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Le Soudan du Sud, pays pillé par ses élites

La commission des droits de l'Homme des Nations unies parle d'une somme "sidérante" détournée, de 73 millions de dollars en trois ans.

Article rédigé par Jacques Deveaux
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 2 min
Un jeune Sud-Soudanais transporte de l'eau au camp de réfugiés près de Al-Qanaa lors d'une crue du Nil, le 14 septembre 2021. (ASHRAF SHAZLY / AFP)

Selon la Commission des droits de l'Homme des Nations unies au Soudan du Sud, une "sidérante" somme d’argent et d’autres biens ont été détournés des caisses et des ressources publiques : plus de 73 millions de dollars (quelque 62 millions d’euros) depuis 2018, dont près de 39 millions de dollars volés en moins de deux mois.

Selon la Commission, ce chiffre ne représente qu’une "fraction du montant global pillé" et la partie visible de l’iceberg, au détriment du peuple sud-soudanais et des investissements indispensables dans les services publics et les infrastructures.
Les affaires de crimes économiques impliquent de hauts fonctionnaires, des sociétés internationales et des banques.


"Nos enquêtes ont permis de retracer exactement la manière dont cet argent est détourné, et nos conclusions, qui révèlent les schémas et les tendances de ces détournements, font état de l’implication de politiciens, de fonctionnaires du gouvernement, de sociétés internationales, de militaires et de banques multinationales dans ces crimes", explique la présidente de la commission onusienne au Soudan du Sud, Yasmin Sooka.

Selon cette dernière, les élites sud-soudanaises ont délibérément adopté un système très informel de collecte des revenus pétroliers, dans lequel l’absence de contrôle indépendant et de transparence facilite et permet le détournement de fonds publics.

Ainsi, en mai 2018, un seul paiement effectué par le ministère des Finances à un homme d’affaires soudanais, Ashraf Seed Ahmed, représentait 21,6% du budget du pays. Non seulement les montants sont colossaux, mais la nature des contrats est soit ambiguë, "dépenses pour utilisation de biens et services", soit tout simplement pas divulgée !

"Contrôler les ressources naturelles"

Ces gains illicites constituent, selon la commission, "un moteur important" du conflit armé au Soudan du Sud. "Les conflits néfastes du Soudan du Sud ont été largement favorisés, voire motivés, par les possibilités de contrôler et de détourner les ressources naturelles ainsi que les revenus pétroliers et non pétroliers", a affirmé l’un des membres de la Commission, Barney Afako.

Après son indépendance en 2011, le pays a connu une guerre civile dévastatrice qui a fait 400 000 morts et 4 millions de déplacés entre 2013 et 2018. Des massacres ont été commis sur une base ethnique. Puis c'est la famine qui a été utilisée comme arme de guerre, a dénoncé en février dernier un rapport de la Commission des droits de l’Homme de l’ONU.

Selon le Haut commissariat aux réfugiés (HCR), les déplacements internes et externes de population font du Soudan du Sud la plus grande crise de déplacement en Afrique. "Les autorités nationales semblent avoir abandonné leurs responsabilités de remplir leurs obligations en matière de droits socio-économiques envers le peuple du Soudan du Sud", affirme Yasmin Sooka.

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