Cet article date de plus de huit ans.

A Cuba, malgré la normalisation avec les USA, tout change mais rien ne change

Le président cubain, Raul Castro, a été reçu le 1er février 2016 par son homologue français, François Hollande, à l’Elysée. Une preuve de la poursuite du dégel entre Cuba et les pays occidentaux depuis le rétablissement des relations diplomatiques de l’île caraïbe avec les Etats-Unis fin 2014. Mais vu de La Havane, rien n’a vraiment changé malgré ce tournant historique.
Article rédigé par Laurent Ribadeau Dumas
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
A La Havane, un jeune Cubain regarde à la télévision la rencontre entre les présidents cubain, Raul Castro, et son homologue américain, Barack Obama, le 11 avril 2015. (REUTERS - Enrique de la Osa)

Lors de la visite de son dirigeant à Paris, Cuba souhaite «élargir et diversifier davantage ses relations avec la France dans tous les domaines possibles: sur les terrains politique, économique, commercial, financier, des investissements, culturel et de coopération», a indiqué le vice-ministre des Affaires étrangères, Rogelio Sierra. Une manière de rappeler l’importance que La Havane accorde à l’évènement, alors que François Hollande avait été le premier chef d’Etat occidental à se rendre sur l’île, en mai 2015, à la suite de l’annonce du dégel avec Washington.

Depuis, le pape François a lui aussi fait le déplacement à La Havane en septembre. Les ambassades des deux parties ont été rouvertes. De leur côté, Raul Castro et Barack Obama se sont rencontrés à deux reprises en 2015. Et les annonces de normalisation se sont multipliées.  

Le 25 janvier, les Etats-Unis ont proposé aux autorités cubaines de tendre un câble sous-marin entre l'île et la Floride pour améliorer la qualité de l'accès à internet dans un pays où le taux de connexion est parmi les plus faibles au monde. Le lendemain, Washington annonçait un nouvel allégement des sanctions commerciales américaines. Ce qui devrait faciliter les contrats sur les projets d'infrastructures publiques, certaines exportations et les voyages professionnels.

Mais le principal obstacle à une normalisation reste en place : en l’occurrence, l’embargo économique imposé par Washington en 1960. Le président Obama n’est pas hostile à sa levée. «Mais seul le Congrès peut le faire», rappelle le journal espagnol El País. Un congrès à majorité  républicaine. Signe d’une évolution : «désormais, le lobby des investisseurs potentiels rivalise aux Etats-Unis avec les partisans du statu-quo», observe Le Monde.

Economie étatisée, libertés bafouées…
Conséquence : à Cuba, «c’est la déception, voire le désespoir qui prime», constate le quotidien français. La situation socio-économique est en berne : 1,3 % de croissance en 2015, aux dires mêmes des autorités cubaines.

Des enfants jouent au football à La Havane derrière une affiche représentant Fidel Castro le 29 mai 2015. (REUTERS - Enrique de la Osa)

Pendant ce temps, l’économie de l’île reste étatisée. Même si quelques changements ont été constatés dans le secteur privé : le monopole sur les services et les commerces a ainsi été levé. Pour autant, le Vénézuela, grand ami du régime castriste qui livrait du pétrole à prix d’ami, est en pleine tourmente et a réduit de moitié ses livraisons, constate le journal français. Dans le même temps, la principale source de devise reste «les envois de fonds des expatriés». En clair, l’île reste très dépendante de l’argent des émigrés. Alors que par milliers, les Cubains continuent à affluer vers les Etats-Unis. Une «saignée de capital humain impossible à chiffrer, mais lourde pour l’avenir», toujours selon Le Monde.

Côté droits de l’Homme, «les libertés sont toujours bafouées», poursuit Le Monde. On s’en est notamment rendu compte lors de la visite du pape en septembre 2015 quand des dizaines d’interpellations ont été rapportées.
 
D’une manière générale, à chaque manifestation d’opposants et de dissidents, «il y a des arrestations», rapporte (dans La Croix) Jacobo Machover, écrivain cubain en exil en France. «Cela démontre qu’il n’y a aucune volonté de changement de la part du régime», ajoute-t-il. Conclusion de Jacobo Machofer : le rapprochement avec les Etats-Unis et d’autres pays occidentaux n’a «fait que consolider la dictature castriste et la légitimer».
                                                                                                          
«Surmonter 55 années de méfiance»
La situation pouvait-elle changer en un an ? «Nous devons surmonter 55 années de méfiance et d’hostilité», explique (cité par El País) le directeur de Engage Cuba, organisation qui se fixe pour but «de soutenir le processus de normalisation en cours entre les Etats-Unis et Cuba».
 
A l’écouter, l’actuelle période transitoire, frustrante pour les Cubains, serait normale. En clair, selon lui, on s’achemine forcément vers la levée du fameux embargo. Et d’ajouter : «La grande bataille est terminée. Aujourd’hui, nous ne cherchons plus à savoir si l’embargo va être levé ou non, mais savoir le temps que cela va prendre pour y parvenir et comment s’y prendre.»

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.