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Face au changement climatique, le Maghreb relève le défi de l’eau…

La rareté de l'eau caractérise la rive sud de la Méditerranée. Les sécheresses et les pénuries récurrentes viennent rappeler que les ressources en eau du Maghreb sont limitées, irrégulières, et fragiles. Toute la région est condamnée à l’audace technologique et à la gestion parcimonieuse de l’eau, un défi relevé jusqu'à présent avec un certain succès.
Article rédigé par Michel Lachkar
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
L'oasis de ksar Ghilane dans le Sud-tunisien. (AFP/ Stéphanes Frances)

Les coupures d’eau qui ont longtemps exaspéré les habitants d’Alger ou d’Oran, se font aujourd'hui plus rares, mais l'accès à l'eau reste un défi permanent au Maghreb. La disponiblité en eau au sud de la Méditerranée se situe sous le seuil jugé critique de 1000 mètres cubes par habitant. Les changements climatiques en cours pourraient encore réduire la pluviométrie dans la région. On constate déjà des phénomènes climatiques inédits : neige dans le Hoggar (Sahara) mais non dans les Aurès (montagne de l’est algérien). Au Maghreb, la ressource en eau est mal répartie dans l’espace et dans le temps, ce qui a rendu nécessaire la construction de centaines de barrages et de canaux pour stocker l'eau et la transférer d’une région à l’autre. On compte à ce jour pas moins de 130 barrages au Maroc, 84 en Algérie, 35 en Tunisie.
 
Pression urbaine sur les sols et l'eau
Au Maghreb, l’essor démographique et l’urbanisation croissante pèsent sur l’équilibre entre les hommes et l’eau. Aggravé au Maroc et en Tunisie par des dizaines de millions de touristes qui consomment 500 litres d’eau par séjour. On constate également une compétition entre les campagnes et les villes : dans la zone littorale, les terres cultivables diminuent au profit de l’expansion des villes. Pour alimenter les zones urbaines, les pays de la région misent de plus en plus sur le dessalement de l’eau de mer, dont le coût est orienté à la baisse depuis vingt ans. Selon Foued Chehat, directeur de l'Institut national de la recherche agronomique d'Algérie, «dans mon pays, 60 usines de dessalement sont programmées pour alimenter la population des villes côtières.»
 

Champ de céréales dans le Sahara. Algérie El Goléa (AFP)

Nappes fossiles sous le Sahara
Le nord du Sahara recèle, de l’Algérie à l’Egypte, d’importantes nappes souterraines avec des eaux salées et chaudes, difficiles à extraire, rendant coûteuse leur exploitation à large échelle. Un grand fleuve artificiel alimente depuis 2005 les villes côtières de la Libye à partir d’une nappe située à 800 mètres sous le desert. Cette nappe fossile est une véritable mer souterraine formée par plusieurs millénaires d’infiltrations d’eau de pluie. 2000 kilomètres de canalisations (de 2 à 4 mètres de diamètre) auront été nécessaires pour amener l’eau du Sahara vers la côte, un investissement de 33 milliards de dollars, financé par la rente pétrolière.

Avec sa faible population et sa richesse en or noir, la Libye avait les moyens de se lancer dans cette opération pharaonique. Une eau essentiellement destinée à l’eau potable indispensable à la survie de la population. A ce prix, il n'est pas question de faire pousser des tomates dans le désert. C'est pourquoi la région importe une bonne partie de ses besoins alimentaires, céréales notamment.

Les surfaces irriguées ont toutefois doublé depuis cinquante ans, notamment en Algérie et au Maroc, ce qui a permis deux à trois récoltes par an. En Algérie, l’agriculture irriguée représente 18% de la surface agricole du pays et devrait atteindre 27% en 2030. Quant au Maroc, il mise sur les petits barrages de dérivation qui permettent de réguler les crues et de mobiliser près de 80% des eaux de pluies vers les zones les plus arides du pays.
 
Recycler les eaux usées des villes
Pour pallier une dangereuse surexploitation des nappes souterraines, les pays de la région se sont engagés dans une irrigation plus économe en eau (goutte-à-goutte). Une solution nouvelle consiste à recycler les eaux usées des villes pour un usage agricole. En Algérie, 800 millions de mètres cubes d’eaux usées sont actuellement traitées avant d’être recyclées dans l’agriculture. 

On le voit, une politique volontariste et coûteuse a permis jusqu'à présent d’éviter une grave crise de l’eau. Mais dès que la saison des pluies tarde à venir, ou se fait moins abondante, l’angoisse monte dans la région. L’or bleu pour l'agricuture et le tourisme est la véritable richesse de la région.

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