommes onze, il n'y en aura jamais assez pour tenir plusieurs jours."

Réfugié dans un abri de fortune à Katmandou, Krishna Spundit, un Népalais également contacté par francetv info, craint de tomber malade. Au téléphone, la connexion est très précaire, mais il arrive à décrire sa situation avec précision : "Ici, on manque de tout. On n'a pas d'eau potable, pas de nourriture. Certains mangent ce qu'ils trouvent, mais sont ensuite très malades. Beaucoup ont la diarrhée, mais il n'y a même plus de toilettes. Si l'aide n'arrive pas plus vite, les maladies et les infections risquent de se multiplier et de s'aggraver", s'inquiète l'étudiant de 38 ans. 

Des prières et des corps qui brûlent dans la rue

Dans les rues de Katmandou, des immeubles entiers se sont effondrés. Des éboulements bloquent les rues. La police et l'armée tentent de sécuriser les sites dangereux et de déblayer les gravats, mais le travail de reconstruction est colossal, et se concentre pour l'instant sur le centre de la capitale. "L'administration est trop pauvre, déplore Dikesh Maharjan, les bureaux de l'administration du Kirtipur sont fermés. On voit juste des policiers passer de temps à autre avec des corps dans les camions, mais ils ne s'arrêtent pas. Ils n'ont pas assez de moyens pour aider les villages isolés."

Les rues en ruines à Katmandou (Népal), le 28 avril 2015. (KRISHNA GHISING)

Mardi, de fortes averses de grêle et de pluie se sont abattues sur Katmandou, obligeant les habitants à rester debout pour ne pas se mouiller, et empêchant les enfants et les blessés de s'allonger: "Les plus chanceux ont trouvé refuge dans les écoles ou des bâtiments délabrés, mais la majorité dort dans des champs ou dans la rue, sous des tentes", dépeint Krishna Ghising, membre de l'alliance française à Katmandou. "Les gens sont épuisés, on entend crier, pleurer. Les familles essayent de se retrouver dans les ruines, et prient leurs disparus", décrit-il sur Facebook, téléphone portable en main, dans les rues de Katmandou.

Les survivants incinèrent les disparus dans les rues de Katmandou (Népal), le 28 avril 2015. (KRISHNA GHISING)

Du côté des renforts, les rares associations humanitaires sur place sont débordées, "J'ai compté une trentaine de corps inanimés sur un périmètre de 2 kilomètres autour de mon village, se lamente Dikesh Maharjan, les autres ont souvent des blessures graves, les bras ou les jambes cassés, ou de gros traumatismes à la tête, mais les secours ne sont pas assez nombreux pour leur venir en aide", ajoute Krishna Ghising. Conséquence, les médecins et les infirmières qui ont survécu au drame sont sollicités en renfort, "mais il n'ont pas les compétences nécessaires et ne sont pas formés pour ce genre de catastrophe", précise Dikesh Maharjan.

L'électricité est peu à peu rétablie, mais les principaux services publics sont surchargés : "Les crématoriums ne peuvent plus accueillir de nouveaux corps. Partout dans les rues, il y a des corps embaumés dans des linceuls qui brûlent. Il y a de gros nuages de fumée dans l'air et une odeur de pourri et d'animaux morts", témoigne le jeune homme.

Les survivants fuient la capitale

Jour après jour, le nombre de victimes de la catastrophe ne cesse d'augmenter. Mardi soir, un nouveau bilan provisoire fait état de plus de 5 000 morts et de 8 000 blessés. "Une fois qu'on réussira à atteindre les villages isolés, on atteindra sans doute les 10 000 blessés et beaucoup plus de morts", s'inquiétait lundi Gérard Pascal, chirurgien pour Médecins du monde, interrogé par francetv infoavant son départ pour le Népal.

Dans les rues de la capitale, des centaines de personnes tentent désormais de rejoindre leur village et de sauver leurs derniers effets personnels. "Le problème est qu'il est très difficile de circuler. Les voitures roulent de nouveau, mais beaucoup de ponts se sont écroulés et les rues restent bloquées. Certains villages, comme Panga, ont complètement disparu de la carte", témoigne Dikesh Maharjan.

Depuis ce week-end, l'aéroport international de Katmandou est complètement congestionné par l'arrivée des convois humanitaires et l'afflux de touristes et de survivants qui tentent de quitter le pays. Un avion affrété par le ministère des affaires étrangères français a été obligé de faire escale, lundi soir, à Abu Dhabi (Emirats arabes unis), faute de pouvoir atterrir à Katmandou. Les associations humanitaires à bord sont toujours bloquées ce mercredi matin à Abu Dhabi.

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