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Les personnes portées disparues sont les "conséquences les plus dommageables" des conflits armés

Le Comité International de la Croix-Rouge établit à 48 000 le nombre de personnes dont on est sans nouvelles en Afrique. Un nombre largement sous-estimé reconnaît l'organisme.

Article rédigé par Jacques Deveaux
France Télévisions
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Temps de lecture : 2 min
Un convoi de la Croix-Rouge escorté par des rebelles traverse Monrovia, la capitale du Liberia, lors de la guerre civile en août 2003. (GEORGES GOBET / AFP)

Soudan, Libye, République démocratique du Congo… Sans doute va-t-il falloir ajouter l’Ethiopie, en raison du conflit au Tigré, à la liste des pays d’Afrique où le nombre de disparus est anormalement élevé. Le Comité International de la Croix-Rouge (CICR) établit à 48 000 le nombre de personnes dont on est sans nouvelles sur le continent. "Ce chiffre ne représente qu'une fraction du nombre réel de personnes disparues et de la vaste crise humanitaire à laquelle nous sommes confrontés", s’empresse d’ajouter le CICR. Car l’organisme ne parle que des cas dont lui et le Croissant Rouge ont eu connaissance, car ils ont été sollicités pour retrouver les personnes.

"Une personne disparue est une personne dont on est sans nouvelle." La définition donnée sur le site de la Croix-Rouge sonne comme une évidence. Mais elle a le mérite de fixer l’étendue de la problématique. Une personne disparue peut être morte, ou arbitrairement détenue dans un camp ou une prison, par un Etat ou une bande criminelle. Elle peut aussi s'être réfugiée quelque part, refuser de donner de ses nouvelles, ou ignorer même qu'on la recherche.

Problématique multiple

Et l’Afrique se situe à la croisée de tous ces chemins qui peuvent conduire à une disparition. "Les personnes portées disparues sont l'une des conséquences humanitaires les plus dommageables et les plus durables des conflits armés, de la violence et des migrations", explique Patrick Youssef, le directeur Afrique du CICR.

En premier lieu, bien sûr, il y a les multiples conflits armés qui font souvent plus de victimes civiles que militaires. Les mouvements de population qui en résultent se traduisent souvent par la dislocation des cellules familiales. L’exemple récent du Cabo Delgado au Mozambique en témoigne. Selon MSF, il y avait deux fois plus de femmes que d’hommes à atteindre la ville de Montepuez pour s’y réfugier. Car les hommes ont été tués ou enrôlés par les insurgés.

Les populations de l'est de la République démocratique du Congo sont les plus menacées par les groupes rebelles, malgré la présence de Casques  bleus, comme ici à Béni le 27 juin 2021. (SEBASTIEN KITSA MUSAYI / AFP)

Quant aux disparitions accidentelles, il ne se passe pas un jour sans qu’un naufrage ne soit rapporté. En Libye, ceux qui en réchappent, secourus en mer (15 000 personnes sur les six premiers mois de 2021), vivent alors un autre enfer dans des camps parfois gérés par des milices, oubliés de tous.

Le règne de la terreur

"Les disparitions forcées font souvent partie d'une stratégie pour faire régner la terreur. Le sentiment d’insécurité résultant de cette pratique touche non seulement les proches de la personne disparue mais aussi leur communauté et l’ensemble de la société", explique le site internet des Nations unies.

Une stratégie adoptée notamment en Guinée équatoriale, selon Amnesty International, où "le sort de nombreux prisonniers est de croupir derrière les barreaux sans que leurs familles ne sachent s’ils sont morts ou encore en vie". La sœur de l’un d’eux, Fulgencio Obiang Esono, condamné à 60 ans de prison, explique sa souffrance de n’avoir aucune nouvelle de son frère. "Si je savais que Fulgencio est mort, avec un immense chagrin, j’accepterais l’idée et je me réconcilierais avec moi-même ; mais se demander s’il est mort ou en vie est une agonie sans fin. Les autorités en Guinée équatoriale ne prennent pas seulement la vie de Fulgencio, elles figent la vie de toute sa famille." Et c'est clairement le but recherché!

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