Cet article date de plus de neuf ans.
Pérou: le Sentier lumineux sévit encore dans les coins les plus reculés
Le Sentier lumineux n'en finit pas de faire parler de lui. Dans les années 80 et 90, le groupe maoïste semait la terreur partout dans le pays, provoquant la mort de 70.000 personnes dont 15.000 qui n'ont pas été retrouvées. Aujourd'hui, 23 ans après l'arrestation du leader Abimaël Guzman, les résidus de l'organisation maintiennent une population en esclavage pour le commerce de la cocaïne.
Publié
Temps de lecture : 5min
Même si au-delà du chef suprême Abimaël Guzman (condamné à perpétuité), d'autres sommités de la guérilla maoïste ont été arrêtées et mises sous les verrous, dont les deux derniers, les camarades Yuri et Renan en août 2015, il reste divers groupes agissant encore au nom du Sentier lumineux. Pour la plupart, les motivations idéologiques ont été supplantées par des intérêts crapuleux.
Leur nombre n'est pas connu, mais ils sont surtout retranchés dans deux zones: celle du Haut-Huallaga, en Amazonie centrale, et dans la région baptisée Vraem (Vallées des rivières Apurimac, Ene et Mantero), dont l'accès très difficile leur laisse une paix royale.
Parfois, il arrive malgré tout que l'un des camps soit pris d'assaut par les forces spéciales. C'est ce qui est arrivé fin juillet 2015, après qu'un ancien prisonnier, qui avait réussi à s'échapper, a donné l'alerte. Quelque part dans le Vraem étaient retenues, certaines depuis 30 ans, une cinquantaine de personnes, dont 26 enfants, utilisées comme esclaves pour la culture de la coca. Ils devaient travailler tous les jours dans un champ situé dans une zone montagneuse, boisée et inaccessible du sud du pays.
Les enfants sont tous nés en captivité. «Les femmes étaient mises enceintes quand elles étaient jeunes pour que leurs enfants grossissent les rangs de la guérilla. Les enfants s'occupent d'abord des plantations de coca et quand ils ont 12 ou 14 ans, ils intègrent les forces opérationnelles du Sentier lumineux», a expliqué le ministère péruvien de la Défense. Selon lui, il existe encore plusieurs autres structures similaires dans la jungle péruvienne.
Les proches des disparus de la guerre civile somment les autorités d'activer les recherches
Pendant vingt ans, des années 80 à 2000, le conflit entre la guérilla du Sentier lumineux et l'Etat au Pérou a provoqué la disparition d'au moins 15.000 personnes, essentiellement des paysans des régions andines éloignées de la capitale, Lima. En tout, selon les statistiques de la Commission de vérité et de réconciliation (CVR), il y a eu 70.000 tués lors des affrontements entre les guérilleros maoïstes et l'armée.
Aujourd'hui, plus de 60.000 proches des victimes exigent, dans une campagne intitulée Réunissez-vous, que la recherche et l'identification des disparus de ces années noires s'accélèrent.
Selon eux, au rythme actuel, le parquet mettra un demi-siècle à retrouver les victimes anonymes de ce conflit inhumées dans des fosses clandestines disséminées. «Nous voulons que le gouvernement promulgue une loi sur la recherche des disparus au Pérou, pour disposer d'une institution dotée du personnel idoine et d'un budget pour accélérer les exhumations», a expliqué à l'AFP Luis Aronés, dirigeant de la Commission nationale des victimes de violence politique, à l'origine de cette initiative. L'objectif est de retrouver les victimes, de les identifier et de leur accorder une sépulture, afin de mettre un terme à des décennies d'incertitude pour leurs proches.
D'après les initiateurs de la campagne Réunissez-nous, lancée notamment sur les réseaux sociaux pour tacher d'éveiller les consciences, le pays compterait plus de 6.462 fosses communes clandestines.
La pression sur le gouvernement du président Ollanta Humala, un ancien militaire, pour qu'il mette en place un programme d'identification des disparus s'est accrue en 2013, quand les églises catholique et évangélique ont demandé conjointement avec la Croix Rouge des actions concrètes. De surcroît, les signalements de disparitions ont constamment augmenté depuis les premiers travaux de la CVR au début des années 2000, à mesure que, le temps aidant, les craintes de représailles sur les proches se sont dissipées.
Le chef historique du Sentier lumineux, Abimaël Guzman, rêvait de présider le Pérou
En dissidence avec le parti communiste péruvien, l’ancien professeur de philosophie de l’université d’Ayacucho (dans le sud du Pérou) qu'il quitte en 1978, fonde le Sentier lumineux, un mouvement d'obédience maoïste qui prône la lutte armée pour renverser l'Etat péruvien et qui trouve sa source dans les déçus de la réforme agraire de 1969.
Il lance alors, selon ses termes, la «guerre populaire». Ce sera en fait la population civile qui fera les frais à la fois de l'extrême violence des troupes du Sentier lumineux et de la contre-offensive des soldats. «Président Gonzalo» comme il aimait se faire appeler, a été arrêté en 1992, jugé et condamné à perpétuité. A 81 ans, son combat derrière les barreaux se résume aujourd'hui à réclamer la suppression de sa tenue de prisonnier à rayures. Trop humiliant à son goût.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.