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Afrique du Sud: vers la mise en place d’une couverture maladie universelle

Le gouvernement sud-africain entend mettre en place une «assurance de santé nationale» pour améliorer l’accès des plus pauvres à des soins de qualité. Malgré la fin de l’apartheid, l’Afrique du Sud reste l’un des pays les plus inégalitaires au monde en la matière.
Article rédigé par Laurent Ribadeau Dumas
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 3 min
A l'entrée de l'hôpital Addington à Durban en Afrique du Sud, le 26 mars 2018. (RAJESH JANTILAL / AFP)

Mai 1990, un an avant la fin officielle du système raciste de l’apartheid. La ministre sud-africaine de la Santé nationale, Rina Venter, annonce la fin de la ségrégation dans les hôpitaux publics, rapporte le New York Times.

«L’un des effets (de la mesure) permettra de réduire la surpopulation dans les (établissements) réservés aux Noirs. Et ce en transférant certains de leurs patients dans des lits vacants d’établissements pour Blancs», explique alors le quotidien américain. «Se référant à un ratio de 3 lits pour 1000 citoyens, Mme Venter a précisé que l’Afrique du Sud avait un surplus de 11.700 lits pour les Blancs et un manque de 7000 lits pour les Noirs.»

Autres précisions chiffrées fournies par le site du Quai d’Orsay: en 2017, sur une population de 56,5 millions d’habitants, le pays comptait 79,2% de Noirs, 9,4% de Blancs (et 11,4% de Métis et d’Indiens). L’espérance de vie étant de 51 ans pour les premiers, de 71 ans pour les seconds.

Depuis l’arrivée au pouvoir du Congrès national africain (ANC) de Nelson Mandela en 1994, le système de santé «a été rendu plus accessible avec notamment la gratuité des soins pour les femmes enceintes et les enfants de moins de 6 ans, et l’ouverture de nouveaux centres médicaux», observe le site expat.com. «Néanmoins, (…) les établissements privés, payants et fréquentés par les classes sociales les plus aisées, sont beaucoup mieux équipés et disposent de plus d’effectifs. Par ailleurs, les hôpitaux, quels qu’ils soient, sont plus nombreux dans les villes et les zones touristiques.»

La terre et la santé
Première puissance industrielle du continent, l’Afrique du Sud dépense 4,5% de son produit intérieur brut (PIB) pour le système privé de santé. Un système dont bénéficie 16% de la population. Dans le même temps, le pays dépense 4,2% du PIB pour le secteur public. Lequel prend en prend en charge 84% des citoyens.

Les inégalités sont donc criantes entre les communautés. «Nous avons privatisé le système de santé à une plus grande échelle encore que les Etats-Unis», a constaté le ministre de la Santé, Aaron Motsoaledi, en présentant son plan le 21 juin 2018. Et d’ajouter que son pays n'est «pas du tout en phase avec le reste du monde».

Consultation ophtalmologique Ă  l'hĂ´pital des Enfants de la Croix-Rouge au Cap le 11 octobre 2007. (REUTERS/Mike Hutchings)

Dans ce contexte, la question de la couverture santé universelle est essentielle. «Aucun pays ne peut combattre la pauvreté, le chômage et faire croître l’économie avec une population très malade», a insisté le ministre.

«Réorganisation massive»
«Tous les citoyens sud-africains doivent avoir accès aux secteurs de santé public et privé», a déclaré Aaron Motsoaledi. Pour ce faire, il a promis «une réorganisation massive» de l'ensemble du système. Une réorganisation dont il est conscient qu’elle va «bousculer» le secteur.

Cette «assurance de santé nationale» (National Health Insurance, NHI) sera financée par les cotisations patronales et salariales et doit être opérationnelle d'ici 2026. «Avec le NHI, les riches doivent subventionner les pauvres, les jeunes les personnes âgées, les personnes en bonne santé les malades, les habitants des villes ceux des zones rurales», a estimé le ministre.

Selon des données fournies par la presse sud-africaine, le NHI coûterait 256 milliards de rands (16.253 milliards d’euros) par an.

Aaron Motsoaledi pense que son plan va déclencher un «ouragan de critiques». «Apporter plus d’égalité dans la société (…) génère des émotions», a-t-il dit. Le projet présenté par le ministre «n'est pas réalisable», a estimé le principal parti d'opposition, l'Alliance démocratique (DA). L’ANC a «détruit le système de santé sud-africain et l'assurance médicale nationale n'est qu'une tentative bâclée de dissimuler ses échecs», a ajouté la DA.

L'annonce du nouveau programme intervient au moment où le secteur de santé public traverse une crise profonde. Laquelle se caractérise notamment par un manque criant de médecins et de longues listes d'attente pour les patients. En 2012, «l’Afrique du Sud disposait de 0,7 médecin pour 1000 habitants, largement en dessous de la moyenne de 3,2 pour l’ensemble des pays de l’OCDE», rapportait l’organisation internationale. De la même façon, pour la même période, le pays comptait 1,1 infirmière pour 1000 habitants, contre une moyenne de 8,8 pour le reste de l’OCDE. «Apporter plus d’égalité» dans ce système inégalitaire ne sera pas une mince affaire…

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