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Des vacances en Tunisie sous haute surveillance

Amira, journaliste franco-tunisienne, a passé quelques jours de farniente, au soleil, au bord de la mer à Hammamet, une ville touristique du nord-est de la Tunisie. Le pays se souvient encore de l'attentat de Sousse. Aujourd'hui, sur les plages, les policiers armés se mêlent aux vacanciers. Témoignage.
Article rédigé par Amira Bouziri
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Deux policiers surveillent la plage de Sousse lors d'une cérémonie de commémoration des victimes de l'attentat du 26 juin, le 3 juillet 2015. (AFP PHOTO / FETHI BELAID)

Jour et nuit, des policiers en uniforme noir, rangers aux pieds et mitraillette en bandoulière, côtoient les vacanciers sur les plages d'Hammamet. J'ai choisi cette station balnéaire et touristique du nord-est tunisien à 80 km de Sousse, pour passer quelques jours de repos dans un hôtel. L'attentat du 26 juin 2015 sur une plage qui a fait 38 morts, me revient en tête alors que je bronze, un bouquin à la main, sur mon transat, les pieds face à la mer.
 
Comme les 38 victimes de Sousse, je suis venue chercher le soleil en Tunisie, et de la fraîcheur au bord de la mer Méditerranée. J'arrive sur la plage d'Hammamet, belle étendue de sable doré, à l'heure où a lieu l'attentat. Il est 11h30, je viens de petit-déjeuner. Je lis un livre pour me détendre. Soudain me revient en mémoire cette photo, qui a fait le tour de la planète, montrant un livre de mots croisés, tâché de sang, et abandonné sur le sable. Trois mois après l'attentat du musée du Bardo qui avait fait 21 morts en mars, la tuerie de Sousse perpétrée par un étudiant tunisien se revendiquant de Daech, a rempli d'effroi le monde entier, mais plus encore le pays en train de réussir sa transition démocratique.
 
Dans ce contexte, aujourd'hui, en Tunisie, le combat contre le terrorisme est au centre de toutes les préoccupations.
 
Le terrorisme a plombé le tourisme en Tunisie, un secteur économique très important pour le pays. Je l'ai constaté moi-même en arrivant, l'avion de Tunisair que j'ai emprunté à l'aller était à moitié plein… de Tunisiens: il n'y avait presque pas de visiteurs étrangers, d'habitude pourtant nombreux à cette époque de l'année. Sur les routes, les plaques d'immatriculation jaunes sont presque plus nombreuses que les blanches: c'est sûr, les Algériens sont là, comme ils l'avaient promis. J'arrive dans un hôtel réputé, un quatre étoiles qui fait face à la mer. Complet en ce vendredi d'août, l'établissement abrite une majorité de clients tunisiens et algériens, m'explique le réceptionniste. Un peu moins du quart des clients sont des vacanciers étrangers.
 
On n'entend plus parler anglais
Je l'entends autour de moi: on parle beaucoup arabe, un peu l'italien, un peu l'allemand, un peu le français. Les Anglais semblent avoir déserté le pays. «C'est dommage, me confie Nadia, serveuse l'été et étudiante en économie le reste de l'année, mes clients préférés sont les Anglais, mais là il n'y en a plus.» Cette jeune fille vit à Grombalia, à 28 km de la ville d'Hammamet. Et comme beaucoup de jeunes dans la région, elle vit essentiellement grâce au tourisme.

La plage d'Hammamet-Nord, lundi 17 août 2015. (Amira Bouziri / Géopolis France TV Info)

Les vagues brillent sous le soleil. Des pédalos bleus, attachés par des cordes, s'entrechoquent dans un rythme régulier. Derrière moi, un policier en uniforme noir, assis sur une chaise en plastique blanc, nous surplombe: moi, une famille de Français et quelques couples tunisiens et algériens. Devant moi, marchant dans l'eau bleu ciel, d'autres policiers en tee-shirts blancs et shorts noirs font une ronde sur la plage. Avec leurs tenues décontractées, ils ont l'air de simples vacanciers. Sauf qu'ils portent des mitraillettes.
 
Depuis l'attentat de Sousse, le gouvernement a multiplié les agents de sécurité dans toutes les grandes villes. Simples policiers en uniforme bleu clair, officiers de la brigade anti-terrorisme vêtus de noir ou police touristique en civil, ils sont tous armés et prêts à protéger les touristes et les citoyens tunisiens d'éventuelles attaques. Ce déploiement de sécurité rassure les vacanciers étrangers et autochtones.
 

De nouvelles mesures de sécurité 
Par la suite, je souhaite rendre visite à un proche dans un hôtel voisin. Mais y entrer est difficile car je n'y suis pas cliente. On me demande mon nom, celui de mon cousin, son numéro de chambre, le lien familial que j'ai avec lui, ma carte d'identité, dont le gardien va scrupuleusement relever toutes les informations… 
 
Y a-t-il trop de sécurité? Je n'ai pas trouvé. Les Tunisiens sont contents de voir que la sécurité est enfin prise au sérieux. Début juillet 2015, des enquêteurs britanniques avaient pointé du doigt le manque de mesures sécuritaires dans un pays où «la menace terroriste est forte». Le Foreign Office avait alors déconseillé à ses ressortissants de se rendre en Tunisie pour tout voyage «non essentiel». Un coup dur pour le pays.
 
Une nouvelle attaque, le 19 août 2015 contre des policiers sur le bord de la route Sousse-Kairouan, qui a coûté la vie à l'un deux, a ravivé le climat d'inquiétude. Deux hommes qui passaient à moto ont tiré sur les agents et ont réussi à échapper aux forces de sécurité. S'il s'agit d'une nouvel assaut de Daech, leurs cibles ne sont pas choisies au hasard: toucher le tourisme, c'est tuer un secteur économique vital; tuer des policiers, c'est tuer le sentiment de sécurité. Le sentiment d'être à l'abri.

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