Cet article date de plus de quatre ans.

Soudan : le général Hemetti retire une partie de ses forces de la coalition arabe au Yémen

Le Soudan procède au retrait de 10 000 hommes engagés dans la guerre contre la rébellion au Yémen, sans quitter pour autant la coalition mise sur pied par l'Arabie saoudite. 

Article rédigé par Alain Chémali
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 3 min
Des combattants soudanais combattant aux côtés des forces pro-gouvernementales du Yémen soutenues par les Saoudiens contre les rebelles houthis se rassemblent le 7 juin 2018 près de la ville d'Al Jah dans la province de Hodeida, à 50 km de la ville portuaire de Hodeida, prise par les insurgés en 2014. (NABIL HASAN / AFP)

Annoncé le 30 octobre 2019 par le général Hemetti, vice-président du Conseil militaire de transition au Soudan, le rapatriement de quelque 10 000 hommes engagés auprès de l'Arabie saoudite au Yémen a débuté depuis deux mois sur le terrain.

Un chiffre oscillant entre 30 et 40 000 hommes

C’est sous le régime du président Omar el-Béchir que Khartoum avait décidé en mars 2015 de rejoindre la coalition arabe mise sur pied par Ryad et les Emirats arabes Unis. L'Arabie saoudite avait lancé l'opération "Tempête décisive" pour venir en aide au président Abd Rabbo Mansour Hadi en guerre contre la rébellion houthie soutenue par l’Iran.

Il n’existe pas de chiffre officiel de la participation soudanaise à cette coalition, mais elle est généralement estimée par les médias à un nombre oscillant entre 30 et 40 000 hommes. Des miliciens issus essentiellement des Forces de soutien rapide (FSR) du général Hémetti, réputés pour leurs exactions au Darfour et plus récemment dans la répression du soulèvement à Khartoum, qui a mis un terme à 30 ans de règne d’el-Béchir.

Un retrait partiel donc, qui intervient dans la foulée de celui des forces émiraties, début octobre, et alors qu’un accord semble avoir été trouvé sur le front Sud entre le gouvernement légal yéménite et les séparatistes du Sud. "Ces militaires ont rempli leur mission au Yémen. Ils regagnent donc leur pays et ils ne seront pas remplacés par de nouveaux militaires", a expliqué le numéro deux du Conseil de transition cité par la publication en ligne Al Manar, proche du Hezbollah libanais pro-iranien.

Un retrait à explications variables

Même si officiellement les militaires soudanais expliquent qu’il ne s’agit pas de quitter une coalition, dont ils tirent toujours des avantages financiers, politiques et diplomatiques, selon RFI, ce retrait est à explications variables.

Selon le site Soudan Tribune, il serait lié aux pertes enregistrées par les forces soudanaises sur le terrain. Lors d’une conférence de presse du 2 novembre, le porte-parole du groupe Houthi a annoncé que les forces soudanaises avaient enregistré plus de 4 000 morts et autant de blessés ou portés disparus depuis 2015.

Menaçant, le brigadier-général Yahya Sareeh a prévenu que la poursuite de la participation du Soudan à l’agression contre le Yémen "oblige nos forces à prendre des mesures sérieuses pour les forcer à partir" . Il a appelé Khartoum "à préserver le sang et la vie des soldats restant en les retirant et les ramenant sur leurs terres".

Le bilan présenté par les Houthis a été relayé par le site Arabi21 TV, qui a publié sur twitter des images de soldats soudanais capturés par la rébellion yéménite, ainsi que des appels de Soudanais réclamant le rapatriement des soldats le plus rapidement possible.

Le mécontentement de larges couches du peuple soudanais

Evoquant des facteurs internes qui auraient précipité la décision de Hémetti de se retirer du Yémen, l’analyste politique Hassan Barakiya, cité par albidda.net, partage cette optique. Il souligne "le mécontentement de larges couches du peuple soudanais de la participation de ces forces au Yémen, qui a causé de lourdes pertes dans ses rangs".

Doutant toutefois que ce retrait partiel ait pu se faire sans l’assentiment de Ryad, RFI cite un chercheur pour lequel cette décision signifie "10 000 hommes armés de plus au Soudan. Vont-ils rester cantonnés dans des baraquements ? Ou être déployés dans des villes ? Ils pourraient servir à faire pression sur la coalition civile", explique ce spécialiste.

Pour un autre expert de la région, le retour des hommes de Hemetti "augmente son pouvoir. Ca change le rapport de force, qui est crucial dans un pays fragile et instable". "Détenir la capacité coercitive fait partie de la politique soudanaise aujourd’hui"  explique-t-il et elle fait du numéro deux du Conseil souverain une personne quasi-intouchable.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.