Le Pakistan compte sa population, un recensement très politique
Le Pakistan n'a pas effectué de recensement depuis 19 ans alors que la Constitution prévoit que l'exercice soit décennal. En 1998, la population recensée était de 134,7 millions d’habitants, aujourd’hui les Nations Unies estiment que le Pakistan est le sixième pays le plus peuplé du monde avec près de 200 millions d’habitants.
A ce rythme de croissance, les 300 millions d’habitants seront atteint en 2050 selon les projections de l'ONU.
«Tout le monde (...) a peur du recensement car il détermine le pouvoir politique», explique Muddassir Rizvi, de l'ONG Réseau pour des élections libres et justes (FAFEN).
Avec l'exode rural, les puissants propriétaires terriens des provinces du Sindh (sud) ou du Pendjab (centre) pourraient voir fondre leur nombre de députés. Le Pendjab, fief historique du parti au pouvoir, se taille la part du lion dans les fonds fédéraux. Il pourrait voir son hégémonie bousculée car sa population croît plus lentement qu'ailleurs.
Dans beaucoup d’endroits dans le monde, le recensement n'est pas un exercice apprécié des acteurs politiques. Par exemple en Afrique, une ethnie au pouvoir qui se croit majoritaire démographiquement dans le pays, ne l’est finalement pas. Ce qui peut avoir des conséquences terribles sur le jeu politique local.
Injonction de la Cour Suprême
Au Pakistan, les politiques n’en voulaient pas. «C'est seulement sur l'ordre insistant de la Cour suprême que le recensement a été organisé», souligne M. Rizvi.
Si cela fait dix ans que le Bureau des statistiques (PBS) est dans les starting-blocks, le gouvernement pakistanais n'a donné son feu vert qu'il y a moins de trois mois. Insuffisant pour préparer les esprits et rassurer ceux qui redoutent un tel exercice.
Certains sont notamment inquiets du poids des quelque 2 millions de réfugiés afghans, qu'il est parfois impossible de distinguer des citoyens pakistanais vu les irrégularités dans l'attribution de cartes d'identité.
Le parti au pouvoir dans la plus grande ville du pays, Karachi, a réclamé un report du scrutin jusqu'au départ des réfugiés. D’où les retours massifs d’Afghans dans leur pays comptabilisés ces derniers mois.
Au Baloutchistan, vaste province instable et peu peuplée, un parti nationaliste a rejeté un recensement qui équivaudrait à un «suicide», en attestant du poids des populations pachtounes, dont les Afghans, et en faisant des Baloutches «une minorité dans leur propre province».
Compter les minorités
Critère essentiel pour évaluer le poids politique des différentes ethnies composant le Pakistan, la langue maternelle sera précisée dans le recensement, mais seuls neuf idiomes sur 70 seront listés. Seront notamment décomptés l'ourdou, langue nationale, le pachtou, commun aux habitants de l'ouest du Pakistan et aux Afghans, et les deux langues parlées par les Baloutches, dont certains réclament l'autonomie de leur province marginalisée.
Le recensement est l'occasion d'avoir un aperçu précis du poids des minorités, notamment chrétiennes et hindoues, dont les estimations sont très approximatives et contestées: de 2 à plus de 10 millions de chrétiens, de 2,5 à 4,5 millions d'hindous.
Plus de 300.000 personnes seront mobilisées pour organiser ce recensement. Les premiers résultats sont attendus fin juillet.
En revanche, les quelque six millions de Pakistanais travaillant à l'étranger ne seront pas recensés.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.