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"Yao": chronique d'un retour en Afrique pour Omar Sy et Philippe Godeau

Dans le dernier film de Philippe Godeau, Omar Sy incarne Seydou Tall, un acteur et écrivain français qui découvre pour la première fois le Sénégal de ses origines. Très impliqués dans le projet, chacun à sa manière, l'acteur et le réalisateur explorent leur rapport au continent africain. Entretien avec Philippe Godeau. 

Article rédigé par Falila Gbadamassi - Propos recueillis par
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Le comédien Omar Sy et le cinéaste Philippe Godeau à la première parisienne du film "Yao", le 15 janvier 2019, au cinéma Le Grand Rex. (JEAN-MARC HAEDRICH/SIPA)

franceinfo Afrique : Vous avez écrit ce film en pensant à Omar Sy. Pourquoi lui pour une expérience, celle du retour aux sources, qui aurait pu se dérouler n’importe où dans le monde ?

Philippe Godeau : Je voulais faire un film en Afrique et j’avais la trame de cette histoire. Je l’ai racontée à Omar et il a trouvé l’idée très intéressante. Avec Agnès de Sacy, je l’ai écrite en pensant évidemment à Omar à chaque page, avec le Sénégal pour décor et en jonglant avec ce qui est déjà la réalité d’Omar, un acteur connu, originaire de ce pays et né dans les Yvelines.

Pourquoi souhaitiez-vous tourner en Afrique ?

Quand j’étais adolescent, j’allais voir mon père qui travaillait au Mali. Ces voyages m’ont transformé. J’ai eu envie, grâce au cinéma, d’essayer pendant près de 2h de faire ressentir l'expérience d'un voyage en Afrique, et dans ce cas particulier au Sénégal.

C’est donc un double, voire un triple retour aux sources pour vous, Omar Sy et son alter ego cinématographique Seydou Tall ?

C’est vrai ! Chacun, pour des raisons différentes, avait envie de transmettre et de faire ressentir des valeurs un peu perdues ici : l’hospitalité, le partage, cette notion du temps qui n’est pas la même, la spiritualité qui est partout... Et, encore une fois, ce qu’on ressent en faisant un tel voyage. 

Omar Sy explique qu’il n’était pas retourné au Sénégal depuis huit ans quand il a fait ce film… Il y avait évidemment une émotion particulière chez lui pendant le tournage. Comment s’exprimait-elle ?

Oui, tout à fait ! C’était bien, parce que ça allait avec le film. Il voulait arriver plus tôt au Sénégal et je lui ai dit de venir la veille. Il ne connaissait pas Lionel (Basse) qui joue Yao. Ce qui était important, c’était de tourner, de filmer et de vivre leur voyage dans la continuité de ce nous avions écrit. Au bout de cinq jours, nous avons tourné la scène de la prière (la voiture de son personnage est coincée au milieu de la traditionnelle prière du vendredi). C’est l’expérience d’une immersion très forte dès les premiers jours, celle de se retrouver au Sénégal et au cœur de ce qu’il connaissait déjà. Contrairement à son personnage, Omar est proche de ses racines. L’émotion du personnage et de l’homme se confondait.

Seydou Tall apparaît comme un homme vide ou vidé quand il arrive à Dakar, notamment parce que c’est un voyage qu’il aurait aimé faire avec son fils. Comment avez-vous construit ce personnage avec Omar Sy ?

A partir de l’idée de quelqu’un qui a réussi selon nos critères. On veut toujours comparer l’Europe et l’Afrique avec les mêmes critères et je pense que c’est une erreur. Mais très vite, à travers cet homme, on s'aperçoit que la réussite professionnelle et financière est très superficielle. Seydou Tall veut faire ce voyage pour se rapprocher de son fils, mais c’est un échec parce que son ex-compagne ne laisse pas ce dernier partir. Seydou Tall est le reflet de beaucoup d’entre nous. Nous avons des métiers prenants et nous oublions l’essentiel.

Le personnage de Yao est à la fois ancré dans sa réalité sénégalaise et ouvert sur le monde. C’est un adolescent très sensible, cultivé, qui lit beaucoup de classiques. Quelle était votre ambition pour ce personnage ?

Ce qu’il y a un peu dans le film, à savoir cette modernité de l’Afrique, en particulier du Sénégal qui se développe tout en restant très proche de ses traditions. C’est déjà ce que je ressentais quand je faisais mes voyages quand j’étais adolescent. On retrouve également cela chez le personnage de Gloria, une femme indépendante interprétée par Fatoumata (Diawara).

Durant le Mondial 2018, il y a eu cette polémique autour du fait qu’on renvoyait les joueurs de l’équipe de France à leurs origines africaines. Avez-vous un avis sur la question ?

Je vais répéter ce que j’ai entendu Omar répondre à cette question. Il dit qu’il n’a pas à choisir, qu’il se sent autant Français que Sénégalais. Je partage son opinion. Je trouve justement intéressant de montrer aussi l’autre côté. Seydou Tall, qui perd ses racines et qui est né en France, est un peu démasqué là-bas quand on lui dit : "Tu viens de France, ça se voit". Je partage l’idée qu’on n'est pas obligé de choisir entre plusieurs origines, on peut être tout à la fois.

Pourquoi avez-vous choisi le prénom Yao qui n’est pas du tout sénégalais ?

J’avais choisi ce prénom-là. Evidemment, on m’a fait remarquer que ce n’était pas sénégalais. On a changé de titre. Mais, moi aussi, j’ai le droit d’être un peu superstitieux (rires). J’ai très mal vécu ce changement de titre, donc on l’a justifié dans le film en donnant à Yao des origines togolaises.

Yao, un film de Philippe Godeau,
Avec Omar Sy, Lionel Louis Basse et Fatoumata Diawara
Sortie française: 23 janvier 2019

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