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Colombie: la fin du conflit avec les Farc, le plus ancien du continent américain
La Colombie a franchi le 22 juin 2016 un pas décisif vers la paix avec la conclusion d’un cessez-le-feu définitif entre le gouvernement et les Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc). Retour sur un conflit vieux de plus d’un demi-siècle, qui a fait officiellement 260.000 morts, 45.000 disparus et 6,6 millions de déplacés.
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Le 9 avril 1948, Jorge Eliécer Gaitán, le très populaire leader du Parti libéral, candidat à l’élection présidentielle, est assassiné en plein centre de Bogota, la capitale colombienne. L’homme, très populaire dans les classes défavorisées de la population, avait coutume de dire, comme Lénine, que «la terre appartient à ceux qui la cultivent», rappelle le journal péruvien El Comercio. Sa mort, souvent «attribuée à une oligarchie inquiète de voir Gaitán accéder à la présidence», déclenche une série d’émeutes sévèrement réprimées, connue aujourd’hui sous le nom de Bogatazo.
La période marque le début d’une décennie de violences. Devant le manque de perspectives politiques, des milliers d’hommes, issus des rangs du Parti libéral, rejoints par des militants du Parti communiste, se réunissent notamment dans le centre du pays. Ils constituent une «République de Marquetalia» dans le département de Tolima (centre-ouest). A cette époque émerge la figure du futur chef des Farc, Manuel Marulanda, alias «Tirofijo». Au printemps 1964, la zone est reprise par l’armée soutenue par les Etats-Unis.
La «República de Marquetalia» deviendra, par la suite, le «mythe fondateur» de la future guérilla. Et la résistance, opposée par les insurgés aux militaires, est présentée par les Farc, qui se réclament du marxisme, comme l’épisode à l’origine de leur mouvement. Au départ, ce dernier est «fortement influencé et encadré par le Parti communiste». Il s’en détachera par la suite. C’est aussi pendant cette période que se forme l'autre rébellion de gauche du pays, l'Armée de libération nationale (ELN, guévariste).
Trafic de cocaïne
Dans les années 70, le mouvement s’étend dans les régions reculées du pays. Puis au cours de la décennie 80, elle gagne des zones riches en matières premières ainsi que celles où l’on cultive la coca, aux frontières du Venezuela et de l’Equateur. Par où l’on peut exporter la fameuse plante et importer des armes… Les Farc s’orientent en effet de plus en plus vers le trafic de cocaïne. Tout en pratiquant les enlèvements avec rançons. Et le racket.
En 1984, les premières négociations de paix sont lancées entre le gouvernement de Belisario Betancur et les Farc, qui créent alors l'Union patriotique (UP), leur vitrine politique. Mais trois ans plus tard, le 11 octobre 1987, l'assassinat par des paramilitaires du candidat présidentiel de l'UP et de 3000 de ses militants fait capoter le processus de paix. En 1991, de nouvelles négociations de paix s'ouvrent au Venezuela, puis au Mexique. Elles s'achèvent sans succès un an plus tard.
En août 1996, les Farc attaquent une base de l'armée à Delicias (sud), prenant en otage 60 militaires. C'est le début d'une série d'enlèvements qui leur permettent d’échanger des otages contre des guérilleros emprisonnés. A cette époque, la guérilla compte environ 17.000 membres.
En 1999, nouvelle tentative de dialogue avec les autorités. Le président Andres Pastrana décrète, dans la région du Caguan (sud), la démilitarisation d'une zone de 42.000 kilomètres carrés.
Tournant
Le début des années 2000 marque un tournant dans le conflit. En août 2002, un attentat fait 21 morts contre le palais présidentiel lors de l'investiture du président conservateur Alvaro Uribe. Celui-ci promet alors de détruire militairement la guérilla. Il met fin à toute négociation avec le mouvement de Manuel Marulanda. Après l'enlèvement d'un député, puis de la candidate à la présidentielle Ingrid Betancourt, il décide la remilitarisation de la zone de Caguan.
Alvaro Uribe reçoit l’aide des Américains. Alors que se constituent des groupes paramilitaires, «milices antiguérilla intimement liées au trafic de cocaïne», rappelle Le Figaro. Malgré les bavures, la stratégie du tout-militaire affaiblit les Farc. En 2008, Manuel Manuranda, 79 ans, meurt de cause naturelle, dixit la guérilla. Tandis que le porte-parole de la guérilla, Raul Reyes, est abattu lors d’un bombardement de l’armée en Equateur.
De plus, la médiatisation de la détention des otages, notamment celle d’Ingrid Betancourt, contribue à l’impopularité du mouvement.
En 2010, Alvaro Uribe laisse la place à son ex-ministre de la Défense Juan Manuel Santos, partisan de négociations tout en maintenant une forte pression militaire sur la rébellion. En 2011, l'armée abat le chef suprême de la rébellion, Alfonso Cano, remplacé par Rodrigo Londoño, plus connu sous ses noms de guerre Timoleon Jimenez ou «Timochenko».
Hashtags pacifiques
En octobre 2012, après des contacts secrets, le gouvernement de Juan Manuel Santos et les Farc lancent symboliquement à Oslo un nouveau dialogue de paix. Les pourparlers débutent un mois plus tard à Cuba, pays co-garant du processus de paix avec la Norvège. Un accord pour un cessez-le-feu définitif est alors annoncé le 22 juin 2016. Il a été précédé d'accords partiels sur la réforme agraire, le trafic de drogue, les réparations aux victimes (qui inclut la justice qui s'appliquera aux ex-belligérants) et la participation politique des guérilleros démobilisés.
Sur Twitter, les deux camps rivalisent désormais de hashtags pacifiques.
Le président Juan Manuzel Santos dit «Oui à la paix».
Mañana será un gran día! Trabajamos por una Colombia en paz, un sueño que comienza a ser realidad. #SíALaPaz pic.twitter.com/yk7RI4yjrB
— Juan Manuel Santos (@JuanManSantos) June 22, 2016
Tandis que le chef des Farc, Timoleon Jimenez, parle du «dernier jour de la guerre» :
#ElÚltimoDíaDeLaGuerra debe ser el primero sin desaparecidos: "CIDH aborda caso sobre desaparecidos en La Esperanza" https://t.co/sC5oufrMHU
#ElÚltimoDíaDeLaGuerra debe ser el primero sin desaparecidos: "CIDH aborda caso sobre desaparecidos en La Esperanza" https://t.co/sC5oufrMHU
— Rodrigo Londoño (@TimoFARC) June 22, 2016
Pour autant, les armes n’ont pas dit leur dernier mot. Car il reste maintenant à convaincre l’ELN, qui «traîne des pieds et multiplie les actions armées pour rappeler qu’elle garde une certaine capacité de nuisance», rapporte Le Monde. Tant que l’organisation castriste n’aura pas déposé les armes, la Colombie ne vivra pas en paix.
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