La première tournée en Afrique du président Emmanuel Macron
Le chef de l’Etat devra convaincre une jeunesse africaine de plus en plus hostile à la présence de Paris sur le continent, sur fond de menace terroriste persistante au Sahara et de flux migratoire croissant que l'Europe veut endiguer. Pour montrer qu'il appartient à une nouvelle génération éloignée du passé colonial, il parlera surtout partenariat économique, entrepreneuriat, éducation, sport et énergies renouvelables. Plutôt que d'aide au développement.
Depuis l’été 2017, il s'est entouré d'un «conseil de politique africaine», principalement des jeunes entrepreneurs binationaux en lien étroit avec leur pays d'origine. Ceux-ci sont censés lui apporter une autre vision du continent que les réseaux diplomatiques traditionnels de ses prédécesseurs.
«La France a moins d'influence, l'Afrique s'est mondialisée. Et dans les pays francophones d'Afrique de l'Ouest, le sentiment est que la France est connectée aux dirigeants mais pas à la jeunesse ni à la société civile. Emmanuel Macron veut mettre en place une diplomatie économique», analyse Alain Antil, spécialiste de l'Afrique à l'IFRI (Institut français des relations internationales).
Impair sociétal
Dans le même temps, tout au long de cette tournée africaine, le président français «veut mettre davantage les chefs d'Etat africains en face de leurs responsabilités, pour qu'ils prennent en main leur sécurité, et recentrer sa politique sur le Sahel», estime de son côté le spécialiste Antoine Glaser.
«Comme ses prédécesseurs, il donne la priorité à la sécurité au Sahel et veut garder l'influence de la France en Afrique francophone tout en s'ouvrant à d'autres pays», complète Frédéric Lejeal, rédacteur en chef de la Lettre du Continent. «Mais la différence, c'est qu'il connaît l'Afrique où il a effectué un stage de 6 mois, est entouré d'une meilleure expertise africaine, avec une vision multipolaire, et voit le continent comme un formidable réservoir d'opportunités économiques».
Le chef de l'Etat devra cependant veiller à éviter tout impair sociétal et faire oublier sa petite phrase de cet été au G20. Il avait alors jugé difficile de stabiliser l'Afrique quand la natalité y est «encore de 7 à 8 enfants par femme».
Au Burkina Faso, les jeunes n’ont pas forcément «une bonne image de la France»
Ses deux prédécesseurs, Nicolas Sarkozy et François Hollande avaient opté pour la capitale sénégalaise, Dakar, pour esquisser leur vision des relations entre la France et l'Afrique. Emmanuel Macron a, quant à lui, choisi Ouagadougou, capitale du Burkina Faso. Le 28 novembre, il prononcera un discours devant 800 étudiants et élèves pour présentera «sa vision personnelle du rapport entre la France et l'Afrique, et entre l'Union européenne et l'Afrique», souligne-t-on à l'Elysée.
Devant le même public, il tentera de se prêter à un exercice de questions-réponses «sans filtre», assure l’Elysée. Une tâche qui ne sera pas forcément facile. «Ce public est loin d'être conquis d'avance et n'a pas forcément une bonne image de la France», reconnaît la présidence. Surtout depuis la chute de Blaise Compaoré, chassé par la rue en 2014 et que Paris a exfiltré vers la Côte d'Ivoire. Au cours de la visite, plusieurs organisations ont appelé à manifester pour protester contre le «pillage» des ressources naturelles par les grandes entreprises françaises, la présence militaire de Paris et le maintien du franc CFA, «monnaie coloniale», selon elles.
«Nous devons avoir aujourd'hui des rapports d'égalité, d'intérêts réciproques et de respect mutuel», soulignait début novembre le président burkinabé Roch Marc Christian Kaboré. «Les jeunes pourront poser des questions pour mieux comprendre ce que la France entend apporter de nouveau dans ses relations avec l'Afrique. C'est un point de rupture que les gens attendent».
Avec son homologue burkinabé, Emmanuel Macron devrait également aborder la question de l’éducation. Le 29 novembre, il visitera la centrale solaire de Zagtouli, «la plus grande du Sahel». Une centrale financée par l’Agence française de développement et l’UE.
En Côte d’Ivoire, rencontres multilatérales
Il s’envolera ensuite pour Abidjan en Côte d’Ivoire. Il y participera au sommet Europe-Afrique. L'occasion de «replacer la relation France-Afrique dans le cadre de son projet de refondation de l'Europe». Parmi ses priorités, il entend obtenir le soutien financier des Européens pour la force antiterroriste des pays du G5 Sahel. Il veut également coordonner la lutte contre les passeurs, y compris en Libye où certains migrants sont vendus comme esclaves. Le président français a qualifié le 22 novembre ces cas d'esclavage de «crimes contre l'humanité».
Il devrait également profiter de ce sommet pour rencontrer plusieurs de ses homologues africains. Selon RFI, il pourrait notamment avoir un entretien avec le Togolais Faure Gnassingbé, très contesté dans son pays.
Le chef de l'Etat, qui sera accompagné lors de sa tournée d'une dizaine de responsables de PME, posera également avec Alassane Ouattara la première pierre du métro d'Abidjan. Un projet majeur pour Paris qui a accordé un prêt de 1,4 milliard d'euros. Cet équipement doit permettre de transporter 300.000 personnes par jour et de désengorger la capitale ivoirienne.
Au Ghana, pays anglophone
Dernière étape de sa tournée, le Ghana, qui célèbre cette année le 60e anniversaire de son indépendance. Il s'agit de la première visite d'un chef d'Etat français dans ce pays anglophone et démocratique, souligne-t-on à l'Elysée. Le choix de cette visite «nous permettra d'illustrer notre approche continentale de l'Afrique». Il s’agira aussi de présenter une «nouvelle vision de la francophonie, moins défensive». A Accra, Emmanuel Macron rendra également visite à des start-ups. Et se rendra dans le quartier populaire de Jamestown, en compagnie de l'ex-footballeur de l'OM Abedi Pelé.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.