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Le Kenya censure "I am Samuel", un documentaire sur un couple gay jugé "blasphématoire"

Les autorités interdisent "de projeter, de distribuer, de posséder et de diffuser" le film sur le territoire kényan. 

Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
Le réalisateur kényan Peter Murimi à Londres, le 8 octobre 2020. (TOLGA AKMEN / AFP)

Les autorités kényanes ont interdit, jeudi 23 septembre, la projection et la diffusion d'un documentaire racontant l'histoire d'un couple gay, qualifiant le film "d'inacceptable et d'affront à (la) culture et à l'identité" de ce pays profondément chrétien qui criminalise l'homosexualité. I am Samuel, du réalisateur kényan Peter Murimi, raconte une histoire d'amour entre deux hommes vivant à Nairobi. Le film a suscité la colère du Kenya Film Classification Board (KFCB), l'organisme de classification, qui estime qu'il fait la promotion du "mariage gay comme un mode de vie acceptable". Dans un communiqué (lien en anglais) annonçant l'interdiction du film, le KFCB estime que le documentaire "propage des valeurs qui sont en dissonance avec notre Constitution, nos valeurs culturelles et nos normes". Pire, souligne Christopher Wambu, le patron de KFCB, le film montre ce couple simulant un mariage religieux, un acte qu'il qualifie de "blasphématoire". Le KFCB interdit donc "de projeter, de distribuer, de posséder et de diffuser" le film sur le territoire kényan. 

Discriminations

L'homosexualité est taboue dans la plupart des pays d'Afrique, où les homosexuels font souvent face à des discriminations, voire des persécutions. Au Kenya, de récentes tentatives de faire annuler les lois qui interdisent l'homosexualité, héritées de l'époque coloniale britannique, ont échoué. Les relations homosexuelles y restent un crime qui, selon la loi, peut entraîner une peine allant jusqu'à 14 ans de prison, mais les procès sont rares. I am Samuel est le second film kényan à faire polémique sur ce thème ces dernières années. En 2018, Rafiki (ami(e) en swahili) de Wanuri Kahiu, une histoire d'amour lesbien qui fut le premier film kényan projeté au Festival de Cannes, avait également été interdit. Après une bataille judiciaire, Rafiki avait finalement été projeté pendant une courte période à Nairobi, dans des salles combles. Peter Murimi ne cache pas sa déception. "Triste jour. J'avais hâte de partager ce film avec mon peuple", écrit-il sur Twitter.

Human Rights Watch (HRW) a condamné cette interdiction "discriminatoire" qui viole, selon l'ONG, les droits des citoyens kényans. "Une fois encore, le gouvernement kényan a dénigré ses citoyens LGBT en interdisant un documentaire visant à humaniser un couple gay kényan ordinaire", a expliqué à l'AFP Neela Ghoshal, directrice adjointe à la division LGBT de HRW. "Le KFCB peut continuer de violer la liberté d'expression en réduisant au silence les voix homosexuelles kényanes, mais ne peut pas les faire disparaître", a-t-elle ajouté.

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