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Des drones civils lancés à l’assaut des villages africains

Ils étaient plutôt associés à la guerre et considérés comme des espions redoutables. Les drones civils partent désormais à la conquête du ciel africain pour sauver des vies. Des couloirs aériens sont en cours d’essai et des «drones ports» en construction pour accueillir ces engins volants sans pilote qui livrent déjà des poches de sang dans les villages les plus reculés du Rwanda.
Article rédigé par Martin Mateso
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Un ingénieur de Zipline prépare un drone pour un vol d'essai sur la base opérationnelle de Muhanga au sud de Kigali, la capitale rwandaise, le 12 octobre 2016. (Photo Reuter, James Akena )

Le Malawi est parmi les pays africains qui ont pris une longueur d’avance dans ce domaine. Ce pays a déjà testé en 1vril 2017, un couloir aérien réservé aux drones pour lutter contre le sida. Un projet soutenu par le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (Unicef).
 
Dans ce pays, où 10% de la population est contaminée, des milliers d’enfants décèdent chaque année faute de tests de dépistage fournis à temps. Comme l’explique le représentant de l’Unicef au Malawi, «les drones peuvent réduire le temps nécessaire pour obtenir un test de séropositivité et il est essentiel de placer les enfants sous traitement le plus vite possible.»
 
Il faut aujourd’hui 11 jours pour transférer un échantillon de sang d’un centre de santé à un laboratoire et plus de quatre semaines pour transmettre les résultats aux patients. Des délais trop longs et aux conséquences désastreuses pour les enfants qui naissent dans des endroits isolés.
 
Des drones solaires à batteries rechargeables vont pouvoir emprunter un couloir aérien réservé long de 40 kilomètres qui couvrira principalement les communautés rurales autour de la capitale Lilongwe.
 
Des poches de sang larguées sur les collines rwandaises
Sur les collines rwandaises, les drones civils ont déjà fait leur preuve. C’est le premier pays à avoir inauguré en octobre 2016 une base abritant 15 de ces petits avions sans pilote de 10 kilos. Ils sont capables d’emporter chacun un poids maximum de 1,3 kilo de cargaison médicale sur une distance de 150 kilomètres. Guidés par GPS, ils peuvent effectuer entre 50 et 150 vols par jour à destination d’une vingtaine de centres de transfusion situés dans la moitié Ouest du pays.
 

Base opérationnelle de Muhanga au sud de Kigali, la capitale rwandaise. C'est d'ici qu'une société robotique basée en Californie a livré les premières poches de sang en utilisant un drone, le 12 octobre 2016. (Photo Reuters/James Akena)

En moins de 30 minutes, la commande effectuée par SMS auprès de la station de drones est parachutée à l’emplacement souhaité, à 20 mètres au-dessus du sol, et quelles que soient les conditions météorologiques. Le drone délivre sa cargaison à l’aide d’un petit parachute avec une précision de l’ordre de 5 mètres, grâce à des logiciels sophistiqués. Puis il retourne à sa base sans avoir touché le sol.
 
Bientôt, ces drones prendront aussi en charge la livraison de vaccins et de médicaments, assure le PDG de la société californienne de robotique Zipline qui a livré ces robots volants.
 
«L’incapacité à pouvoir livrer des médicaments aux personnes qui en ont le plus besoin est la source de millions de décès que nous pouvons éviter. Nous avons conçu un système de livraison instantanée qui permet de livrer des médicaments sur demande, à bas prix et partout», assure le PDG de la société, Keller Rinaudo.
 
Une seconde base devrait voir le jour cette année pour permettre aux drones de couvrir la totalité des 26.000 km² du Rwanda.
 
Des drones au service de la contraception
Des drones civils de 1,5 mètre d’envergure sillonnent les coins les plus reculés du Ghana pour livrer des contraceptifs divers et des préservatifs dans le cadre d’un projet baptisé Project Last Mile financé par le Fonds pour la population de l’ONU (FNUAP), la Fondation Bill Gates, l’agence américaine USAID.
«Auparavant, les livraisons aux zones rurales prenaient deux jours. Aujourd’hui, c’est 30 minutes», s’est félicité Kanyanta Sunkutu, expert en santé publique du FNUAP.
 
L’Organisation Mondiale de la Santé estime à 225 millions le nombre de femmes dans les pays en développement qui souhaiteraient retarder une naissance ou cessez de procréer. Certaines sont obligées d’avoir recours à des contraceptifs chimiques locaux aux effets secondaires parfois dangereux. Et chaque année, 47.000 d’entre elles succomberaient aux avortements clandestins.
 
La technologie des drones au service des plus pauvres
Comme l’indiquent les promoteurs de ce projet, l’idée repose sur le pari que les drones livreront du matériel là où aucune route ne va, en créant un réseau de drones ports reliés par des couloirs aériens nommés «les lignes rouges».

«Le manque d’infrastructures au sol a un impact direct sur la possibilité de livrer des biens vitaux, dans des endroits où des choses aussi basiques que du sang ne sont pas disponibles rapidement. Il s’agit de tirer parti des récentes avancées dans la technologie des drones, habituellement associés à la guerre, afin de sauver des vies en Afrique», explique au journal Le Temps, l’architecte britannique Norman Forster qui a conçu la base des drones installée au Rwanda.
 
Reste à relever un autre défi, celui de la maîtrise des coûts. Selon Jonathan Ledgard, fondateur du projet Drone-ports, «il faut que ces engins ou leurs sites d’atterrissage soient pensés pour être suffisamment résistants et bon marché pour être utiles aux communautés les plus pauvres, qui en ont le plus besoin. Au final, ce sont des centaines de vies qui peuvent être sauvées rien qu’en livrant des poches de sang dans un pays de la taille de l’Ethiopie», confie-t-il au journal Le Temps.

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