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RDC : Geoffroy Heimlich, un archéologue sur les traces de l’art rupestre du Kongo dans le massif du Lovo

Article rédigé par franceinfo Afrique
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Geoffroy Heimlich et son équipe veulent sauvegarder un patrimoine méconnu et découvrir ses secrets.

Le massif de Lovo se trouve dans le nord de l’ancien royaume de Kongo. Il s’étend sur 430 km² où se dressent des centaines de massifs calcaires percés de nombreuses grottes et abris-sous-roche. Après plus de dix années de recherches archéologiques, Geoffrey Heimlich et son équipe, en croisant les points de vue ethnologique, historique, archéologique et mythologique, veulent mettre en lumière la recherche sur les patrimoines africains, l’art rupestre, part importante de la culture kongo. Au même titre que les sources historiques ou les traditions orales, ce travail peut apporter aux historiens une documentation de premier plan et contribuer à reconstruire le passé de l’Afrique.

Docteur en histoire et en archéologie, Geoffroy Heimlich est chercheur associé à l’Institut des mondes africains (IMAF) et au laboratoire Patrimoine locaux, environnement et globalisation (PALOC), à Paris, ainsi qu’au Rock Art Research Institute de l’Université de Witwatersrand, à Johannesburg. Il est aujourd’hui coresponsable avec Clément Mambu Nsangathi de la mission franco-congolaise Lovo, en République démocratique du Congo.

Réalisé en collaboration étroite avec l’Institut des Musées nationaux du Congo, ce projet est soutenu depuis 2016 par le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, et depuis 2019 par le ministère de la Culture.

"Notre travail contribue également à nous alerter sur la nécessité du classement et de la préservation de ces ensembles remarquables, menacés par l’exploitation industrielle des massifs. Vu le haut intérêt culturel, historique et naturel de ces sites, les autorités congolaises envisagent une initiative pour inscrire le massif de Lovo sur la Liste du patrimoine mondial de l’Unesco (…) Certains sites majeurs d’art rupestre ont déjà été détruits. La grotte ornée de Mbafu en est le triste exemple. Du calcaire y a été exploité depuis les années 1980 jusqu’à récemment. L’exploitation industrielle des massifs devrait se poursuivre, voire s’accélérer dans les années qui viennent", alerte Geoffrey Heimlich.

Un livre et un site Internet mettent en lumière ce travail.

"En 1483, les navigateurs portugais arrivèrent à l’embouchure du fleuve Congo. Ils furent frappés d’y découvrir un véritable royaume, avec son souverain, une cour, une administration, une capitale et des provinces. A son apogée, aux XVIe et XVIIe siècles, le royaume de Kongo s’étendait à cheval entre les Etats modernes de la République démocratique du Congo, l’Angola et le Congo-Brazzaville sur une superficie allant jusqu’à 130 000 km²", explique le site.     (GEOFFROY HEIMLICH)
A partir de la fin du XVe siècle, l’histoire du royaume de Kongo est connue non seulement par les textes des premiers explorateurs et missionnaires européens, mais aussi par ceux des Kongo eux-mêmes. Si ce royaume est l’un des mieux documentés d’Afrique, tant par les sources historiques que par les sources ethnographiques et anthropologiques, il reste largement méconnu sur le plan archéologique.    (GEOFFROY HEIMLICH)
Aujourd’hui, avec 117 sites inventoriés (dont 20 grottes ornées), le massif de Lovo contient la plus importante concentration de sites rupestres de toute la région, ce qui représente plus de 5700 images rupestres. Mais à la différence des arts rupestres du Sahara ou d’Afrique australe, richement documentés, ceux d’Afrique centrale restent encore aujourd’hui largement méconnus. Les images rupestres de cette région n’ont jamais fait l’objet d’investigations de grande ampleur et leur âge reste généralement très incertain.    (GEOFFROY HEIMLICH)
Mais pour la première fois, cet art a pu être daté par la méthode de datation au carbone 14. Cette technique permet d’estimer l’âge des vestiges archéologiques ou des peintures rupestres. Dans l’une des grottes, les premiers résultats indiquent une datation comprise entre les XVe et XVIIIe siècles. Ces résultats permettent d’associer ces images au royaume de Kongo et à ses rituels et en particulier à l’un d’entre eux, le kimpasi, signalé dès le XVIIe siècle par des récits écrits. Cette cérémonie était pratiquée quand la communauté éprouvait le besoin de remédier aux maux qui l’accablaient.     (GEOFFROY HEIMLICH)
Etroitement associée au kimpasi, la croix était un symbole clé, non seulement du christianisme (au XVe siècle, certains rois Kongo se sont convertis au christianisme) mais aussi de la cosmologie kongo. Placée au centre d’un autel et flanquée de deux kiteke, des statues de forme humaine, ou bien indiquant les endroits dédiés au kimpasi, la croix était liée à l’idée d’un passage cyclique de la vie à la mort, et de la mort à la vie. Une partie de l’art rupestre paraît donc liée à l’initiation du kimpasi.     (GEOFFROY HEIMLICH)
Chez les anciens Kongo, la croix était aussi un symbole de prestige et de valeur lié au pouvoir, à la royauté. Elle ornait bon nombre d’objets royaux. La croix contribuait ainsi à renforcer les liens avec les forces surnaturelles dont elle symbolisait la présence. On trouvait ce motif par exemple dans les églises, où la noblesse kongo était enterrée à l’époque du royaume. Des crucifix et des pierres tombales ornés de croix témoignent de la rencontre entre les pensées religieuses chrétienne et kongo.    (GEOFFROY HEIMLICH)
Le croisement des points de vue historique, archéologique et ethnologique montre l’importance de l’art rupestre dans la culture kongo. Certains aspects rituels et symboliques qui s’y rattachent peuvent être attribués avec assurance à l’ère préchrétienne. Des signes très simples, comme la croix, peuvent donc se mettre à "parler", à condition de pouvoir les dater et de les situer dans un contexte culturel précis. Ce n’est qu’une fois les images situées dans le temps qu’elles peuvent être utilisées comme des documents historiques, et ainsi contribuer à l’écriture de la longue histoire du peuplement du continent africain.      (GEOFFROY HEIMLICH)
Le lézard est un autre motif que l’on retrouve aussi souvent dans cet art rupestre. Un lézard dessiné dans une des grottes a été daté par la méthode du radiocarbone entre les XIIIe et XVIe siècles.    (GEOFFROY HEIMLICH)
Dans les traditions orales recueillies dès la fin du XIXe siècle, après la mort, les humains deviennent des sortes de revenants. Ils errent de longues années dans la brousse avant de mourir une seconde fois et de se transformer à nouveau. Les hommes se changent en lézards et les femmes en crapauds ou en grenouilles.       (GEOFFROY HEIMLICH)

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