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Les descendants d’Haïtiens, indésirables en République dominicaine

Article rédigé par Laurent Filippi
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2min
Le 17 octobre 2013, la diaspora haïtienne aux USA manifestait devant le Consulat dominicain à New-York. Elle réclamait le retrait du décret de la Cour constitutionnelle dominicaine, qui ôte la nationalité à plus de 250.000 Dominicains d'ascendance haïtienne.

L'île d'Hispaniola, dans les Caraïbes, est divisée en deux pays, Haïti, l’un des pays les plus pauvres du continent américain, et la République dominicaine, plus riche.
 
Dans les années 20, l’industrie de la canne à sucre s’est énormément développée dans la partie orientale de l’île. En 1929, une frontière clairement définie entre les deux pays a entraîné une vague importante d’immigration haïtienne. Beaucoup se sont alors installés sur le territoire dominicain pour travailler dans les champs de canne, où ils représentent 90% des coupeurs.
 
Le flux migratoire des Haïtiens n’a jamais cessé et s’est même accentué en 1990 suite aux crises politiques en Haïti. En 2013, 500.000 d'entre eux sont établis en République dominicaine (10 millions d'habitants), dont une bonne partie en situation irrégulière. 
 
Jusqu’en 2010, conformément au droit du sol en vigueur dans le pays, 250.000 descendants d'Haïtiens avaient la nationalité dominicaine. Leurs parents et grands-parents étaient déjà nés dans le pays. mais aujourd'hui, un décret veut la leur retirer. Une décision rétroactive s’adressant à toutes les personnes nées après 1929, sous prétexte qu'elles étaient à l'époque des étrangers en transit.
 
Ces descendants d’immigrés haïtiens deviennent de facto apatrides. Une décision qui leur laisse un goût amer, d’autant qu’ils peuvent être expulsés manu militari vers Haïti, un pays qu'ils ne connaissent pas et dont certains ne parlent pas le créole.
 
Face à la vague d'indignation qui a secoué le pays, le directeur général de l'immigration, José Ricardo Taveras, a nié que les autorités voulaient déporter les Haïtiens et leurs descendants. Une parole que d’aucuns mettent en doute, car Ricardo Taveras est aussi le secrétaire général de la Force nationale progressiste, un petit parti xénophobe.
 
Marino Vinicio Castillo, fondateur de cette formation politique, a fait de la lutte contre «l'haïtianisation» de la République dominicaine son combat, jugé raciste par ses détracteurs. Alors que les quelque dix millions de Dominicains sont majoritairement métis, les Haïtiens sont noirs.
 
Douze photos de Ricardo Rojas et d’Erika Santelices représentant des familles d’origine haïtienne vivant en République dominicaine. Datées d’octobre 2013, elles illustrent ce propos.
 

chez elle à Batey La Higuera, dans la province de Seibo, avec ses enfants, ses petits-enfants et ses arrière-petits-enfants. Tous, sauf elle, sont nés en République dominicaine. Elle y est arrivée avec ses parents en 1940. Elle avait 12 ans.
 

  (REUTERS / Ricardo Rojas)
une des petites-filles de Policiia, et son père, Pedro Santana, au second plan.
Cette loi va peut-être l’empêcher de suivre des études car, sans papiers, pas d’inscription à l'université.
 
 
 (REUTERS / Ricardo Rojas )
née elle aussi en République Dominicaine, devant leur domicile de Batey La Higuera.
 
 
 
 (REUTERS / Ricardo Rojas )
née en République dominicaine de parents haïtiens en 1952, avec Leguisie Louis, son époux, à La Loma, dans la province orientale Seibo. Le couple a 11 enfants, 32 petits-enfants et cinq arrière-petits-enfants, tous nés à La Loma.
 
 
 (  REUTERS / Ricardo Rojas )
agriculteur né en Haïti, est arrivé en République dominicaine en 1959. Ici avec sa petite-fille Maxileidy devant un champ de canne à La Loma.
 
 (REUTERS / Ricardo Rojas )
«Je n'ai jamais été dans la capitale et je ne connais même pas Haïti», dit-elle. Virgilia ne sait pas si elle y a de la famille. De son côté, cinq générations sont nées en République dominicaine.
 
 (REUTERS / Ricardo Rojas )
tous les deux nés en République dominicaine de parents haïtiens immigrés, préparent le repas à Batey La Higuera. Avec eux, leur fille Gloria et leur petite-fille Abril.
 
 (REUTERS / Ricardo Rojas )
Elle pose avec quatre générations de sa famille devant sa maison de Batey La Higuera. (REUTERS / Ricardo Rojas )
«Nous sommes Dominicains. Nous n'avons jamais été en Haïti. Nous sommes nés et avons grandi ici. Nous ne savons même pas parler créole», déclare l’une de ses petites filles. (REUTERS / Ricardo Rojas )
était sur le point de signer un contrat avec une équipe de baseball, mais il a dû y renoncer, faute de papiers d'identité dominicains.Cette décision du Tribunal constitutionnel «réduit à néant nos rêves, nos aspirations», se désolent les jeunes.
 
 
 (AFP PHOTO / Erika Santelices)
Elle a dix frères et sœurs. «Je crains que ceux de la génération qui arrive n'aient pas la capacité de faire valoir leurs droits et restent en stand-by, qu'ils ne soient ni d'ici, ni d'ailleurs», confie-t-elle. Wichna et Yuly son frère ont été «dominicanisés» avec les documents de leurs parents, obtenus grâce aux permis d'ouvriers agricoles remis aux immigrants Haïtiens venus récolter la canne à sucre depuis 1929. Ce sont ces documents que la Cour constitutionnelle considère désormais comme invalides.
 
 
 
 (  AFP PHOTO / Erika Santelices)
Yuly, Wichna et une soixantaine de familles originaires d'Haïti vivent à dix minutes du centre de cette localité, située à 70 km à l'est de Saint-Domingue, dans l'un des nombreux «batey» des environs, des campements précaires pour les travailleurs agricoles.
              
 
 
 (AFP PHOTO/Erika SANTELICES)

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