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Salvador : les gangs s’invitent à l’école et font régner la peur
Au Salvador, les jeunes payent un lourd tribut à la violence des gangs (maras). Notamment à l’école où ils font la loi. On ne compte plus leurs menaces et leurs attaques contre les enseignants et les élèves, qu’ils viennent recruter jusque dans les cours de récréation. Une insécurité qui perturbe le fonctionnement de l’institution éducative et génère de nombreux abandons scolaires.
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Dans ce pays d'Amérique centrale de 6,3 millions d’habitants, situé entre le Honduras et le Guatemala, 1,7 million de personnes ont moins de 29 ans. Août 2015 y a été le mois le plus violent des 20 dernières années avec 911 homicides, dont 340 contre des jeunes âgés de 15 à 24 ans.
Le secrétaire général du Syndicat des enseignants de l'éducation rurale et urbaine du Salvador, Francisco Zelada, a expliqué à l’AFP que l’abandon scolaire, conséquence de l’incursion de la violence et de la criminalité en milieu scolaire, est un «problème sérieux». En 2012, les statistiques officielles montraient que 76.398 élèves avaient abandonné l'école. En 2013, ils étaient 90.252 et en 2014, 91.711.
A San Salvador, la capitale, des quartiers entiers sont contrôlés par les maras (72.000 membres dont 13.000 sous les verrous) qui utilisent le racket (ils imposent des taxes de protection aux enseignants et aux élèves), la violence sexuelle, les menaces, les meurtres et le recrutement forcé des enfants, surtout depuis 2005, pour imposer leur loi.
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«Par exemple, des élèves d'une zone ne peuvent aller à une école d'une autre zone, dominée par un gang rival, car ils sont menacés de mort et, dans le meilleur des cas, ils doivent quitter l'établissement», précise Francisco Zelada.
Ainsi, fin mai 2015, les membres d'un de ces gangs ont tué un élève de 16 ans. «Il ne voulait pas se joindre à la troupe. Alors, ils lui ont tiré dessus contre un mur, juste derrière l'école», a déclaré à Reuters Zelada Thomson, directeur d’école dans la banlieue nord de la ville. Lui-même a déjà reçu plusieurs menaces de mort. A Planes de Mariona, où travaille M.Thomson, et dans d’autres quartiers sensibles, les parents ont peur d'envoyer leurs enfants à l'école surtout s’ils doivent traverser un territoire abritant tel ou tel autre gang rival.
Le dernier rapport du Programme des Nations unies pour le développement (Pnud), intitulé Entre espoirs et peurs, parle «d’une jeunesse salvadorienne qui paie un prix élevé pour vivre dans un environnement dominé par la violence». Mais il précise que «ce prix est différent selon l'origine sociale, le genre et le lieu de résidence», les populations les plus défavorisées étant généralement les plus touchées.
Jannet Aguilar, la directrice de l'Institut d'opinion publique de l'université centroaméricaine, tire la sonnette d’alarme: avec 6.000 homicides fin 2015, le pays pourrait atteindre les 96 morts violentes pour 100.000 habitants. Ce qui est possible car 4.323 meurtres ont été recensés entre janvier et août (tous âges confondus), en hausse de 70,7% par rapport à la même période de 2014.
En outre, en 2010, l'ONG Plan international montrait qu’au Salvador «42% des enfants scolarisés (étaient) victimes d’une forme de violence psychologique et d'agression de la part du corps enseignant ou de leurs compagnons de classe. Un quart des jeunes interrogés indiqu(ai)ent avoir été victime de violences physiques et 10% des filles avou(ai)ent avoir subi des violences sexuelles ou du harcèlement durant les 3 mois précédant» cette enquête.
Un sombre constat qui montre à quel point les établissements scolaires ne sont plus des refuges sûrs pour les petits Salvadoriens. Un rôle protecteur que même les soldats déployés en 2011 par le gouvernement aux portes des écoles n’ont pas réussi à rétablir.
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