Des dizaines d'incendies de palmeraies inexpliqués ravagent le nord du Tchad
On en ignore la cause, mais ces incendies à répétition menacent de famine les populations.
Depuis plusieurs mois, la région de Faya (ex-Faya Largeau), au nord du Tchad, est frappée par des incendies de palmeraies à répétition. On se perd en conjectures sur l'origine de ces incidents, accidentelle ou criminelle. Une chose est sûre, la perte de milliers de palmiers-dattiers constitue une menace pour la population qui en tire l'essentiel de ses ressources.
Le dernier incendie rapporté remonte au mois de juillet dernier. Il a touché plusieurs "jardins" de Faya qui se partagent entre culture maraîchère et palmeraies. Ici, faute de services d'incendie, la population ne peut compter que sur elle même pour maîtriser le sinistre. Cette fois, les bras et les seaux d'eau n'ont rien pu faire contre les flammes attisées par un vent violent.
Désolation
Au mois de mai, c'est le village d'Aouzou, non loin de la frontière libyenne qui est la proie des flammes. Un témoin rapporte à Tchad Média une scène d'apocalypse, l'incendie s'étendant de la palmeraie au village. "Des milliers de palmiers-dattiers et des centaines des maisons ont été détruits. Des bétails ont été calcinés et le marché central a été complètement ravagé. Plusieurs boutiques ont été brulées."
Ce témoignage n'a pas été recoupé, mais il fait écho aux images de la palmeraie de Tigui, à 200 km au nord de Faya, qui a brûlé il y a quelques semaines. "L'estimation que nous avons faite après l’incendie est de 33 000 pieds de dattiers détruits par le sinistre. Ce sont des dattes très rares qu'on ne retrouve pas ailleurs", explique à RFI Mahamat Alafouza Barkai, le secrétaire général de l’association pour le développement de Tigui.
Des causes inconnues
Certains y voient les conséquences d'un manque d'entretien des palmeraies. Les palmiers ne sont pas élagués, et les palmes sèches toujours accrochées au tronc, ou tombées au sol, constituent un combustible idéal qui peut s'enflammer à la moindre étincelle. Ceci n'explique cependant pas la soudaine multiplication de ces incendies. Le manque d'entretien serait-il devenu monnaie courante dans la région ? Une sécheresse plus marquée rend-elle les plants plus vulnérables ?
D'autres ont une explication plus politique. Il s'agirait ni plus ni moins de priver la population de la région du BET (Borkou-Ennedi-Tibesti) d'une ressource alimentaire essentielle, et ainsi de la forcer à quitter les lieux. Dans ce nord désertique, l'oasis est rare et le palmier-dattier qui y prospère offre une culture vivrière. On mange ses dattes, mais dans la palmeraie son ombre permet aussi d'autres cultures, maraîchères le plus souvent.
Complot ?
Sans palmeraie, c'est désormais la famine qui menace. A terme, les populations affamées n'auraient pas d'autre choix que de quitter la région. Ainsi, l'incendie de la palmeraie de Borkou Yallah le 24 décembre 2019 menacerait 8 600 ménages qui se voient privés de ressources élémentaires. 50 000 pieds de palmier ont brûlé sur une zone d'un kilomètre carré.
Cette thèse d'un complot est largement relayée par l'opposition.
#Tchad
— Hissein Nouri Officiel (@NouriHissein) September 3, 2020
Après les palmeraies de Faya-Largeau, Ounianga-Kébir, Gouro, Miski, Bardaï, Aouzou, Olboye, Fada..., un incendie vient de ravager la plus grande palmeraie du Borkou qui se trouve dans la région de Tigui. 1/3 pic.twitter.com/9H738aapKt
Car si le sol est ingrat, le sous-sol, lui, est riche en or. Et Il est devenu, depuis sa découverte, la source d'un conflit entre la population locale et le pouvoir tchadien. Les Toubous, l’ethnie locale, accusent le président Deby de vouloir faire main basse sur ces richesses. Des permis d'exploitation minière accordés par N'Djamena ont déclenché un mouvement insurrectionnel armé. Depuis la fin 2019, les choses se sont calmées, mais la suspicion demeure forte.
Tout cela n'est que pure spéculation politique et ne s'appuie sur aucun commencement de preuve. Mais l'absence d'explication sur cette soudaine "épidémie" d'incendies de palmeraies ne fait qu'alimenter les désirs d'autonomie de cette région particulièrement frondeuse.
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