Birmanie: l’abattage du bois, une industrie fantôme qui rapporte
La récente interdiction des exportations de bois n'a pas découragé la contrebande: des camions chargés de troncs ont été observés près du port de Rangoun, après le 1er avril. De plus, 60 tonnes de bois illégal ont été retrouvées dans des véhicules maquillés pour donner l'impression qu'ils participaient à une campagne anti-abattage.
Tin Tun, haut responsable du ministère de l'Environnement et des Forêts, a néanmoins assuré: «Notre interdiction sera très efficace. La coupe, la distribution et la finition des produits du bois seront faites localement, pour que nous puissions également créer des emplois».
Mais les associations environnementales son sceptiques, même si le Fonds mondial pour la nature (WWF) a noté que l'interdiction s'accompagnait d'une baisse de 60% des quotas de coupe pour le teck et de 50% pour les autres bois durs pour l'année fiscale en cours (2013-2014), comparé à 2012-2013. «Mais étant donné l'ampleur de l'exploitation illégale et des exportations en Birmanie, cela prendra du temps pour voir à quel point l'interdiction sera efficace», a commenté Michelle Owen, responsable de WWF dans le pays.
Dans un récent rapport, l'Agence d'investigation environnementale a conclu que la Birmanie avait exporté entre 2000 et 2014 jusqu'à 3,5 fois plus de bois que les volumes officiellement enregistrés. «Un tel écart indique une criminalité et une corruption généralisées dans le secteur du bois birman», souligne le rapport, estimant que cette industrie fantôme rapportait des milliards de dollars. Selon cette ONG, la Chine a enregistré l'importation de 10 millions de mètres cube de bois provenant de Birmanie entre 2000 et 2012, soit environ deux fois plus que le chiffre officiel du total des exportations birmanes sur la période qui s'élève à 6,4 millions de mètres cubes.
«Cercueils de luxe»
L'exploitation forestière en Birmanie avait explosé sous la junte militaire, autodissoute en 2011, profitant du climat de corruption. Au point de faire perdre à l'une des plus importantes forêts tropicales d'Asie près de 20% de ses arbres, entre 1990 et 2010. Selon les experts, l'exploitation illégale enrichissait à la fois les proches de l'ancienne junte, des militaires et des groupes rebelles, sur un marché international très demandeur en bois rares. Ce marché alimente notamment l'industrie du meuble à Tengchong, dans la province chinoise du Yunnan, en érable pour des tables sculptée et en taiwania, conifère protégé, pour des «cercueils de luxe».
L'abattage mécanique augmentant la dispartion des arbres sur des pentes raides augmente les risques de glissements de terrain et menace la survie d'animaux sauvages comme le panda roux et la chèvre-antilope. «Un écosystème entier est en train d'être détruit par ces abattages extrêmes», s'insurge Frank Momberg, de l'ONG Flora & Fauna International.
Dans les montagnes de Bago, au cœur du pays, d'autres espèces animales rares sont en danger, comme le singe au nez retroussé. Les habitants comptent sur un projet de reboisement de la région avec du teck. Mais cet arbre tropical précieux mettra plusieurs dizaines d'années à pousser.
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