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Où sont donc passés les présidents?

Quelques photos le 10 octobre tentent de masquer l'absence de nouvelles depuis le 3 septembre 2014 de Kim Jung-un. Les spéculations vont bon train... Il en va de même pour Abdelaziz Bouteflika qui lui aussi fait des apparitions publiques sommaires. Différentes raisons et hypothèses sont avancées, pour justifier des disparitions orchestrées ou pas. Elles demeurent souvent inexpliquées.
Article rédigé par Frédérique Harrus
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Pyongyang (Corée du Nord), le 14 octobre 2014 : Kim Jong-un appuyé sur une canne visitant un programme immobilier. (EyePress Photo)

Une série de photos a été publiée le 14 octobre 2014, montrant Kim Jong-Un avec une canne. Elles semblent attester d'un problème aux jambes. Mais ces photos, impossible à dater, ont pour but de faire taire les rumeurs et suppositions. A savoir, est-il malade ou renversé? C'est la question que se posaient les observateurs extérieurs pour expliquer l'absence prolongée du dictateur nord-coréen. Kim Jong-un, d'ordinaire très friand d'exposition cathodique, a raté deux grands rendez-vous médiatiques. La cérémonie de clôture des jeux asiatiques le 4 octobre 2014 et des festivités marquant le 69e anniversaire du Parti des travailleurs (fondé par son grand-père), ordinairement incontournables pour le leader suprême. Invisible depuis le 3 septembre 2014.

Les observateurs extérieurs (forcément extérieurs à un pays aussi fermé) qu'ils soient Sud coréens, transfuges de Corée du nord ou journalistes, émettent toutes les hypothèses possibles en extrapolant sur ce qu'ils devinent, voient, ou croient savoir. Kim Jung-un est en surpoids, sujet aux crises de goutte, il est issu d'une lignée de diabétiques, il raffole de l'emmental (souvenir de ses années de pensionnat suisse), il porterait des chaussures cubaines avec un talon dissimulé pour se grandir et a été vu claudiquant en juillet 2014. On peut alors se lancer dans les supputations telles que : il souffre d'hyperuricémie, d'hypertension, il s'est cassé une cheville, non les deux ! 

L'autre possibilité envisagée serait qu'il soit victime d'une purge ou d'un putch. Hypothèse aussitôt balayée par d'autres experts. 

On trouve aussi dans la catégorie «santé chancelante», Abdelaziz Bouteflika. Malgré plusieurs gros problèmes de santé dont un AVC, il est candidat et réélu à sa propre succession en avril 2014. A part une brève apparition télévisée au cours de laquelle il a prêté serment d'une petite voix éraillée, il a disparu du champ médiatique algérien et on ne l'a plus entendu publiquement. C'était au printemps 2014. Depuis, ce sont encore deux événements qui ont pointé son absence, tout d'abord quand il n'est pas venu à la prière de l’Aïd al Adha, mais surtout lors de la gestion de la crise liée à l'enlèvement et l'assassinat du guide français, où, contre tout protocole diplomatique, c'est le premier ministre algérien qui fut l'interlocuteur du président français. Il vient de réapparaître brièvement le 8 octobre 2014, pour recevoir un ancien diplomate algérien et faire taire les folles rumeurs de décès et de pouvoir vacant. Les journaux faisant état de cette réapparition télévisée ont tout de même jugé bon de préciser, à défaut de l'entendre, qu'il bougeait la main droite... 

Dernier président aux abonnés absents, ces temps-ci : Michael Sata, 77 ans, à la tête de la Zambie. Ultime apparition publique le 19 juin 2014. Il n'a pas assisté au sommet USA-Afrique à Washington en août 2014, ni à un sommet régional juste de l'autre côté de la frontière au Zimbabwé début octobre 2014. Problème: la constitution interdit à l'actuel vice-président d'assurer l'intérim parce qu'il est écossais. Les esprits s'échauffent et les appels à la démission se multiplient. « On est en pilotage automatique, il n’y a rien qui bouge dans le pays et Sata est payé à ne rien faire! », a déclaré Nason Msoni, président d’un petit parti d’opposition dénommé All People’s Congress à l’AFP. Malgré les dénégations de l'épouse du président et de son médecin, les manœuvres pour sa succession ont commencé.

Mais là où il ne faut se leurrer, c'est que ces disparitions ne sont pas forcément involontaires. Kim Jong-un n'a rien inventé, son père Kim Jong-il l'avait fait avant lui. Il pouvait disparaître sans que quiconque sache où il se trouvait, puis réapparaissait sans la moindre explication, et continuait de diriger le pays d'une main de fer. Cette absence d'information insécurisait un peu plus la population, renforçait l'atmosphère de défiance généralisée, avec l'impossibilité de conjecturer dans la paranoïa ambiante. Dans ce cas, c'est à l'initiative du principal intéressé.

L'autre configuration possible est quand cette absence d'information provient de l'entourage du président, trop diminué pour assurer ses fonctions. La garde rapprochée peut ainsi diriger le pays comme elle l'entend ou organiser une succession à sa convenance alors que le dirigeant peut être déjà mort à l'insu de tous. Hugo Chavez, le président vénézuélien avait disparu depuis décembre 2012, quand il a été déclaré décédé le 5 mars 2013. 

Les quelques clichés non datés ne sont pas pour autant des preuves de vie de Kim Jong-un. Qu'en est-il réellement du dictateur Nord-coréen ? Abdelaziz Bouteflika est-il encore en pleine possession de ses moyens physiques et intellectuels ? Le président Sata est-il toujours en Zambie et vivant? Quel que ce soit le cas, une grande question se pose : qui dirige le pays ?


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