Baltimore : une journée d'émeutes vue depuis les réseaux sociaux
La ville du Maryland a connu une flambée de violences inédite depuis l'assassinat de Martin Luther King, en 1968.
Etat d'urgence, couvre-feu et garde nationale dans les rues. La ville de Baltimore, dans le Maryland (Etats-Unis), a été secouée par de violentes émeutes dans la nuit du lundi 27 au mardi 28 avril. Les heurts et les pillages ont éclaté peu après les obsèques de Freddie Gray, un jeune Noir mort le 19 avril des suites d'une fracture des vertèbres cervicales, une semaine après son interpellation par la police.
Sur Instagram et Twitter, journalistes et habitants de Baltimore ont raconté, tout au long de la journée, une flambée de violences que la ville n'avait plus connues depuis l'assassinat de Martin Luther King, en 1968.
Lundi matin. "Le calme est espéré pour les funérailles"
Baltimore se réveille, lundi 27 avril, dans un climat empreint d'une certaine angoisse. Samedi, une marche organisée à la mémoire de Freddie Gray a dégénéré : quelques centaines de manifestants s'en sont pris aux forces de l'ordre, endommageant au moins cinq véhicules de police, rapporte alors CNN.
Alors que les obsèques du jeune homme doivent débuter en milieu de matinée, le Baltimore Sun, principal quotidien local, indique à sa une que le calme est "espéré". En bas de la page, un bandeau de publicité annonce l'autre grand événement du jour : la célèbre équipe de baseball des Orioles de Baltimore reçoit à 18h30 les White Sox de Chicaco. Le match n'aura finalement pas lieu.
Today's @BaltimoreSun cover. Monday. #FreddieGray pic.twitter.com/utAzd5fEoM
— deray mckesson (@deray) 27 Avril 2015
A la mi-journée. Une "menace crédible" de violences
Alors qu'environ 3 000 personnes, selon un décompte du Wall Street Journal, sont rassemblées dans une église de l'ouest de la ville pour assister aux funérailles de Freddie Gray, la police de Baltimore publie à 11h25 sur Twitter un communiqué faisant état d'une "menace crédible" pesant sur les forces de l'ordre. "Nous avons reçu des informations sérieuses indiquant que des membres de plusieurs gangs (...) ont conclu un partenariat visant à 'se débarrasser' d'officiers de police", indique le texte.
Service beginning w clergy lined up at altar pic.twitter.com/oQXMw1Xf2d
— Jean Marbella (@Jean_Marbella) 27 Avril 2015
Please see the attached credible threat to law enforcement: http://t.co/YxhgmPMM1U
— Baltimore Police (@BaltimorePolice) April 27, 2015
14h. Des bâtiments publics redoutent une "purge" et ferment leurs portes
En début d'après-midi, des lycéens de Baltimore se passent le mot sur Instagram : à partir de 15 heures, une descente en ville sera organisée pour une "purge". Derrière ce mot se cache une référence au film American Nightmare (The Purge, en VO), dans lequel, une fois par an, tous les crimes sont autorisés pendant une nuit.
Alertée par la police, l'université du Maryland, qui accueille plus de 6 000 étudiants, décide de fermer ses portes à partir de 14 heures. Situés en centre-ville, le fonds d'investissement T. Rowe Price et le célèbre marché de Lexington ne tardent pas à l'imiter.
Sur Twitter, un journaliste du Baltimore Sun chargé de couvrir les faits divers écrit que les rumeurs de "purge" et de "guerre des gangs" ressurgissent tous les deux mois. Un internaute l'interpelle : "D'accord, mais combien de fois ces rumeurs entraînent-elles la fermeture d'universités et de magasins ?"
@justin_fenton But how often do those memes result in universities and businesses shutting down?
— Ally (@newscat44) April 27, 2015
15 heures. Début des violences
Les premiers heurts éclatent à 15 heures aux abords d'un centre commercial, le Mondawmin Mall, coincé entre un collège et une université publique, à seulement 400 mètres de l'église où se déroulaient quelques heures plus tôt les obsèques de Freddie Gray. La police de Baltimore évoque un face-à-face avec "un groupe de jeunes", et ferme rapidement la station de métro attenante.
Dans les rues voisines, les forces de l'ordre essuient des jets de briques et procèdent aux premières arrestations.
All out war between kids and police pic.twitter.com/19y4YJ2Y5X
— Erica L. Green (@EricaLG) April 27, 2015
17 heures. Le centre-ville s'embrase
Très vite, les violences se déplacent vers le centre de Baltimore. Des manifestants encerclent une première voiture de police et progressent vers le port, sous un nuage de gaz lacrymogène et de fumée s'échappant de poubelles incendiées. Du côté du Mondawmin Mall, les premiers policiers blessés sont évacués vers les hôpitaux.
