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Caleçons, amour impossible et corruption : le procès de Bo Xilai s'achève

Le procureur a requis une peine sévère à l'encontre de cet ancien prince du Parti communiste chinois.

Article rédigé par Pauline Hofmann
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
L'ancien ponte du Parti communiste chinois Bo Xilai au Palais de l'assemblée du peuple, à Pékin, en mars 2010. (JASON LEE / REUTERS)

C'est la plus grande affaire de corruption depuis les années 1980 en Chine. L'ancien ténor du Parti communiste chinois (PCC) Bo Xilai attend son verdict au tribunal populaire de Jinan, dans l'est du pays. Son procès s'est terminé lundi 26 août sur un réquisitoire demandant une peine sévère pour les faits "extrêmement graves" reprochés à l'accusé. Il est jugé pour "abus de pouvoir", "corruption" et "détournement de fonds".

"Personne ne s'attendait à ce que Bo Xilai se voie offrir une telle liberté [de parole] pour contrer les accusations à son encontre", admet Nicholas Bequelin, spécialiste du système judiciaire chinois au sein de l'ONG Human Rights Watch, interrogé par l'AFP. Retour sur ce procès hollywoodien.

Une gifle et un amour impossible

L'affaire de corruption est révélée au moment de la mort du Britannique Neil Heywood, en novembre 2011. L'homme, intermédiaire de Bo Xilai pour des investissements en Occident, a en fait été empoisonné par la femme de Xilai, Gu Kailai. Le patron de la police, Wang Lijun, bras droit du couple, ose en parler à Bo Xilai, qui dirige alors la mégapole de Chongqing. "Il m'a parlé de la mort de Neil Heywood et m'a dit que certaines personnes affirmaient que Gu Kailai y était liée", a relaté Bo devant les juges. Le lendemain, les deux hommes se revoient et Bo Xilai entre dans une colère noire. "Wang Lijun semblait très embarrassé, il s'est tu, j'ai perdu mon sang-froid (...), je l'ai giflé."

En février 2012, le chef de la police se réfugie au consulat américain, où il vend son ancien mentor. Des révélations qui engendrent le scandale et le limogeage de Bo Xilai. Lundi 26 août, ce dernier a donné une explication à cette trahison. "Il était secrètement amoureux de Gu Kailai, il en était confus et bouleversé", au point de se gifler et de s'autoflageller.

Des caleçons et une villa à Cannes

Mais la principale accusation qui pèse sur Bo Xilai est la corruption. Il aurait touché de nombreux pots-de-vin, pour un montant de 2,67 millions d'euros. Pour prouver son innocence, le "prince rouge", fils d'un dignitaire communiste, a affirmé qu'il n'attachait "aucune importance à [son] apparence vestimentaire". "Les caleçons longs que je porte actuellement m'ont été offerts par ma mère dans les années 1960". Il était plutôt connu pour apparaître en public en costumes soignés. 

Quant à la villa qu'on lui attribue à Cannes, située dans un des quartiers les plus prisés de la ville, Xilai a rejeté toute implication. Emergeant sur une colline plantée de pins majestueux, cette résidence de deux étages, à la façade ornée de bougainvillées, a longtemps été gérée par des proches du dirigeant, sans que lui-même apparaisse directement dans les statuts de propriété.

Des regrets et des mensonges (mais pas les siens)

Devant le tribunal, l'ancienne étoile montante du PCC s'est défendu d'avoir eu l'intention de détourner des fonds destinés à un projet de construction urbain. Mais il a déclaré "assumer [sa] part de responsabilité dans [le fait] que cet argent soit arrivé sur le compte bancaire de Gu Kailai". "J'ai honte, j'ai fait preuve de négligence, car il s'agissait d'argent public et je n'ai pas surveillé ce qu'il est devenu par la suite", a-t-il ajouté.

Cela ne l'a pas empêché de traiter de "menteur" un de ses accusateurs. Il a également remis en cause les déclarations "grotesques" de sa propre femme, selon laquelle il aurait rempli de dizaines de milliers de dollars un des coffres-forts que partageait le couple.

… et tout le reste qu'on ignore

Les seules informations qui filtrent du procès sont relayées par une plateforme chinoise officielle. Les médias étrangers sont interdits dans la salle d'audience de ce procès millimétré. Selon Margaret Lewis, professeure à la faculté de droit de Seton Hall (Etats-Unis), "si, par exemple, Bo saisissait l'occasion [du procès] pour nommer des responsables impliqués dans des faits de corruption, je serais extrêmement surprise que de telles informations soient reprises dans les retranscriptions diffusées [vers l'extérieur]".

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