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RDC : pourquoi l’armée reste impuissante face aux rebelles qui massacrent la population de Beni

Béni, la ville martyre du Nord-Kivu dans l’est de la RDC est devenue l’épicentre de ce qu’on appelle désormais "le triangle de la mort". 

Article rédigé par Martin Mateso
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Une position de l’armée congolaise (FARDC) à Mapobu dans le triangle de la mort (est du pays), le 17 novembre 2019 (Photo/Nicaise Kibel'bel)

"Les populations sont désemparées. Elles ne savent plus à quel saint se vouer", témoigne le journaliste d’investigation congolais Nicaise Kibel’bel Oka. Installé dans la région, il assiste avec effroi aux massacres particulièrement cruels de civils dans la région de Beni, dans l’est de la RDC. Les attaques des Forces démocratiques alliées (ADF), des rebelles musulmans venus d’Ouganda,  y ont fait plus de 60 morts en trois semaines, confirme-t-il à franceinfo Afrique.

C'est une véritable boucherie. Les victimes ont été tuées à l'arme blanche. Les rebelles massacrent les habitants à la machette avant d'incendier leurs maisons.

Nicaise Kibel'bel Oka, journaliste d'investigation

à franceinfo Afrique

Des massacres qui apparaissent comme des représailles menées par les rebelles musulmans ougandais des ADF pour briser le soutien des civils aux opérations de l’armée congolaise. "Les rebelles pensent que les civils qui habitent cette zone les trahissent en donnant des renseignements à l’armée congolaise. Du coup, ils quittent la forêt en y laissant l’armée pour aller s’attaquer aux habitants en ville. Il s’agit d’une forme de diversion qui oblige l’armée à abandonner les positions conquises pour se porter au secours de la population", explique-t-il.

"Les rebelles ont une longueur d’avance sur l’armée"

Les attaques de plus en plus meurtrières se sont multipliées depuis cinq ans. Les habitants de Beni sont à bout de souffle. Ils ne comprennent pas comment les rebelles arrivent à s’introduire jusque dans leurs habitations, au nez et à la barbe des casques bleus de l’ONU et de l’armée congolaise.

"Il ne faut pas avoir honte de le dire. Les services de renseignement ont failli. Et puis les rebelles semblent mieux maîtriser la géographie de la zone de conflit, mieux que les forces armées congolaises et celles de la MONUSCO. Et comme nous sommes dans une guerre asymétrique, c’est la mobilité et le renseignement qui compte. Les rebelles ont une longueur d’avance sur l’armée", constate Nicaise Kibel’bel.

"L’armée congolaise a montré ses limites"

Le journaliste d’investigation congolais salue l’appel lancé à l’Union européenne et à la France par le prix Nobel de la paix, le docteur Denis Mukwege. Le gynécologue congolais suggère la mise en place, dans cette zone meurtrie, d’une opération militaire limitée dans le temps et dans l’espace, à l’image de l’opération Artemis qui avait été déployée en 2003 dans la province congolaise de l’Ituri, riche en or et en pétrole. Cette région du nord-est du pays avait été ravagée par des violences communautaires.

"L’appel de Mukwege est à prendre en considération. L’armée congolaise a montré ses limites depuis cinq ans. Elle a besoin d’être appuyée par des troupes aguerries et une logistique appropriée", estime notre confrère.

"L’identité de l’ennemi a été mal définie"

Nicaise Kibel'bel explique que si ce conflit ne connaît aucun signe de relâchement depuis 5 ans, c’est tout simplement parce que l’identité de l’ennemi a été mal définie. "L’armée congolaise est venue en 2014 avec pour mission de combattre des rebelles venus d'Ouganda. Depuis, ces rebelles se sont transformés en mouvement islamiste qui a des ramifications jusqu’au Mozambique, en Tanzanie et en Somalie. La guerre a donc été mal planifiée. L’ennemi utilise des pratiques jihadistes. Il faut tout revoir », analyse-t-il.

Pour lui, la coopération des pays voisins du Congo est primordiale. "Parce que les recrues des rebelles viennent de Tanzanie, du Kenya, d'Ouganda, de Somalie et du Soudan du Sud", explique Nicaise Kibel’bel à franceinfo Afrique.

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