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Philippines : après le typhon Koppu, les usuriers se frottent les mains

Le passage du typhon Koppu sur les Philippines le 18 octobre 2015 a fait une cinquantaine de morts et quelque 500.000 déplacés. Mais au-delà des pertes humaines et des dégâts recensés dans cet archipel aux 7.000 îles, le phénomène climatique a détruit les cultures et ruiné de nombreux paysans. Ce qui fait les affaires des usuriers.
Article rédigé par Catherine Le Brech
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Aux Philippines après le passage du typhon Koppu, les rizières inondées de la province de Pampanga, au nord de Manille (23 octobre 2015). ( AFP PHOTO / Benhur Arcayan / MPB)

L’archipel des Philippines est touché chaque année par une vingtaine de tempêtes meurtrières. En octobre 2015, le typhon Koppu a provoqué d’énormes inondations, qui ont noyé l'une des plus importantes régions rizicoles de l'archipel, au centre de Luzon, l'île principale.
 
Pour les milliers d'agriculteurs qui ont tout perdu, une seule solution pour relancer leur activité : se tourner vers les banquiers «de l'ombre».
 
Un prêt pour rembourser une dette…
Francisco Santo Domingo, riziculteur à la tête de trois hectares de terres à Santa Rosa, petite localité à 2h de route au nord de Manille, en sait quelque chose. Pour financer ses semences, engrais et équipements, il devait trouver 60.000 pesos (1.200 euros). Sachant que le revenu moyen par habitant équivaut à 206 USD bruts mensuels, cet argent représente une forte somme.
 
N’ayant ni économies, ni biens à gager, il s’est vu refuser un prêt par les banques classiques. Pour s’en sortir, Francisco n’avait plus d’autre choix que de contracter – au taux d’intérêt exorbitant de 25% par mois – un prêt informel auprès de l'usurier de son village.
 
Bien avant les intempéries, il comptait déjà sur la vente de sa récolte pour rembourser le gros de sa dette de l’année d’avant.

Près de la ville de Santa Rosa, dans la province de Nueva Ecija, au nord de Manille, le 19 octobre 2015. Les agriculteurs philippins ont vu leurs cultures ravagées par le typhon Koppu. (AFP PHOTO / TED ALJIBE)
 
Des taux d’usure
Les prêteurs informels sévissent surtout dans les régions reculées, où ils pratiquent des taux pouvant culminer à 20% par jour. La plupart du temps, ils fonctionnent selon le système dit des «5-6» : l’usurier prête 5 pesos le matin et en demande 6 le soir.
 
Mais qui sont ces usuriers ? Des Philippins lambda à condition qu’ils aient quelques milliers de pesos en poche. Mais aussi des fonctionnaires qui arrondissent leurs fins de mois sans déclarer ces revenus supplémentaires.
 
Et l’AFP de citer cette femme qui a commencé ce business lucratif en 2014. En prêtant à un taux mensuel de 10%, elle s'est rapidement remboursée au point de gérer plus d'un million de pesos de prêts, ce qui lui rapporte plus de 100.000 pesos par mois. «Sans comparaison avec mon salaire de fonctionnaire», confie-t-elle.
 
Un cercle vicieux
Seulement 26% des Philippins accèdent aux services financiers classiques. En cause, d'après la banque centrale philippine, le peu de banques installées dans le pays. En effet, 604 des 1.600 villes du pays n'en ont pas, ce qui prive la majorité de la population de l'accès aux voies d'emprunt officielles. Et quand bien même, on sait que les banquiers rechignent de toute façon  à prêter aux pauvres…  30% de la population, soit près de 30 millions de personnes, vivent en dessous du seuil de pauvreté national.
  
Autant dire que la plupart des paysans endettés ne s’en sortiront jamais. D’autant plus que la plupart sont illettrés et ne réalisent pas en contractant le prêt que les intérêts de leur dette pourront atteindre jusqu’à 1.000 fois la somme empruntée.
 
Quant aux usuriers, ils n’hésitent pas à utiliser la force et l’intimidation pour récupérer leur argent. Certains allant même jusqu’à prélever des biens, des valeurs ou des bêtes à leurs clients, au vu et au sus de tous. Une situation qui fait dire à un autre riziculteur ruiné : «Les usuriers, tout ce qu'il leur arrive, c'est des retards de  remboursements, ils auront leur argent au bout du compte. Nous, paysans, mourrons endettés.»

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