Omar Ba est né au Sénégal en 1977. Il poursuit des études aux Beaux-Arts de Dakar puis il quitte son pays natal pour partir s'installer en Suisse. En 2003, il s’inscrit aux Beaux-Arts de Genève, abandonne l’art abstrait et adopte définitivement un style narratif-figuratif.
Dans sa nouvelle exposition Anomalies , entremêlant références mythologiques et oniriques, l’artiste dénonce en creux les régimes insidieux de ces leaders "qui se réclament de la démocratie, mais en négligent, dans la réalité, ses plus précieux pare-feux, de la Constitution à l'Assemblée nationale ". En contre-point, certaines toiles évoquent la pandémie actuelle.
Opposant une palette éclatante et des touches claires envahissantes, répétitives jusqu’à l’obsession, l’artiste met au jour les fissures de notre environnement social et mental, s’interroge sur la représentation de "l’individu, examine avec subtilité les contradictions de nos valeurs matérialistes de liberté et d’épanouissement" , explique la Galerie Templon.
Voici six œuvres de cette exposition visible jusqu’au 27 mars 2021 à la Galerie Templon de Bruxelles.
Si la Suisse lui a "appris à voir le monde", lui a "donné un recul sur l’Afrique et ses affres", Omar Ba ne veut absolument pas perdre ses racines. Depuis 18 ans, il partage donc sa vie entre les deux continents car comme il le confiait en 2017 à "Jeune Afrique" : "A un moment, j’ai eu peur de me détacher de l’Afrique. Les images s’effaçaient. Je me suis rendu compte que je devais y retourner régulièrement." Aujourd’hui, s’il pense pouvoir peindre aussi sur son pays d’adoption, il précise à franceinfo Afrique : "Quand on habite quelque part aussi longtemps, qu’on partage cette culture, ce savoir-faire, qu’on lie des liens avec les gens, tout ça a forcément de l’influence sur soi. La Suisse est maintenant un pays que je connais bien, je connais son histoire. Mais il y aura un parallélisme avec mes origines, donc (je peindrai) toujours à travers mon point de vue, mon histoire." (COURTESY TEMPLON, PARIS – BRUSSELS)
Omar Ba a choisi principalement le format vertical et le carton comme support. Grâce à un subtil mélange de crayon, d’huile, d’encre et de gouache aux couleurs affirmées, il exprime son univers où se côtoient des créatures mi-humaines, mi-animales dans des végétations organiques. Grâce à ce bestiaire fantastique, l’artiste crée sa propre mythologie où se côtoient références ancestrales et modernité. Si cette zoanthropie est le reflet de son inconscient, il est aussi celui de l’Afrique. Car derrière ce monde pictural poétique, symbolique et onirique, l’artiste exprime les réalités sociales, économiques et politiques du continent. (COURTESY TEMPLON, PARIS – BRUSSELS)
A travers des thèmes, comme la place des soldats africains pendant les guerres mondiales, l’Egypte antique, les relations du continent avec l’Occident ou le monde arabe, mes œuvres "peuvent évoquer aussi bien la situation géopolitique mondiale que l’histoire de l’Afrique à travers son passé". Omar Ba veut exhumer l’oubli, mettre l’accent sur les identités du peuple noir, chercher la place de l’Africain dans le monde. Peindre me "permet de démystifier cette histoire de domination et de dire ce que je pense au lieu de garder tout à l’intérieur de moi. Savoir que je fais partie de ce monde, et en même temps vouloir qu’il n’y ait plus de relation supérieur/inférieur." (COURTESY TEMPLON, PARIS – BRUSSELS)
Mais Omar Ba s’interroge aussi sur des problématiques plus actuelles comme l’enrôlement de jeunes Africains dans des causes qu’ils ne maîtrisent pas, les migrants qui meurent pour traverser l’océan et venir en Europe, la corruption de certains dirigeants africains, la tyrannie des dictatures ou encore la pandémie du coronavirus aux conséquences inédites. Un thème qu’il évoque dans sa dernière série "Anomalies". Ce titre est aussi un clin d’œil à ce qui sort du cadre, ce qui est anormal. "Déjà au vu de ce que nous vivons actuellement avec la pandémie, c’est aussi (une allusion) à ces chefs d’Etats qui changent la Constitution pour remporter des élections, des anomalies qu’il faut dénoncer", déclare-t-il à franceinfo Afrique. (COURTESY TEMPLON, PARIS – BRUSSELS)
Car pour Omar Ba, l’art peut changer les choses. "Je sais que je suis inclus dans un système économique, que je suis un artiste dans une galerie commerciale. Toutefois, j’ai la liberté de dire ce que je pense et je pose des interrogations sur ces phénomènes, haut et fort. Seul, je ne changerai rien, mais collectivement, les artistes le peuvent", dit-il sur Artskop3437. Résolument optimiste et tourné vers le futur, Omar Ba voudrait "transmettre l’idée d’une Afrique qui reprend sa place, d’un pays sans conflits ni dictateurs, que les gens ne soient pas obligés de quitter pour vivre bien", affirme-t-il lors d’une exposition au Musée des Beaux-Arts de Montréal. (COURTESY TEMPLON, PARIS – BRUSSELS)
"Mes œuvres sont le reflet de ma culture, de mes traditions, des personnes, elles parlent aussi de moi." Car entre thérapie méditative et démarche spirituelle, son art lui offre la possibilité de soigner ses blessures intimes. A travers sa peinture, il voit une certaine connexion avec ses origines. "Je viens d’une famille animiste, où on croit en la nature. Avant l’arrivée de l’islam et du christianisme, la culture africaine était animiste, ils se connectaient avec dieu. Cette culture est toujours présente, au quotidien, dans la vie des gens. Quand je peins, j’oublie la fatigue, je me connecte avec le surnaturel, je deviens un avec la nature. Quand je travaille, je réfléchis et j’ai l’impression de résoudre quelque part les problèmes de ma pensée et de la société", précise-t-il à franceinfo Afrique. (COURTESY TEMPLON, PARIS – BRUSSELS)
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