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Maroc: sortie du désert pour les réfugiés syriens à la frontière avec l’Algérie

Fin de calvaire pour les réfugiés syriens coincés dans le désert à la frontière entre l’Algérie et le Maroc. Le roi Mohamed VI a donné des instructions «à titre exceptionnel» afin que soit réglée leur situation. L’ONU s’est félicitée de cette décision et Amnesty International Algérie s’est dite «satisfaite», mais reste «attentive» pour s’assurer que les réfugiés ont bien été pris en charge.
Article rédigé par Alain Chémali
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 5min
Les réfugiés syriens accueillis le 22 juin 2017 à Rabat par des membres du Conseil national des droits de l'Homme, après deux mois passés dans le désert à la frontière avec l'Algérie. (Jalal Morchidi/Anadolu Agency/AFP )

«En vertu de considérations humanitaires et à titre exceptionnel», le roi Mohamed VI a donné des instructions afin de régler la situation d’un groupe de 13 familles de réfugiés syriens coincées depuis la mi-avril dans une zone désertique frontalière entre l’Algérie et le Maroc. C'est en ces termes que le cabinet royal a fait savoir que le Maroc acceptait enfin d'accueillir sur son sol une cinquantaine de réfugiés syriens bloqués dans le désert depuis deux mois.

Otages des relations de mauvais voisinage entre Alger et Rabat 
Moins d’une heure après cette annonce, intervenue pour la journée mondiale des réfugiés, deux minibus emportaient les familles vers Rabat, via Figuig et Oujda, loin de la fournaise et des conditions de vie déplorables.

«Il fait 40-45° en journée. Leur bataille avec les scorpions et les serpents le soir. Les enfants ont eu bien sûr des problèmes de maladie de peau, des coups de soleil. Ils ont pu survivre grâce à la solidarité des habitants de Figuig. Et quand la frontière est devenue hermétique, les soldats algériens leur achetaient leur nourriture. Dans ces conditions difficiles, il y avait un peu d’humanité de part et d’autre qui soulageait les choses», a raconté à RFI Zouhair Lahna, le médecin marocain qui les suivait.
 
Fuyant la guerre dans leur pays, ils avaient traversé, toujours selon RFI, la Libye, le Soudan puis l’Algérie avant de se retrouver, dans un foyer de tension avec le Maroc, otages des relations de mauvais voisinage entre Alger et Rabat.
 
Alors que la frontière est fermée depuis plus de vingt ans entre les deux pays, le Maroc avait haussé le ton, fin avril 2017, à l’encontre du voisin algérien. Il l’accusait d’avoir expulsé le groupe de Syriens, «en situation très vulnérable», pour provoquer des troubles et «générer un flux migratoire incontrôlable».
 
De leur côté, les autorités algériennes avaient annoncé leur intention d’accueillir ces réfugiés «à titre humanitaire», mais l’opération n’a pas eu lieu en dépit du déplacement du Haut Commissariat aux Réfugiés (HCR) et du Croissant Rouge algérien auprès d’eux.

Emmanuel Macron a-t-il influé sur la décision royale? 
Le déplacement du président français Emmanuel Macron à Rabat, le 14 juin 2017, pressé par 25 associations de France et du Maghreb de trouver une solution au sort dramatique de ces réfugiés, a-t-il pesé dans la décision royale?
 
Le site Maroc Leaks estime qu’il est permis de le croire après la «mauvaise foi» dont a fait preuve le royaume «dans le traitement de cette histoire à rebondissements, refusant de remettre les migrants aux autorités algériennes».
 
En accueillant la cinquantaine de Syriens, dont plusieurs femmes et enfants en bas âge, Rabat souligne pour sa part une mesure qui «traduit une fois de plus l’engagement humaniste du royaume dans le traitement des problématiques migratoires».
 

Amnesty internationale Algérie dénonce une politique d'Etats
Un geste aussitôt salué par l’ONU. Le porte-parole du Secrétaire général des Nations Unies, Farhan Haq, s’est félicité de la décision du Maroc d’admettre le groupe de réfugiés syriens sur son territoire, et le HCR a évoqué dans un communiqué officiel un geste hautement humanitaire.
 
De son côté, Amnesty international Algérie s’est dite «satisfaite» du déblocage de la situation, mais entend rester «attentive pour s’assurer que ces personnes ont bien été prises en charge» par les autorités marocaines.
 
Lors de sa conférence de presse, la directrice de l’antenne algérienne d’Amnesty, Hassina Oussedik, a indiqué «être contente que ces personnes puissent enfin manger et boire après être restées dans un endroit désertique».
 
Elle en a profité pour rappeler que le problème migratoire était lié à la responsabilité des Etats «qui instrumentalisent la crise des réfugiés pour des raisons économiques et de maintien au pouvoir».

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