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Vers une pénurie de sérum en Afrique contre les morsures de serpent

Chaque année, 30.000 personnes en Afrique sub-saharienne meurent d’une morsure de serpent. L’arrêt de la fabrication du principal sérum risque d’aggraver la situation alerte MSF. Pendant trois ans il n’y aura pas de sérum disponible.
Article rédigé par Jacques Deveaux
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 2 min
Mamba noir photographié au parc Kruger en Afrique du Sud. (Blosphoto)

Il se nomme FAV-Afrique. Ce sérum est le seul certifié sûr et efficace contre les morsures des dix serpents africains les plus dangereux. Il est largement utilisé par les équipes de MSF sur leurs zones d’intervention. Ainsi à Paoua, dans le nord ouest de la Centrafrique, 300 à 400 personnes sont soignées pour des morsures chaque année. Ce sont le plus souvent des enfants mordus par la vipère Echis Occelatus. Elle tue une de ses victimes sur dix. Avec le sérum, la mortalité tombe à 0,5%. Au Soudan du Sud, à Agok, MSF a mené une enquête dans 33 villages des alentours. Elle a permis de dénombrer un taux de 1500 morsures pour 100.000 habitants par an.
 
Quant au FAV-Afrique son principal défaut réside dans sa conservation entre 2 et 8 degrés, pour une durée de vie de trois ans. C’est un obstacle majeur pour l’approvisionnement des centres, notamment en zone rurale. Or, les victimes de morsures ne vivent pas en ville !

 
Reste bien sûr, le nerf de la guerre, à savoir le coût du traitement. Selon un article de la revue Médecine tropicale, il revient à 120 euros au Sénégal. MSF de son côté parle de 250 voire 500 dollars (220 à 440 euros).
 
Le dernier lot de FAV-Afrique expirera en juin 2016. Sanofi a arrêté sa fabrication jugée peu rentable en 2014.«Sanofi ne pouvait s’aligner» sur des produits concurrents fabriqués en Asie ou en Amérique latine, a déclaré à l’AFP Alain Bernal, le porte-parole du groupe.

Dans un communiqué reçu par Géopolis, Alain Bernal précise : «Le choix des acheteurs se focalisant sur le coût, ils se sont approvisionnés auprès de ces nouveaux producteurs, ce qui a eu pour conséquence directe une importante chute de la demande de doses (divisée par 6).»

Sanofi recherche un partenaire 
Sanofi regrette ce choix et précise : «Cette situation démontre clairement comment la pression sur les prix conduit à faire des choix au détriment de la durabilité et de la fiabilité de l'approvisionnement, avec un impact sur la santé publique.»
 
Sanofi Pasteur précise enfin que les recherches se poursuivent afin de trouver un partenaire qui reprenne la fabrication. Au mieux, selon MSF, le sérum ne sera pas disponible avant la fin de l’année 2018. Il faudra donc se tourner vers les autres sérums existants, mais leur efficacité et leur sûreté ne sont pas établies. 

Pour MSF, tout cela illustre le désintérêt de l’OMS pour cette problématique. «Les acteurs mondiaux de la santé, les bailleurs de fonds, les gouvernements et les compagnies pharmaceutiques doivent assumer leur part de responsabilité face à cette négligence et considérer les morsures de serpent comme une crise de santé publique face à laquelle ils doivent prendre collectivement des mesures immédiates et appropriées.»
 
Car le continent africain n’est pas le seul concerné. On estime que les serpents tuent 100.000 personnes chaque année. 400.000 souffrent d’invalidité allant jusqu’à l’amputation. Il est donc possible que l’absence d’un des meilleurs sérums fasse exploser ces chiffres.

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