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Soudan : à Khartoum, des centaines de manifestants réclament un "gouvernement de militaires"

Ils réclament un gouvernement militaire afin de sortir le pays de la crise économique.

Article rédigé par Jacques Deveaux
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 4min
Le 17 octobre 2021, des centaines de manifestants dans les rues de Khartoum réclament le départ du gouvernement de transition, et le retour des militaires au pouvoir. (ASHRAF SHAZLY / AFP)

C’est devenu un rituel de la contestation au Soudan : le sit-in. Le premier du genre à Khartoum, en avril 2019, a fait chuter le dictateur Omar el-Béchir. Ce sit-in s’est ensuite transformé en "cité de la contestation"(Nouvelle fenêtre), installée juste devant le commandement militaire. Des jours et des nuits, le peuple débattait de l’avenir du pays. La question, à l’époque, était d’instaurer la démocratie au Soudan. En septembre 2020, d’autres sit-in sont apparus à travers le pays, dans la région du Kordofan occidental, mais aussi à Omdourman, la ville jumelle de Khartoum, située de l’autre côté du Nil. A chaque fois, les manifestants réclamaient d’accélérer le changement démocratique du pays, notamment en renvoyant les directeurs et les employés corrompus dans les services publics. Depuis le 16 octobre 2021, ils sont plusieurs centaines à avoir installé les tentes devant le palais présidentiel pour réclamer le départ du Premier ministre Abdallah Hamdok et la constitution d’un "gouvernement de militaires". 

Cocotte-minute

El-Béchir avait placé ses affidés dans les rouages de l’Etat à des places lucratives, un système baptisé "autonomisation" qui, selon ses détracteurs, était surtout une méthode pour se servir dans les caisses des administrations sans danger. Et voilà donc qu’un nouveau sit-in est apparu à Khartoum, devant le palais présidentiel, où siège le Conseil de souveraineté, à l’œuvre depuis la chute de Béchir. En fait, le pays est une cocotte-minute(Nouvelle fenêtre) dans laquelle la pression monte sans cesse. Et la contestation est également sociale. Ainsi, depuis un mois, des manifestants bloquent Port-Soudan, là où transite toute l’économie du pays. Selon l’AFP, "les manifestants à Port-Soudan s'estiment délaissés malgré les richesses naturelles de leur région".

En effet, malgré l’or et les ressources agricoles, l’économie est à terre(Nouvelle fenêtre). L’inflation atteint les 300% et deux ans après la mise en place d’un régime de transition, les gens ne voient rien venir et s’impatientent. Le 21 septembre dernier, une tentative de coup d’Etat était déjouée(Nouvelle fenêtre). Il s’agissait pour les mutins – "des officiers des forces armées et des civils issus de l’ancien régime", selon les autorités  de prendre le contrôle des bâtiments de la télévision nationale.

"Une armée, un peuple"

Le Premier ministre Abdallah Hamdok dirige un gouvernement civil chapeauté par un Conseil de souveraineté, formé de militaires et de civils, les Forces pour la liberté et le changement (FLC). L’attelage est censé conduire le pays vers des élections libres. Mais plus le temps passe, plus les dissensions se font jour. Militaires contre partis politiques, mais aussi militaires et politiques entre eux.

Depuis le 17 octobre 2021, les manifestants campent devant le palais présidentiel à Khartoum, siège du gouvernement de transition. Rien ne semble manquer pour tenir longtemps. (ASHRAF SHAZLY / AFP)

Les mécontents  ils sont plusieurs centaines  ont donc installé le 16 octobre 2021 les tentes devant le palais présidentiel, réclamant le départ d’Abdallah Hamdok et la constitution d’un "gouvernement de militaires". Les civils du FLC parlent d’un "épisode dans le scénario d’un coup d’Etat", une action menée par "des partisans de l’ancien régime dont les intérêts ont été affectés par la révolution".

Le FLC, à son tour, appelle à la mobilisation de ses sympathisants pour une manifestation monstre "d’un million de personnes", afin de "montrer au monde la position du peuple soudanais", selon les termes de Jaafar Hassan, le porte-parole du FLC. En appelant les sympathisants à descendre dans la rue, chaque camp se livre à un jeu dangereux. Le moindre dérapage pourrait plonger le pays dans la guerre civile.

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