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Soudan : les stars du football féminin sont devenues des modèles d'émancipation pour toutes les femmes du pays

L'entrée du Soudan dans les compétitions féminines de football marque un tournant dans le statut de la femme soudanaise, déjà un peu amélioré par la chute du régime autoritaire du président Omar el-Béchir au printemps 2019 et la transition vers un pouvoir civil.

Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Orjuan Essam, 19 ans, footballeuse soudanaise à l'entraînement dans un stade de Khartoum, le 20 novembre 2019. (ASHRAF SHAZLY / AFP)

Le coup d'envoi du premier championnat féminin de football au Soudan, le 30 septembre 2019, a été le déclic. Depuis ce jour, une grande partie de la nation soudanaise sent que le sort des femmes dans le pays ne sera plus le même. Déjà en première ligne lors de la contestation qui a mené au renversement du dictateur Omar el-Béchir par l'armée, le 11 avril 2019, la gent féminine voit aujourd'hui la possibilité de concrétiser son désir d'émancipation. Dans cette perspective, les jeunes championnes de foot sont devenues des modèles.

Ainsi, Orjuan Essam, 19 ans, et Rayan Rajab, 22 ans, joueuses au club de Tahadi à Khartoum, la capitale du Soudan, ont marqué plusieurs buts dans un tournoi impensable il y a encore quelques mois, lorsque le pays était dirigé par Béchir.

Les femmes ne seront plus cantonnées à l'éduction des enfants

"Je suis très heureuse de voir que le régime autoritaire laisse la place à un gouvernement civil et que les droits des femmes puissent enfin se concrétiser", dit à l'AFP Orjuan Essam (photo ci-dessous, au centre), qui s'entraîne dans un stade de Khartoum, ses longs cheveux serrés en queue de cheval.

La footballeuse soudanaise Orjuan Essam, 19 ans, à l'entraînement le 20 novembre 2019. (ASHRAF SHAZLY / AFP)

Pour la jeune fille, milieu de terrain, le championnat féminin de football est le symbole de l'amélioration des droits des femmes mais, surtout, cette compétition montre que ces dernières ne peuvent plus êtres réduites à "élever les enfants et effectuer les tâches ménagères".

La footballeuse soudanaise Orjuan Essam, 19 ans, chez elle le 20 novembre 2019. (ASHRAF SHAZLY / AFP)

Mais, aussi douée soit-elle, Orjuan Essam voit le football d'abord comme un hobby. Elle qui lit le Coran tous les matins, veut devenir dentiste et étudie pour s'y préparer.

Pour sa coéquipière Rayan Rajab (photo ci-dessous), en revanche, le championnat féminin servira, si possible, de tremplin sportif. A ses yeux, c'est la meilleure chose qui soit arrivée au Soudan. "On en a vraiment besoin", affirme cette attaquante en se promettant de marquer des buts à chaque match. "J'espère devenir joueuse professionnelle à l'étranger et revenir jouer pour le Soudan si je suis sélectionnée pour la prochaine Coupe du monde.

L'attaquante soudanaise Rayan Rajab, 22 ans, joue au club de Tahadi à Khartoum, la capitale (photo prise le 20 novembre 2019).  (ASHRAF SHAZLY / AFP)

La loi islamique a étouffé le foot féminin dans l'œuf

Le Soudan, qui a adhéré à la FIFA en 1948, a été l'un des pionniers du football en Afrique et cofondateur à Khartoum en 1957 de la Confédération africaine de football (CAF). Mais après l'adoption par le pays en 1983 de la loi islamique, dont les femmes ont été parmi les grandes victimes, le football féminin n'a jamais pu éclore.

Une "révolution" plus tard, le Conseil souverain, instauré en août 2019 avec pour mission d'organiser la transition vers un gouvernement civil sur une durée de 39 mois, a signé avec les représentants de la contestation une "déclaration constitutionnelle" de vingt pages remplaçant la Constitution jusqu'alors en vigueur. Ce texte ne considère pas l'islam comme une caractéristique définissant l'Etat.

A l'avant-garde des manifestations anti-Béchir, les femmes ont exprimé ont leur colère après des siècles de patriarcat et de lois restreignant leur rôle dans la société. Le nouveau Premier ministre Abdallah Hamdok a promis de défendre leurs droits désormais.

En novembre, les nouvelles autorités ont ainsi abrogé une loi sur l'ordre public visant les Soudanaises jugées coupables d'"actes indécents et immoraux". Sous Béchir, des milliers de femmes ont été condamnées à de lourdes amendes et flagellées pour "tenue indécente" ou consommation d'alcool. Ces temps-là semblent révolus.

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