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L'accès au futur vaccin contre le Covid-19 devrait être "équitable et abordable"

Responsables politiques africains et membres de la société civile avaient plaidé pour un "vaccin universel", accessible "gratuitement" aux populations les plus pauvres.

Article rédigé par Falila Gbadamassi
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 9min
Les pays membres de l'OMS se sont engagés à faire en sorte que l'accès à un vaccin contre la maladie à coronavirus soit équitable et abordable.  (FANATIC STUDIO/GARY WATERS/SCIEN / FST)

Eviter une inégalité d'accès aux soins Covid-19, comme ce fut le cas pour le sida et la maladie à virus Ebola, est devenu un leitmotiv pour la communauté internationale. L'Organisation mondiale de la santé (OMS), responsables politiques et acteurs de la société civile se mobilisent partout dans le monde, notamment sur le continent africain, afin que ce scénario ne se reproduise pas. Les modalités d'un accès à un arsenal thérapeutique ont été tranchées lors de la 73e Assemblée mondiale de la santé qui s'est achevée le 19 mai 2020 et où la question a été largement abordée.

L'accès au futur vaccin ne sera pas "gratuit" mais "équitable et abordable". "Les 194 Etats membres de l’agence onusienne ont approuvé la résolution prévoyant que tout accès à un futur vaccin et d’autres médicaments soit pour tous 'rapide et équitable', 'de qualité, sûr et abordable' ", indique-t-on sur le site d'informations des Nations unies. 

Un accès universel aux soins

Un plaidoyer pour "un vaccin universel" (The People's Vaccine), coordonné par le programme commun de l'ONU sur le VIH/sida (Onusida), avait été lancé avant l'assemblée qui s'est déroulée pour la première fois de son histoire en visioconférence. 

Les quelque 140 signataires du texte, dont les présidents Nana Akufo-Addo (Ghana), Cyril Ramaphosa (Afrique du Sud), Macky Sall (Sénégal) ou le Premier ministre pakistanais Imran Khan, y appelaient à garantir que "les vaccins, diagnostics, tests et traitements Covid-19 (soient) fournis gratuitement à tous, partout". Et ce avec un accès prioritaire "aux travailleurs de première ligne, aux personnes les plus vulnérables et aux pays pauvres les moins à même de sauver des vies". 

La question d'un accès équitable aux médicaments et vaccins se pose depuis le début de la pandémie, y compris pour les nations les plus nanties. Récemment encore, le directeur général du groupe français Sanofi, Paul Hudson, avait affirmé réserver la primauté d'un futur vaccin, développé par son entreprise, aux Américains parce qu'ils investissaient dans la recherche. Des propos qui ont été clarifiés dans la foulée par Olivier Bogillot, président de Sanofi France, après le tollé suscité par cette annonce au sein de la classe politique française. Le vaccin devrait être bien "accessible à tous".

Accord de principe 

En avril, l'OMS avait réussi à obtenir un consensus mondial "pour accélérer le développement et la production de nouveaux vaccins, tests et traitements contre la Covid-19 et en garantir l’accès équitable à l'échelle planétaire". L'initiative "ACT Accelerator" (ACT pour "Access to COVID-19 Tools", accès aux outils Covid-19), lancé par l'ONU, est "une collaboration mondiale historique", a rappelé le secrétaire général des Nations unies António Guterres lors de l'Assemblée mondiale de la santé au terme de laquelle le directeur général de l'OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus, a souhaité que "la solidarité soit l’antidote à la division"

"Nous soutenons pleinement l'initiative de l'OMS, en collaboration avec de nombreux gouvernements, organisations à but non lucratif et leaders industriels, visant à accélérer le développement et la production de vaccins et de produits thérapeutiques, et à garantir leur distribution rapide et équitable dans le monde entier", a indiqué le président sud-africain Cyril Ramaphosa, qui assure la présidence en exercice de l'Union africaine (UA), à l'ouverture de l'Assemblée mondiale de la santé le 18 mai 2020. 

La problématique est cruciale pour les pays africains qui ont déjà matière à s'inquiéter dans le cadre de la lutte contre la maladie à coronavirus, a expliqué Winnie Byanyima, la directrice exécutive d'Onusida. "Nous avons appris par l'Union africaine que ses efforts pour mobiliser des ressources afin d'acheter des kits de dépistage et des équipements de protection aux prix du marché sont contrariés par le fait que les pays riches s'approvisionnent en achetant d'énormes quantités. Il y a vraiment une crainte que si un vaccin est mis au point, il ne soit pas abordable ou disponible dans les régions pauvres du monde. Cela est inacceptable", a-t-elle affirmé.

