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Cuba: ouvrir l'économie sans affaiblir le régime et les acquis de la révolution
Le régime cubain bénéficie encore d’un soutien populaire en raison d’un accès égalitaire à une éducation et à un système de santé de qualité. Mais son économie, étatique et administrée, n’a jamais bien fonctionné. Cuba a longtemps vécu sous perfusion soviétique, puis vénézuélienne. Pour investir dans les infrastructures et éviter les pénuries, Cuba n'a d'autre choix que d'ouvrir son économie.
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Cuba exporte ses médecins, ses médicaments et ses vaccins, mais la vie quotidienne des Cubains reste marquée par les restrictions alimentaires et un salaire moyen d’une vingtaine d’euros. Dès la fin de l’aide soviétique en 1991, «le modèle économique cubain ne marchait plus», constatait Fidel Castro. Lors d’un congrès de la Centrale des Travailleurs cubains, il dénonçait «le paternalisme, l’égalitarisme, les gratuités excessives et les subventions indues, la vieille mentalité forgée au cours des années». Une critique sévère de l’idéal égalitariste de la révolution cubaine par son principal acteur.
Survivre à la fin de l'aide soviétique
A cette époque, la chute de l’Union soviétique eut un effet dévastateur sur Cuba. Moscou importait 80% du sucre cubain à un prix plus élevé que le marché et fournissait l’île en pétrole à bas prix. Avec la perestroïka de Gorbatchev, les échanges avec Moscou chutent de 80%, le PIB cubain de 35%. Après l’effondrement du bloc soviétique, Cuba entre dans une nouvelle période de pénuries et d’endettements que l’embargo américain ne suffit pas à expliquer. Cuba va accumuler plus de 30 milliards de dettes envers le grand frère soviétique en partie effacée en 2014 par Vladimir Poutine.
Dans les années 2000, le Venezuela d’Hugo Chavez et sa révolution bolivarienne remplace le grand frère soviétique. Un échange pétrole contre médecins se met en place, mais aujourd’hui le Venezuela est à son tour en grande difficulté en raison de la dégringolade des prix du pétrole.
Depuis 2013, le commerce entre Cuba et le Venezuela a baissé d’un milliard et demi de dollars.
Les entrées en devises de Cuba souffrent également de la baisse des cours du nickel, l’une des principales exportations de l’île, devant les cigares, le sucre, le rhum, et les produits de la pêche.
Le salut par le tourisme
Fautes de devises, Cuba se tourne vers le tourisme. En mars 2014, les autorités adoptent une loi sur les investissements étrangers présentée comme cruciale par Raul Castro. Avec plus de 3 millions de visiteurs en 2015 aujourd’hui, c’est un véritable succès. Mais l’activité reste peu rentable: il faut importer l’essentiel des denrées notamment alimentaires, en raison d’une agriculture cubaine peu productive.
L’instillation d’une dose de libéralisme dans l’économie de l’île a permis ces dernières années la création de petits commerces privés et de micro entreprises : coiffeurs, restauration rapide, salon de beauté… Ces petits métiers qui animent aujourd’hui les rues de La Havane, représentent 10% de la population active. Les ingénieurs, les médecins et les architectes restent eux payés (mal) par l’Etat.
Parmi les gagnants de l’ouverture économique, une grande partie de ces auto-entrepreneurs (cuentapropistas) ayant accès au peso convertible des touristes.
Deux économies coexistent, celle du peso pour le commun des Cubains et celle du peso convertible pour ceux qui travaillent au contact des touristes ou ceux qui ont de la famille à l’étranger.
Aujourd’hui, la principale source de devises du pays reste les remesas, les envois de fonds des expatriés cubains.
L'Europe plutôt que les Etats-unis
Les secteurs clés de l’économie restent dans les mains de l’armée. Avec de belles réussites industrielles comme la pharmacie et les biotechnologies. Cuba exporte des traitements anticancéreux et des vaccins. Mais l’économie administrée cubaine reste dans l’ensemble peu productive. Comme dans l’URSS des années 70, «on fait semblant de nous payer, on fait semblant de travailler».
«Nous voulons séparer l'Etat de la gestion des entreprises», affirmait le 2 février 2016 à Paris le ministre cubain du Commerce extérieur, Rodrigo Malmierca. «Nos entrepreneurs ont pris l'habitude d'attendre les directives, de ne pas prendre de décisions et d'attendre une orientation qui vienne d'en haut.»
Pour remplacer le mentor vénézuélien et éviter de tomber sous la coupe des Etats-Unis, les autorités cultivent leurs relations avec l’Amérique latine, la Chine et l’Union européenne. Elles cherchent à attirer les capitaux étrangers dans les activités qui nécessitent de lourds investissements, comme le tourisme, l'énergie et le bâtiment.
Longtemps réclamée, la levée de l’embargo américain inquiète le régime qui a peur du retour des Cubains de Miami et de leurs milliards de dollars. La vieille garde de la révolution, qui va bientôt devoir passer la main, refuse une trop grande ouverture économique qui pourrait rapidement balayer le parti et les «acquis de la révolution».
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