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En Somalie, après les sécheresses, les inondations poussent les populations à l'exil

Article rédigé par Laurent Filippi
France Télévisions
Publié Mis à jour

Le climat devenu totalement imprévisible en Somalie oblige des milliers de personnes à se déplacer pour survivre.

Alors qu’en Somalie, les terres sont meurtries par des années de sécheresse, les précipitations extrêmes devraient s'intensifier au cours de ce siècle, déclare à l’AFP la climatologue Linda Ogallo. Ces derniers mois, la région de Beledweyne au centre du pays, où de nombreux Somaliens avaient trouvé refuge, n’a pas été épargnée. Aujourd’hui, des milliers de personnes sont obligées de vivre dans des camps de déplacés.

Le journaliste Nick Perry et le photographe Luis Tato de l’AFP sont allés à la rencontre des sinistrés de Beledweyne.

Depuis une dizaine d’années, l’Afrique de l’Est est particulièrement touchée par des sécheresses et des inondations de plus en plus fréquentes. L’impact de cette crise climatique menace les communautés pastorales et pousse les populations à l’exil. 14 millions de personnes se retrouvent en situation d’insécurité alimentaire, selon RFI. Depuis octobre 2019, près de 300 personnes ont trouvé la mort à cause de pluies torrentielles.    (LUIS TATO / AFP)
En 2000, 2006, 2011 et 2017, quatre grandes sécheresses ont frappé la Corne de l’Afrique. Durant le premier semestre 2019, des conditions météorologiques extrêmes ont obligé 350 000 personnes à fuir, déclare l’ONG Oxfam. En Somalie, 260 000 personnes ont péri, victimes d'une dramatique famine, causée par la sécheresse entre octobre 2010 et avril 2012. Une sécheresse qui accable de nouveau le pays depuis quatre ans.    (LUIS TATO / AFP)
Aujourd'hui, le pays fait face à un nouveau danger dû, cette fois, aux pluies torrentielles. Raison pour laquelle près de 300 000 personnes ont quitté leur foyer, selon le HCR, l’agence de l’ONU pour les réfugiés. La majorité d'entre elles ont rejoint la ville de Beledweyne, située à 340 km au nord de Mogadiscio. Depuis plusieurs années, des milliers de Somaliens ont trouvé refuge ici, pour profiter du fleuve Shabelle et cultiver la terre.        (LUIS TATO / AFP)
Mais depuis le mois de septembre 2019, d’intenses précipitations se sont abattues sur le centre du pays, noyant la région de Beledweyne. "Il ne s'est pas passé un jour, cette année, sans que nous n'ayons parlé de sécheresse ou d'inondations", résume Abigail Hartley, directrice adjointe du Bureau de coordination des Affaires humanitaires de l'ONU pour la Somalie. "La sécheresse nous avait forcé à fuir et à présent, nous sommes déplacés par les inondations", se désole un agriculteur qui avait abandonné ses terres devenues arides et espérait un nouveau départ à Beledweyne.    (LUIS TATO / AFP)
Mohamed Kalil, conseiller aux Affaires humanitaires pour MSF en Somalie et au Somaliland, faisait partie de la première équipe déployée à Beledweyne. Il raconte : "Gonflé par les eaux des hautes-terres de l’Ethiopie voisine, le fleuve Shabelle a débordé à la fin du mois d’octobre, inondant la quasi-totalité de la ville. Les fortes pluies saisonnières sont fréquentes dans la région, mais cette année le phénomène a pris une ampleur dramatique."    (LUIS TATO / AFP)
Le barrage sur la rivière Shabelle a éclaté sous les pluies incessantes, réduisant à néant les cultures et tuant les rares animaux qui avaient survécu à de long mois sans précipitations.      (LUIS TATO / AFP)
Le fait que la rivière Shabelle, qui prend sa source en Ethiopie, sorte de son lit n'est pas tout à fait exceptionnel. "Mais cette fois-ci, c'était différent. Je n'ai jamais rien vu de semblable", témoigne à l’AFP Omar Dule, un homme de 74 ans qui a perdu sa maison dans les inondations.     (LUIS TATO / AFP)
