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Soudan : la chute d’Omar el-Béchir en trois dates

Le président soudanais a été destitué ce 11 avril 2019 sous la pression de la rue et de l’armée. Le ministre soudanais da la Défense a annoncé l’arrestation de l'homme fort du pays pendant trente ans. Chronique d'une fin de règne.

Article rédigé par franceinfo Afrique avec AFP
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Des manifestants soudanais jubilent devant le ministère de la Défense où ils sont réunis, le jeudi 11 avril 2019 à Khartoum, pour réclamer le départ du président Omar el-Béchir.   (REUTERS)

19 décembre 2018 : manifestations contre la hausse du prix du pain

Khartoum annonce en décembre 2017 l'abandon de subventions publiques dans le cadre de mesures d'austérités recommandées par le Fonds monétaire international. Les importations céréalières sont confiées au secteur privé. Cela entraîne une augmentation du prix du pain. Le Soudan, qui consomme entre 2,4 et 2,6 millions de tonnes de blé par an, n’en produit qu’environ 445 000. Dès le 4 janvier 2018, le prix d'un sac de 50 kilos de farine passe de 167 à 450 livres soudanaises (de 20 à 54 euros). A la fin de l’année, le 19 décembre, les Soudanais descendent dans la rue pour dénoncer la décision du gouvernement de tripler le prix du pain. Les manifestations vont bientôt se transformer en un mouvement de contestation contre le régime d’Omar el-Béchir. 

Les partis d'opposition appellent immédiatement à des rassemblements dans tout le pays pour protester contre cette hausse. L'Association des professionnels soudanais (APS) réussit à fédérer des milliers de personnes dans les rues, y compris dans la capitale Khartoum. Les manifestants appellent ouvertement à la chute du régime d'Omar el-Béchir, au pouvoir depuis 1989.

Le 1er janvier 2019, une vingtaine de formations politiques, dont certaines proches du pouvoir, appellent à l'établissement d'un "nouveau régime" au Soudan. "Le régime de Béchir n'est pas en mesure de surmonter la crise, en raison de son isolement politique, économique, régional et international", soulignent-ils dans un communiqué. Ces partis souhaitent également la mise en place "(d’un) gouvernement de transition (...) qui convoquerait des élections pour rétablir la démocratie et les libertés publiques".

22 février 2019 : état d’urgence et dissolution du gouvernement

Après deux mois de répression, le président annonce lors d'un discours télévisé le 22 février 2019 le limogeage du gouvernement et décrète l'état d'urgence dans tout le pays. Alors qu’il tente de désamorcer la contestation qui embrase son pays, il est désavoué par son ministre de la Justice. "L’état d’urgence a un impact négatif parce que cela restreint les libertés publiques", déclare Mohamed Ahmed Salem quand il présente la mesure aux députés qui doivent l'entériner le 11 mars 2019. Résultat : le parlement approuve l’instauration de l’état d’urgence pour six mois au lieu de l'année réclamée par el-Béchir. Mohamed Taher Ela, nommé le 23 février, annonce la composition d'un nouveau gouvernement le 13 mars. Son objectif étant de régler les principaux problèmes, "le pain et le pétrole". C’est le troisième gouvernement que le régime s’offre en moins de deux ans.

8 avril 2019 : l’armée entre dans la danse

Pour la première fois depuis le début du mouvement de protestation, des  militaires apparaissent dans les rues au matin du 8 avril. Ils se déploient autour du quartier général de l'armée devant lequel sont rassemblés des milliers de manifestants qui réclament le départ d’Omar el-Béchir. L’armée rejoint bientôt le mouvement de protestation. Selon un bilan officiel, 49 personnes sont mortes pendant les manifestations.

Durant les premières heures du 10 avril, rapporte Sudan Tribunedes activistes publient les photos d’officiers ayant rejoint les rangs du mouvement. Dans la nuit du 10 au 11, empêchés par l’armée, les services de sécurité soudanais arrêtent de déloger les manifestants. Les militaires semblent avoir choisi leur camp. 

En fin de matinée, jeudi 11 avril 2019, après avoir laissé les Soudanais dans l’attente durant plusieurs heures, le ministre de la Défense Aouad Mohamed Ahmed Ibn Aouf annonce l'arrestation du président Omar Hassan el-Béchir qui serait détenu "en lieu sûr". Il indique également la formation d'un conseil militaire chargé d'assurer l'intérim pendant deux ans, période à la fin de laquelle des élections seront organisées.

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