(Traduction: "Pourquoi je soutiens un #VaccinUniversel")

Les industriels contre un vaccin "gratuit", les Etats pour "un bien public mondial"

"Il est essentiel que toute personne, où qu’elle se trouve, ait accès – physiquement et financièrement – à ces solutions (diagnostiques et thérapeutiques et aux vaccins), qui constituent un bien public mondial (à savoir "un bien accessible à tous les Etats qui n'ont pas nécessairement un intérêt individuel à les produire", NDLRpar excellence. Nous pouvons le faire. Mais, le ferons-nous ?", interrogeait  le secrétaire général des Nations unies au début de l'Assemblée mondiale de la santé. 

Les industriels avaient en partie répondu avant le lancement de la rencontre. "Selon la Fédération internationale des fabricants et associations de produits pharmaceutiques (IFPMA), il n’y aura pas de vaccin 'gratuit' pour tous comme le réclament depuis plusieurs semaines de nombreux dirigeants à travers le monde", rapporte l'Agence Ecofin. "J'attendrais de pays comme la Suisse de la solidarité et la volonté de payer un peu plus que certains pays où j'espère que les patients puissent l'obtenir gratuitement", avait affirmé Thomas Cueni, le directeur général de l'IFPMA. 

Dans une tribune publiée dans les colonnes du Financial Times, il détaillait la position de son institution en insistant sur l'importance des brevets pour l'industrie pharmaceutique. "Ce n'est pas le moment de saper la propriété intellectuelle", écrit Thomas Cueni. "Les brevets, et plus généralement la propriété intellectuelle, sont la principale raison pour laquelle il existe une base d'innovation aussi solide sur laquelle s'appuyer pour trouver des solutions. Aujourd'hui, plus de 1 000 essais cliniques sont en cours, plus de 150 traitements sont testés et plus de 120 projets de vaccins sont en cours (...) Un tel niveau de prise de risque serait impossible sans un écosystème d'innovation florissant qui repose sur de fortes incitations en matière de propriété intellectuelle."

Dans ce contexte,Thomas Cueni avait lui aussi plaidé pour que "dans la lutte contre le Covid-19, (...) personne ne soit laissé pour compte". L'IFPMA, partie prenante à l'initiative ACT, a insisté dans une déclaration commune avec d'autres acteurs pharmaceutiques, à l'Assemblée mondiale de la santé, sur l'engagement de son institution "à accélérer le développement, la production et l'accès mondial équitable à des produits médicaux Covid-19 sûrs, de qualité, efficaces et abordables".

La promesse chinoise 

La Chine, elle, cible de toutes les critiques pour sa gestion des premières heures de la pandémie, a promis de faire du vaccin qu'elle découvrirait un "bien public mondial".

(Très contente d'entendre dans l'allocution d'ouverture du président chinois Xi à #WHA73 qu'un vaccin contre le #COVID19 développé en #Chine deviendra un bien public mondial. Nous devons avoir un #PeopleVaccine (VaccinUniversel) et il doit être gratuit pour tout le monde)

Cette philosophie, promue par l'OMS, a notamment reçu le soutien, entre autres, du président français. "Si nous arrivons ensemble à développer un vaccin produit par le monde entier, pour le monde entier, on pourra alors véritablement parler d’un bien public mondial d’une importance unique pour notre siècle. Avec nos partenaires, nous nous engageons à le rendre disponible, accessible et abordable pour tous", a déclaré Emmanuel Macron le 18 mai, à l'ouverture de l'Assemblée mondiale de la santé. 

La problématique de l'accès aux vaccins en Afrique continuera de nourrir la polémique persistante autour des essais cliniques sur le continent. Cette dernière pèse déjà sur les campagnes de vaccination en cours, qui sont par ailleurs perturbées par la pandémie du Covid-19. 

Aujourd'hui se pose la question de savoir si des individus, qui risquent éventuellement de ne pas avoir les moyens de bénéficier d’un vaccin, devraient être sollicités pour le tester. Depuis plusieurs semaines, des voix s’élèvent, en Afrique et ailleurs, pour exiger que les Africains ne fassent pas office de cobayes.

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