Mohamed Kalil précise à MSF : "Les inondations ont déplacé près de 270 000 habitants de Beledweyne en très peu de temps. Ces personnes se sont réfugiées sur les hauteurs, à l’est et à l’ouest de la ville. La plupart vivent aujourd'hui dans des abris de fortune qui se limitent à quelques toiles accrochées à des arbres. Ils ne pourront pas rentrer chez eux avant longtemps."     (LUIS TATO / AFP)
Selon la FAO, l'agence des Nations unies pour l'agriculture et l’alimentation, la récente crue de la rivière Shabelle devrait se produire une fois tous les 50 ans. Mais la rivière a connu un épisode similaire en 2015 et un autre en 2018, poussant la FAO, qui anticipe de nouvelles crues importantes dans les années à venir, à réparer des canaux et des digues longtemps négligés pour en prévenir les effets.      (LUIS TATO / AFP)
"Si l’eau s’est retirée peu à peu, les routes et le système d’égouts ont été particulièrement endommagés. Les eaux usées et les eaux de crue se sont mélangées, provoquant la contamination des puits d’eau potable. Les stocks de vivres ont été emportés par les eaux et le risque de paludisme et d’autres maladies est élevé, l’eau stagnante favorisant la reproduction des moustiques et des bactéries. (…) Les gens meurent dans la rue, faute d’accès à un logement et aux services de base. Les enfants, sont les premières victimes. Pneumonies, paludisme, diarrhées et fièvres sont apparus. Et nombre d’entre eux souffrent de malnutrition aiguë sévère", précise MSF.      (LUIS TATO / AFP)
Comme l’explique Falila Gbadamassi sur franceinfo Afrique, les négociations de la COP25 ne sont pas pour rassurer et laissent un goût amer au groupe Afrique de la Conférence climat de l'ONU. La COP25 a échoué à obtenir un consensus sur les questions financières et aucun terrain d'entente n'a été trouvé sur les points essentiels permettant de répondre à l'urgence climatique.      (LUIS TATO / AFP)
Chris Print, hydrologue au sein de la FAO et spécialiste des cours d'eaux somaliens, déclare à l’AFP : "L'ironie, c'est que ce sont les pays pauvres qui sont les plus susceptibles d'être affectés par la crise climatique. (…) Des catastrophes répétées affaiblissent la résilience. Les victimes du climat n'ont pas le temps de reconstruire leur maison et leurs stocks de nourriture avant que le prochain événement météorologique extrême ne frappe. Un défi aggravé par le conflit en Somalie."      (LUIS TATO / AFP)
Si le dérèglement climatique est un véritable fléau, le gouvernement fédéral est confronté à un autre problème depuis 2007, l'insurrection des islamistes radicaux Shebab. Et selon une récente étude de l'Institut international de recherche sur la paix de Stockholm, les victimes des inondations réfugiées dans des camps comme celui de Beledweyne sont ciblées par les Shebab pour être recrutées dans leurs rangs. Le gouvernement ne peut contrôler qu'une faible partie de son propre territoire. Cette insécurité rend quasiment impossible la réalisation de travaux d'infrastructures – notamment d'irrigation – le long de la rivière Shabelle, précise l’AFP.      (LUIS TATO / AFP)
Comme le souligne Jacques Deveaux sur franceinfo Afrique, alors que les attaques terroristes se multiplient sur son territoire, la Somalie craint le chaos après le départ en 2021 des soldats de la paix de l’Amisom, la Mission de l’Union africaine en Somalie. Le pays sera alors seul face à la violence des terroristes. L’Amisom a mis en place une formation des policiers nouvellement déployés pour renforcer l'ordre dans cet Etat de la Corne de l'Afrique. La formation doit couvrir des questions émergentes en matière de maintien de la paix, de droits de l'Homme, de culture somalienne ainsi que de soutien opérationnel aux forces de police du pays.      (LUIS TATO / AFP)

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