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Niger : la journaliste Samira Sabou libre après 48 jours de prison "pour rien"

La blogueuse a été relaxée au terme du procès l'opposant au fils du président nigérien qui l'avait accusée de diffamation dans le cadre d'une affaire de corruption.

Article rédigé par Falila Gbadamassi
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
La journaliste Samira Sabou est libre depuis le 28 juillet 2020. Elle a été incarcérée pendant 48 jours à la suite d'une plainte pour diffamation introduite par le fils du président nigérien Sani Mahamadou Issoufou.  (AMNESTY INTERNATIONAL)

La journaliste et blogueuse nigérienne Samira Sabou a recouvré la liberté depuis le 28 juillet 2020 après que la justice a prononcé un non-lieu dans l'affaire de diffamation qui l'opposait à Sani Mahamadou Issoufou, fils du président nigérien et chef de cabinet adjoint de la présidence. 

La responsable du site d’information Mides Niger et présidente de l'Association des blogueurs pour la citoyenneté active (ABCA) avait été inculpée "pour diffamation par voie électronique le 10 juin" et emprisonnée dans la foulée à Niamey, la capitale nigérienneSani Mahamadou Issoufou avait déposé "une plainte contre Samira Sabou après qu'un utilisateur de Facebook a mentionné le 26 mai (2020) son nom dans un commentaire qui répondait à une publication faite par la journaliste sur des allégations de corruption", explique Amnesty"Le fils du patron tombera" est le commentaire qui a valu plus de 45 jours d'incarcération à la blogueuse, rapporte le média nigérien Labari Info

Pas de matière à poursuivre ni à écrouer

L'affaire, qui a donné lieu à cette plainte pour diffamation, fait suite à un audit sur les marchés publics du ministère de la Défense du Niger. Lequel a révélé un détournement de 76 milliards de francs CFA (111 millions d'euros) de 2014 à 2018. Une affaire que Samira Sabou suivait et dont elle faisait écho sur sa page Facebook.

"Samira Sabou n'a cependant pas mentionné le nom de Sani Mahamadou Issoufou dans (la publication incriminée). Elle n'aurait jamais dû être poursuivie pénalement pour des allégations de diffamation ni être détenue",  soulignait Amnesty International à la veille de son procès qui s'est ouvert le 14 juillet. 

"Il n'y a rien à reprocher à notre camarade Samira Sabou. (...) Elle a fait 48 jours au niveau de la prison civile de Niamey pour rien", a déclaré Mamoudou Djibo, membre de l'ABCA, à Labari Info après le verdict. L'ensemble de la profession a salué la travail de la justice nigérienne dans cette affaire où Samira Sabou a bénéficié du soutien de plusieurs organisations de défense de la liberté d'expression et des droits humains. 

Se "battre" pour faire abroger la loi sur la cybercriminalité

"Cette libération est un premier signal positif envoyé par le pouvoir judiciaire au Niger", a estimé Alice Mogwe, présidente de la Fédération internationale pour les droits de l'Homme, dans un communiqué tout en plaidant pour la libération d'autres défenseurs des droits humains. Notamment "Maikoul Zodi, Halidou Mounkaila et Moussa Moudy, détenus pour leur prise de position contre la corruption".

Samira Sabou est la première victime de la nouvelle loi controversée sur la cybercriminalité au Niger. "Cette victoire n'est pas la mienne mais celle de tous ceux qui sont épris de justice et qui se sont engagés sachant que cette loi sur la cybercriminalité qui m'a frappée a des incohérences", a affirmé Samira Sabou à sa sortie de prison, rapporte RFI.  

"L'utilisation abusive de la loi sur la cybercriminalité sous le coup de laquelle (la journaliste) a été arrêtée augmente le risque que d'autres journalistes se censurent et s'abstiennent de faire leur travail légitime pour éviter des poursuites", soulignait récemment Kiné-Fatim Diop, chargée de campagne pour l'Afrique de l'Ouest à Amnesty International.

Samira Sabou, qui n'a pas perdu de sa pugnacité, compte désormais combattre cette loi. "Nous allons nous battre (...) pour (son) abrogation", a confié la journaliste à la chaîne francophone TV5. Elle estime que cette loi "n'est pas une loi sur la cybercriminalité (...) mais plutôt une loi contre la liberté d'expression, une loi qui sert un régime".

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