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Mali : le 2e tour des législatives a eu lieu malgré le Covid-19 et en dépit des attaques jihadistes

Le premier tour avait eu lieu le 29 mars 2020.

Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Temps de lecture : 4 min
Une électrice en train de voter lors du premier tour des législatives à Gao (est du Mali), le 29 mars 2020. (SOULEYMANE AG ANARA / AFP)

Trois semaines après le premier tour des législatives au cours duquel 22 sièges de députés sur 147 avaient été pourvus, les Maliens ont voté le 19 avril 2020 pour le second tour. Les autorités avaient renforcé les mesures d'hygiène contre le Covid-19, qui avec les violences jihadistes et l'enlèvement du principal opposant, Soumaïla Cissé, ont installé une atmosphère fébrile dans le pays. Un millier de bureaux environ, sur plus de 22 000, sont restés fermés lors de ce second tour. Des cas de fraude sont suspectés. Les premiers résultats provisoires sont attendus à partir du 20 avril.

A Bamako, des bureaux de vote ont ouvert à 8h (locales et GMT), a constaté un journaliste de l'AFP. "J'ai voté. C'est important malgré la conjoncture. Il faut de nouveaux députés pour consolider notre démocratie", a déclaré à l'AFP Moussa Diakité, un étudiant de 23 ans. Une étudiante, Hamchétou Touré, a expliqué qu'elle avait voté dans la capitale avec "un masque et en respectant les mesures barrières" contre le Covid-19. Officiellement, le pays a déclaré 216 cas confirmés et 13 décès.

Des kits sanitaires ont été placés dans "96,2% des centres et bureaux de vote" visités à travers le pays par la Synergie, a affirmé dans un communiqué cette plateforme d'organisations qui a déployé des observateurs lors d'élections. "Le personnel électoral portait des masques dans 87,2% des bureaux visités", a affirmé la Synergie. Pour endiguer l'épidémie, un couvre-feu nocturne a été institué, les écoles ont été fermées, des restrictions imposées aux activités.

Mais dans la capitale d'un des pays les plus pauvres de la planète dont une grande part de la population vit au jour le jour, les marchés, les mosquées, les transports en commun n'ont pas désempli.

Un scrutin plusieurs fois reporté

Le président malien Ibrahim Boubacar Keïta avait pris l'engagement que "toutes les mesures sanitaires et sécuritaires requises (seraient) rigoureusement appliquées" le jour du scrutin. Le vote a eu lieu également en province, notamment à Ségou et Mopti (centre) et Gao (nord), selon des témoins joints par l'AFP depuis Bamako. 

En démocratie, rien ne vaut la pleine légalité constitutionnelle ainsi que le jeu normal des institutions

Le président Keïta, dans un message à la nation, masque protecteur sur le visage

La majorité de la classe politique soutient le maintien de ce scrutin plusieurs fois reporté. L'enjeu est de taille : renouveler un parlement élu en 2013 et dont le mandat devait s'achever en 2018, et faire avancer l'application de l'accord de paix d'Alger. Signé en 2015 entre les groupes armés indépendantistes et Bamako, celui-ci prévoit davantage de décentralisation via une réforme constitutionnelle qui doit passer par l'Assemblée. Or, la légitimité du parlement sortant est contestée.

Violences jihadistes

Mais comment motiver des Maliens qui remettent en cause la capacité de leurs dirigeants à sortir le pays de la guerre et de la pauvreté ? Du matériel électoral a été "saccagé par des inconnus" le 18 avril à Gossi, au sud de la ville de Gao (nord), a affirmé le 19 avril un élu local à l'AFP.

D'abord concentrée dans le Nord en proie à des rébellions indépendantistes, la crise sécuritaire a dégénéré avec l'arrivée de groupes jihadistes dans le pays à partir de 2012. La violence frappe quotidiennement le centre et le nord du Mali ainsi que les voisins burkinabè et nigérien. Les attaques contre les soldats et les civils alternent avec les explosions de mines artisanales, les morts se comptent par milliers et les déplacés par centaines de milliers. Vingt-cinq militaires, selon le gouvernement, ont été tués entre les deux tours dans une opération revendiquée par un groupe affilié à Al-Qaïda.

"Dans le centre et dans le nord, est-ce que les populations pourront voter librement ? Dans le centre, les groupes terroristes sont en train de menacer les populations" pour les dissuader de voter, affirmait Ibrahima Sangho, chef de mission de la Synergie, avant le second tour.

Le premier tour du 29 mars avait été marqué par des enlèvements de présidents de bureau, le vol et la destruction d'urnes. Dans les zones rurales de Tombouctou, les jihadistes ont conduit de nombreux raids d'intimidation à moto. "Ne votez pas ou vous aurez affaire à nous", disaient-ils aux habitants, selon un rapport interne de l'ONU consulté par l'AFP.

Un électeur regarde les noms sur les listes électorales lors du premier tour des législatives à Gao (centre du Mali) le 29 mars 2020. (SOULEYMANE AG ANARA / AFP)

Des fraudes ?

Un millier de bureaux environ, sur plus de 22 000, n'ont pas ouvert, a admis le ministre de l'Administration territoriale Boubacar Alpha Bah, selon des propos rapportés par la télévision publique. Dans certaines régions du nord, le large taux de participation (plus de 85% à Kidal pour une moyenne nationale de 35,6%, avec des députés élus avec 91% ou 97% des suffrages) laisse envisager "une possibilité de fraude", dit un diplomate sahélien.

Dans la capitale, la participation au premier tour a été de 12,9%. Ces faibles taux de participation sont dans la norme malienne, rappelle Ibrahima Sangho. Sur les 147 sièges de députés, 22 ont été pourvus au premier tour.

Parmi les candidats déjà élus, on trouve Soumaïla Cissé, le chef de file de l'opposition kidnappé le 25 mars alors qu'il était en campagne. A défaut de preuve formelle, tous les soupçons pèsent sur le groupe jihadiste d'Amadou Koufa. Des négociations sont menées pour sa libération, selon son parti. "Soumaïla Cissé est un gros poisson qui pourra être échangé contre d'autres gros poissons emprisonnés", pense Bréma Ely Dicko, sociologue à l'université de Bamako.

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