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Hugo Chavez, le président-révolutionnaire a perdu de sa superbe

A la tête du Venezuela depuis 13 ans, le président Chavez a bâti son succès sur des positions anticapitalistes et un leadership régional grâce aux richesses pétrolières. Alors qu'il brigue un nouveau mandat, une nouvelle opération liée à son cancer et l'arrivée sur la scène politique de l'opposition du fringuant gouverneur de 36 ans Enrique Capriles rendent l'issue du scrutin incertaine.
Article rédigé par Jean-Claude Rongeras
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Le président Chavez et sa fille Rosa Ines à Caracas, le 24/02/2012. (AFP PHOTO/JUAN BARRETO )

L’homme né en 1954 dans la région des llanos, au Sud  du Venezuela, doit se mesurer pour la première fois à une opposition unie (centre gauche et chrétienne démocrate) au sein de La Table d’unité démocratique (MUD) qui se dit certaine de l’emporter. Il doit également tenir compte d'une récente fragilisation économique.

Des débuts fracassants
L'homme Chavez a-t-il toujours cru en son destin de porter en lui les espoirs d'un peuple, dominé par quelques centaines de familles dans le pays le plus riche du continent ? En tous les cas, en 1992, alors qu'il est  lieutenant-colonel, il tente un coup d’état militaire. Il échoue et fait deux ans de prison. Optant alors pour la voie démocratique, c'est en tant que chef du Parti socialiste unifié du Venezuela qu'il remporte en décembre 1998 l’élection présidentielle. Il est ensuite réélu en 2000 et 2006. Durant 13 ans, il doit à la hausse du cours du pétrole de pouvoir utiliser la manne financière qui en résulte (300 milliards de dollars sur les 25 dernières années) pour réaliser une profonde transformation sociale et politique du pays.

Un programme authentiquement socialiste
Tribun populaire, qui répond en direct le dimanche aux questions des téléspectateurs sur la chaîne de télévision publique VTV, il a lancé un programme de développement (les Missions) pour les pauvres et les marginaux: création de dispensaires et aide de 20.000 médecins cubains qui vont soigner dans les barrios, bons de nourriture, microcrédits pour le développement des petites entreprises, redistribution partielle de terres… Créatif avec la micro-économie, il est interventionniste en macro-économie, nationalisant des pans entiers de l’industrie, dont les entreprises pétrolières.

Fin politique, Chavez a mis les femmes de son côté. Elles sont les premières bénéficiaires des programmes sociaux, "les premières inscrites à la mission Savoir et Travail ( programme de formation) : 80% sont des femmes", indique la psychologue Carmen Elenas Balbas.  En 1998,  il crée le ministère de la Femme et la Banque du développement de la Femme, et la Constitution de 1999 contient plusieurs articles assurant l'égalité entre les sexes.

Hugo Chavez reprend son émission radio-télévisée dominicale

(AssociatedPress, le 9/01/2012)

Avancées spectaculaires et dérives inquiétantes
Parmi les autres bonnes notes décernées à l'hyper-président, on remarque les efforts en faveur de l’alphabétisation et de l’éducation. Le taux d’étudiants poursuivant des études supérieures est en forte augmentation. Le taux des ménages pauvres est passé de 54% (2003) à 26% (2008).

Mais le leader charismatique n'échappe pas à une montée des périls: la criminalité (second pays le plus violent au monde avec 48 assassinats pour 100.000 habitants en 2007), la corruption des élites et le népotisme.

Chavez, champion de "la Révolution bolivarienne"
Au plan international, Chavez a lancé avec fracas: «L'ennemie, c'est l'emprise des Etats-Unis», un des slogans phare de sa politique. Partisan de l'intégration régionale, avec la Bolivie, la Colombie, l'Equateur et le Pérou afin d'aboutir à un développment équilibré et autonome, Hugo Chavez a claqué la porte de la Communauté andines des Nations (CAN), en 2006, après un accord entre Lima et Washington. Caracas attends aussi d'être pleinement admis au sein du Mercosur. Provocateur, il a aussi soutenu le régime de Kadhafi, fait des voyages en Iran et reçu le président Ahmadinedjad. Homme de paradoxes, Chavez a livré du pétrole à bas prix aux populations pauvres des Etats-Unis, pays qu'il vilipende à longueur d'année. Il faut y voir une opération de relations publiques, pour améliorer son image dans ce pays, qui est également le premier importateur du pétrole vénézuélien (10%).

Economie en souffrance, érosion des soutiens au chef de l'état
Les plus gros soucis du dictateur à l'allure joviale viennent de l'intérieur. Vainqueur de beaucoup d'épreuves, il est confronté à la faiblesse de l'économie. Les coopératives bolivariennes (du nom du libérateur de l'Amérique du Sud du joug espagnol) ont dû mal à fonctionner alors que les caisses de l'entreprise pétrolière (PDVSA) sont vides car ce sont elles qui financent les programmes sociaux. Les besoins d'investissements, dans les énormes réserves de pétrole lourd de la ceinture de l'Orénoque, sont très importants alors que les entreprises privées ont été échaudées par les nationalisations brutales. Et l'eau manque, tout comme la production d'électricité.

Selon les dernières estimations, Chavez n'aurait pas la majorité lors de la prochaine élection. Le mécontentement touche plusieurs milieux: Ainsi, nombre de Vénézuéliens sont attachés à la propriété privée alors que les plus radicaux souhaitent, eux, l’accélération des réformes.

La maladie s'invite dans l'élection présidentielle
Une nouvelle lésion, récemment diagnostiquée chez Chavez, va le voir reprendre le chemin de Cuba, où il déjà été opéré et traité pour son cancer. Le choix de La Havane s'explique par la volonté de discrétion sur sa maladie et ses affinités avec le régime castriste. Cette information inquiète jusque dans les rangs de son parti. 

Hugo Chavez, qui était prêt à mettre toute son ardeur dans la campagne présidentielle, n'a jamais pris soin de former un poulain pour lui succéder. Quoi qu'il se passe, cela laisse présager de futures luttes intestines dans son clan. Pour l'heure, un collaborateur d'Henrique Capriles explique qu'«il est hors de question de faire» de la maladie du président «un argument de campagne».

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