Ethiopie: le paradis perdu des rastas arrivés de Jamaïque dans les années 60
Le retour des rastas en Ethiopie, chanté par Bob Marley, n’a pas seulement été une utopie spirituelle, mais une réalité pour plusieurs milliers de Caribéens. Partis de Jamaïque, mais aussi des Etats-Unis ou du Royaume-Uni, les rastafaris rejoignaient dans les années 60 la nouvelle terre sainte, le royaume noir de l’empereur Hailé Sélassié, descendant du roi Salomon, du royaume de Juda et des tribus d’Israël.
Le culte des rastafari pour Haïlé Sélassié est inspiré des mots du leader nationaliste jamaicain Marcus Garvey, qui avait déclaré en 1920 : «Regardez vers l'Afrique, où un roi noir devrait être couronné, pour le jour de délivrance.» Nombreux sont ceux à avoir interprété ces paroles comme la prémonition du couronnement de Haïlé Sélassié, connu sous le nom de Ras Tafari Makonnen (roi en langue amharique).
C’est avec le couronnement d’Haïlé Sélassié en 1930 à Addis Abeba que le mouvement rasta a réellement commencé. Ce courant spirituel a vu dans cet évènement la réalisation de la «prophétie» de Marcus Garvey.
Rêve et déception
Venus d'abord en petit nombre, les rastas sont arrivés en plus grand nombre à la fin des années 1960.
L'empereur Hailé Sélassié avait proposé dès 1948 des terres aux descendants d’esclaves africains qui voulaient retourner vivre sur le continent. Sans se douter à l'époque que cela allait déclencher une nouvelle religion.
Même si les arrivées se poursuivent au compte-goutte aujourd'hui, la communauté rasta d’Ethiopie a perdu sa raison d’être après le renversement et l’assassinat en 1975 du Négus par la junte du colonel Mengistu.
Depuis la chute d’Haïlé Sélassié, les rastas peinent à s’intégrer. Leurs terres, concentrées autour de la ville de Shamshamane (sud-ouest), ont été nationalisées et les Ethiopiens (peu colonisés) les regardent toujours comme des étrangers. Ils ont été déçus que la société éthiopienne ne leur ait pas ouvert grands les bras. Eux qui se considèrent comme «rapatriés», «rentrés chez eux», ont longtemps été appelés «les Américains».
De plus, ces fumeurs de ganja, herbe sacrée du mouvement rasta, ne bénéficient pas d'une excellente réputation. Surtout dans la capitale, où ils sont encore plusieurs dizaines à dormir sur les trottoirs, peu portés sur le travail sous l'effet de la drogue. Les rastas new-yorkais ou londoniens, qui viennent ouvrir des bungalows à Shahamane, ne sont pas davantage appréciés. Il faut dire que de nombreux jeunes Ethiopiens, qui rêvent des Etats-unis ou d'Angleterre, ne comprennent pas que l'on puisse quitter New-York ou Londres.
Communauté abandonnée
Le retour aux sources, «à l'Afrique ou à Sion», n’a pas toujours été une voie paradisiaque. Les rastas ont découvert une société éthiopienne dure et d’une grande pauvreté matérielle.
Ne renouvelant pas leur passeport, beaucoup se sont retrouvés apatrides. Sans papiers ni statut légal, ils ont été prives de nombreux droits.
Mais les choses sont sur le point de changer. Le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Meles Alem, annonce que les rastafari auront désormais droit à une carte d'identité leur permettant de résider et bénéficier de la plupart des droits en Ethiopie, mais sans en avoir la nationalité. «C'est la réponse du gouvernement aux questions que posait leur présence dans le pays», a-t-il affirmé.
Selon les nouvelles directives du gouvernement, «les cartes d'identité seront également disponibles pour les étrangers qui ont contribué au développement de l'Ethiopie et aux Israéliens d'origine éthiopienne (Falashas)» a précisé Meles Alem.
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