Chaos pic.twitter.com/luntHuGa5m
— Justin Fenton (@justin_fenton) April 27, 2015
Glass being hurled at buses, nearly hit out news car. MTA car/bus on fire. pic.twitter.com/96Ey5vWpbV
— Paul Gessler (@PaulGessler) April 27, 2015
18 heures. "RAMENEZ VOS ENFANTS A LA MAISON"
A mesure que les violences gagnent le centre de Baltimore, où de nombreux commerces commencent à être pillés, les messages publiés par la police de la ville sur Twitter se font plus nombreux. L'un d'entre eux, rédigé en lettres capitales, presse les parents de "trouver leurs enfants et de les ramener à la maison".
Several juveniles are part of these aggressive groups. WE ARE ASKING ALL PARENTS TO LOCATE THEIR CHILDREN AND BRING THEM HOME.
— Baltimore Police (@BaltimorePolice) April 27, 2015
Le message a visiblement été entendu par cette mère de famille, qui n'a pas hésité à gifler son fils cagoulé devant les caméras d'une télévision locale.
A 18h20, le compte Twitter de l'équipe de baseball de Baltimore annonce l'annulation du match annoncé le matin par la presse, en raison des violences qui secouent la ville.
20 heures. L'état d'urgence est décrété, les pillages continuent
A la tombée de la nuit, les autorités passent à la vitesse supérieure. Le gouverneur du Maryland organise une conférence de presse pour décréter l'état d'urgence dans la ville et appeler la garde nationale à l'aide afin de rétablir le calme. La maire de Baltimore, Stephanie Rawlings-Blake, qui avait assisté aux funérailles de Freddie Gray, dénonce de son côté les "voyous" qui continuent de saccager les magasins de la ville.
Too many people have invested in building up this city to allow thugs to tear it down. pic.twitter.com/bGjT5ru5cy
— Mayor Rawlings-Blake (@MayorSRB) April 28, 2015
Dans les rues, l'ambiance verse parfois dans le surréaliste : un manifestant n'hésite pas à défier la police en se déhanchant sur une musique de Michael Jackson, tandis que certains quidams décident de défendre les commerces de leur quartier avec les moyens du bord.
@rafsanchez: We just met Brian, who is defending a liquor store on his own with a machete amid the riots #baltimore pic.twitter.com/dj8fXOD3Rg
— Raf Sanchez (@rafsanchez) April 28, 2015
22 heures. "L'un des jours les plus sombres de l'histoire de la ville"
Alors que les voitures de police quadrillent les rues du centre-ville, les pompiers de Baltimore se pressent vers les quartiers est. Un gigantesque feu y a embrasé un centre pour personnes âgées qui était en construction, à côté d'une église.
The church center was set to be completed in December. pic.twitter.com/WcXdGW6E1y
— Yvonne Wenger (@yvonnewenger) April 28, 2015
Dépêchée sur les lieux, la maire de Baltimore refuse de faire le lien entre l'incendie et les émeutes, mais ne cache pas son dépit devant les journalistes venus couvrir l'événement. : "Nous vivons l'un des jours les plus sombres de l'histoire de cette ville... Qu'est-ce que tout cela va régler ?"
.@mayorsrb at the scene of large fire. "This is one of our darkest days as a city ... What does it solve?" pic.twitter.com/qAJjadi0ie
— Luke Broadwater (@lukebroadwater) April 28, 2015
2 heures. La mère de Freddie Gray appelle au calme
Il faut attendre le cœur de la nuit pour retrouver un semblant de calme dans les rues de Baltimore. Aux alentours de minuit, la mère de Freddie Gray appelle les émeutiers à arrêter les violences. "Je veux que vous obteniez la justice pour mon fils, mais ne saccagez pas la ville", implore-t-elle devant la presse.
Sur Twitter, des habitants appellent à se regrouper dès le matin pour "reconstruire, et aider" les victimes des émeutes. Le Baltimore Sun, de son côté, publie sur son compte Twitter la une de son édition du mardi. Le calme espéré la veille est bien loin.
Tuesday's front page: RIOTS ERUPT. (Full coverage on http://t.co/dfsAzpiToO) pic.twitter.com/tE4xgqVAJE
— The Baltimore Sun (@baltimoresun) April 28, 2015
Mardi matin. Le nettoyage commence sous haute surveillance
Au lever du jour, l'heure est au grand nettoyage. Des volontaires commencent à se relayer pour faire disparaître des rues les traces des violences de la veille sous les yeux des journalistes. De leur côté, les forces de l'ordre, casques sur la tête et bouclier au poing, bloquent les artères où se regroupaient les émeutiers quelques heures plus tôt.
Large group of volunteers cleaning up that burnt out CVS in Baltimore pic.twitter.com/84BVzu7SWS
— justin jouvenal (@jjouvenal) April 28, 2015
Riot police still blocking W. North Ave. as the sun rises. Few people in the street. pic.twitter.com/j8xLj6P7jO
— justin jouvenal (@jjouvenal) April 28, 2015
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