Génocide au Rwanda : Il est "très difficile de penser que la BNP ne savait pas" que son transfert allait servir à acheter des armes
Selon la responsable du contentieux à Sherpa, Marie-Laure Guislain, l'implication de la BNP "aurait commencé les 14 et 16 juin 1994, lorsqu'elle aurait accepté d'effectuer les transferts que lui demande sa cliente de l'époque, la Banque nationale du Rwanda".
Alors que trois associations, dont Sherpa, ont déposé plainte, avec constitution de partie civile, contre la banque BNP Paribas pour "complicité de génocide, de crimes contre l'Humanité et de crimes de guerre" au Rwanda, selon les informations de la cellule investigation de Radio France et du Monde révélées jeudi 29 juin. Marie-Laure Guislain, responsable du contentieux à Sherpa, a estimé, sur franceinfo, qu'il est "très difficile de penser que la BNP ne savait pas" que le transfert de fonds qu'elle a autorisé allait servir à l'achat d'armes.
franceinfo : Pour vous, où commence l'implication de la BNP ?
Marie-Laure Guislain : Elle aurait commencé les 14 et 16 juin 1994, lorsqu'elle aurait accepté d'effectuer les transferts que lui demande sa cliente de l'époque, la Banque nationale du Rwanda, qui est donc la banque centrale publique de l'époque, qui finance le gouvernement rwandais. Il s'agit d'un transfert d'1,3 million de dollars, sur le compte suisse d'un courtier d'armes sud-africain, alors qu'on est en plein génocide et que l'embargo sur les armes a été adopté par l'ONU un mois plus tôt.
La BNP était-elle forcément au courant de ce à quoi allait servir cet argent ?
Bien sûr, c'est la question principale, mais lorsqu'on est en plein génocide et que l'ordre de virement émane de la Banque nationale du Rwanda, pour une somme aussi importante, et que nous sommes en présence d'un professionnel qui avait déjà des obligations, a priori, à l'époque de se renseigner sur la destination des fonds et l'objet des fonds en cas d'opération inhabituelle, il est très difficile de penser que la BNP ne savait pas que ce transfert allait servir à l'achat d'armes. D'autant plus que d'autres banques, comme Bruxelles Lambert, ont été sollicitées et qu'elles ont gelé les fonds. Or, la BNP a continué à autoriser la Banque nationale du Rwanda, pendant quelques mois, à faire des transferts. D'ailleurs, d'après le détaché de cette banque, Bruxelles Lambert, il était impossible, à l'époque, d'ignorer que le gouvernement rwandais avait vraiment un besoin crucial d'argent pour continuer à perpétrer le génocide.
Qu'espérez-vous, 23 ans plus tard, avec ce dépôt de plainte ?
Nous espérons que l'on fasse toute la lumière, puisque cette plainte est vraiment une occasion de montrer que les institutions financières peuvent aussi être impliquées dans de graves violations des droits humains. Dans le cas du génocide rwandais, les responsabilités institutionnelles, militaires, étatiques, ont été progressivement mises en lumière, mais il ne faut pas oublier le rôle des investisseurs privés. Au moment de cette nouvelle législature, nous sommes en droit de nous interroger sur la position que prendra le gouvernement sur la régulation de la finance de façon générale. Et puis nous pensons vraiment que cette plainte est l'occasion rêvée de montrer l'intérêt de la loi sur le devoir de vigilance qui a été adoptée le 21 février dernier, à laquelle Sherpa a beaucoup contribué ces dernières années. Cette loi, appliquée aux banques, permettrait précisément d'éviter l'implication des institutions financières dans de graves violations de droits humains de façon général, pas seulement dans le génocide, puisque le code pénal, lui s'en charge.
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