Cet article date de plus de huit ans.

Panama: un pays très complaisant à la croissance record

Connu pour son canal, le Panama est un petit pays en plein développement qui a construit son économie sur son pavillon de complaisance (20% de la flotte mondiale) et l’activité de centaines de milliers de sociétés plus ou moins réelles. Malgré sa mauvaise réputation, le Panama a reçu le satisfecit du Gafi, organisme regroupant les principaux Etats dans la lutte contre le blanchiment.
Article rédigé par Pierre Magnan
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 5min
Panama City en 2015. En quelques années, une ville moderne a poussé avec son quartier d'affaires et ses tours. (RODRIGO ARANGUA / AFP)

Panama, son canal, ses banques, ses tours... et même sa Trump Tower. Aujourd’hui, cet Etat d’Amérique latine est montré du doigt dans l’affaire des «Panama Papers». Avec ses 75.420 km² et ses 3,6 millions d’habitants, le Panama est un petit pays à la croissance rapide. Plus de 6% par an en moyenne, notamment grâce à son canal, mais pas seulement. Pour le FMI, sa «forte intégration dans le commerce mondial et le système financier apporte des avantages substantiels à Panama». Cette intégration ne fait pas de doute à voir les informations rapportées par les «Panama Papers». La finance est aussi un moteur du succès de ce pays. Même si celle-ci peut avoir des origines douteuses. «Plus de 150 buildings sont actuellement en chantier. Mais pour y loger qui? On n’en parle pas mais tout le monde le sait. L’immobilier est utilisé par les narco-trafiquants de Colombie et du Nicaragua, et d’autres mafias, comme une énorme machine à recycler l’argent sale», confiait au Monde un juge anticorruption. 

Il est vrai que créer une société au Panama est simple. «Le Panama est le domicile légal pour les sociétés au Panama et plus de 500.000 Fondations du Panama, ce qui en fait le deuxième territoire le plus populaire d’incorporer (lire création de sociétés, NDLR) dans le monde, à côté de Hong Kong», se vante un site panaméen de création de sociétés en ligne (pour 3.200 dollars), qui décrit les avantages fiscaux du pays.

Site panaméen pour créer une société. Forfait tout compris pour sociétés offshore. (DR)

«Des progrès significatifs»
Pourtant, les autorités internationales semblent avoir donné quitus au pays pour ses engagements dans la lutte contre le blanchiment d’argent. Ainsi, le Gafi a reconnu que le Panama a «fait des progrès significatifs dans l'amélioration de» son régime «de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme». Ce quitus du Gafi (ce Groupe d’action financière est un organisme intergouvernemental créé en 1989 par les Ministres de ses Etats membres. Ses objectifs sont «l’élaboration des normes et la promotion de l’efficace application de mesures législatives, réglementaires et opérationnelles en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux, le financement du terrorisme et les autres menaces liées pour l’intégrité du système financier international») date de février 2016… 

Le pavillon du Panama abrite toujours la plus importante flotte au monde. Mais la croissance du pays provient surtout du canal et de sa place financière. (Sergio Pitamitz / Robert Harding Heritage / robertharding)

Faibles impôts, sociétés fictives, secret...
Et le pays semble vouloir s’intégrer dans les règles de plus en plus strictes officiellement voulues par le G20 et définies par l’OCDE. Le Panama s’est en effet plié aux principes de l’échange automatique de renseignements en matière fiscale. Une décision qui devrait s’appliquer en 2018 et qui n’a été prise que fin 2015. Mais les progrès affichés par le Panama ont connu un coup d'arrêt... au point que l'OCDE a totalement changé de position. Affirmant en octobre 2015 que le pays était «conforme pour l'essentiel», l'Organisation pour la coopération et le développement économique affirmait en 2016 découvrir que «le Panama n’a pas l’intention d’échanger ses informations conformément au standard défini par l’OCDE à la demande du G20. Mais au cas par cas, avec les pays de son choix et selon ses propres règles. Nous le sortons donc de la liste officielle des pays engagés dans l’échange automatique», affirmait au Monde Pascal Saint-Amans, le directeur du Centre de politique et d’administration fiscales de l’OCDE.

Comme quoi la tradition d'abri fiscal semble bien implantée dans le pays. Le site Alteréco raconte que «dès 1919, le Panama permet à la Standard Oil d’échapper aux impôts et aux régulations Etats-uniennes en offrant un statut de pavillon de complaisance. A partir de 1927, le pays développe toutes les caractéristiques habituelles des paradis fiscaux : faibles impôts, sociétés fictives, secret.» Il faut cependant relativiser l’importance de la place financière panaméenne. Selon Alternatives economiques, Panama ne pèse pas plus lourd que l’île de Man (paradis situé entre le Royaume-Uni et l’Irlande). 
 
Paris ne place d’ailleurs pas le Panama dans la liste des pays «non coopératifs au regard de la transparence et de l'échange d'informations en matière fiscale». Mais la France reste «cependant attentive à l'évolution des échanges avec Panama, Bercy précisant que la coopération aux demandes d’information des autorités françaises n'est aujourd'hui pas satisfaisante».

Il est vrai que pour la France, le nom de Panama garde depuis la fin du 19e siècle un parfum de scandale qui avait failli emporter la IIIe République même si les «chéquards» de l’époque ne sont plus les mêmes qu’aujourd’hui.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.