Thaïlande : la Première ministre annonce la dissolution du Parlement
La chef du gouvernement thaïlandais, Yingluck Shinawatra, a annoncé la convocation d'élections anticipées ainsi que le dissolution du Parlement. Mais ces annonces n'ont pas d'efefts sur les manifestations en cours.
La Première ministre thaïlandaise, Yingluck Shinawatra, a annoncé lundi la dissolution du Parlement et des élections pour tenter de sortir d'une crise politique profonde, sans réussir à apaiser quelque 140.000 manifestants déterminés à faire tomber son gouvernement.
Depuis une scène montée près du siège du gouvernement autour duquel se sont rassemblés les dizaines de milliers de personnes, le meneur des manifestants, Suthep Thaugsuban, a rejeté ce scrutin, annonçant la mise en place de ce qui ressemble à un gouvernement parallèle à celui de Yingluck toujours en place.
"Nous avons totalement renversé le régime Thaksin aujourd'hui", a-t-il assuré, en référence au Premier ministre renversé par un coup d'Etat en 2006, que les manifestants accusent de rester aux commandes par le truchement de sa soeur, Yingluck, malgré son exil.
"A partir de maintenant, nous allons sélectionner le Premier ministre du peuple, et mettre en place le gouvernement du peuple, et une assemblée du peuple qui remplacera le parlement", avant des élections dans "8, 12 ou 15 mois", a-t-il ajouté, évoquant une "révolution".
Il avait marché lundi à la tête d'un des nombreux cortèges convergeant vers le siège du gouvernement aux sons des sifflets, symbole d'une protestation qui dure depuis plus d'un mois.
Dans les rangs de ce mouvement hétéroclite, des bourgeois de Bangkok proches du principal parti d'opposition, le Parti démocrate, et des groupes ultra-royalistes, réunis par leur haine de Thaksin et leur hantise de l'évolution de la société.
Le mouvement a pris de l'ampleur depuis fin novembre avec l'occupation de plusieurs ministères et administrations et jusqu'à 180.000 manifestants dans la rue. Il s'est radicalisé il y a une semaine avec des tentatives de prendre le siège du gouvernement, qui ont tourné aux affrontements entre police et manifestants.
La Première ministre a annoncé lundi à la télévision une dissolution du Parlement "sur la base de consultations avec diverses parties", afin de "laisser le peuple décider".
Mais l'annonce de ces élections, fixées au 2 février, intervient alors que la crise politique est passée à un autre niveau, après des semaines de dialogue de sourds entre opposition et gouvernement.
Signe de l'impasse politique, les quelque 150 députés du Parti démocrate avaient annoncé dimanche leur démission, jetant une ombre sur la légitimité d'un Parlement de 500 sièges où le Puea Thai de Yingluck est majoritaire.
Abhisit Vejjajiva, chef des Démocrates et ancien Premier ministre, n'avait pas encore commenté lundi soir l'annonce de nouvelles élections, mais certains analystes pariaient sur un boycottage du scrutin par le parti qui n'a pas remporté de législatives en 20 ans.
Les manifestants "veulent prendre le pouvoir, ils ne veulent pas concourir pour cela parce qu'ils perdent à chaque fois" les élections, a estimé Thitinan Pongsudhirak, de l'université Chulalongkorn de Bangkok.
Avec leur démission en masse, les Démocrates sont revenus au coeur de la protestation, après s'être étonnamment effacés ces dernières semaines derrière Suthep, qui a démissionné du parti pour prendre la tête des manifestations.
Le Puea Thai, qui est a priori donné gagnant, a de son côté annoncé que Yingluck serait probablement candidate. "Elle sera numéro un sur notre liste", a précisé Jarupong Ruangsuwan, notant que la décision devait être entérinée par les cadres du parti.
La crise a repris de plus belle lundi après une trêve de quelques jours pour le 86e anniversaire du roi Bhumibol, considéré comme un demi-dieu par nombre de Thaïlandais.
Suthep avait promis que ce lundi serait le "jour du jugement", alors que son idée d'un "conseil du peuple" non élu suscite des critiques quant à son caractère antidémocratique.
La colère des manifestants est partie d'un projet de loi d'amnistie qui, selon ses détracteurs, aurait permis le retour de Thaksin, en exil pour échapper à la prison pour malversations financières.
Malgré son rejet par le Sénat, cette protestation n'a fait qu'enfler.
Le milliardaire divise le pays entre masses rurales et urbaines défavorisées du Nord et du Nord-Est, qui l'adorent, et les élites de Bangkok qui le voient comme une menace pour la monarchie.
Ces divisions profondes de la société avaient été mises en lumière lors de la crise du printemps 2010 (quelque 90 morts et 1.900 blessés). Environ 100.000 "chemises rouges" fidèles à Thaksin avaient alors occupé le centre de Bangkok pendant deux mois pour réclamer la démission d'Abhisit, avant un assaut de l'armée.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.