Cet article date de plus de six ans.

Algérie: un putsch à contour flou contre le président du Parlement Saïd Bouhadja

Le président de l’Assemblée populaire nationale (APN) algérienne est depuis fin septembre la cible d’une tentative d’éviction de la part des députés de la majorité. En l’absence de procédure légale de destitution, Saïd Bouhadja refuse de démissionner et met la balle dans le camp du président Bouteflika.
Article rédigé par Alain Chémali
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 5min
Des députés algériens du Front de libération nationale (FLN) et du Rassemblement national démocratique (RND) bloquent l'entrée de l'Assemblée populaire nationale à Alger, le 16 octobre 2018, pour obtenir la démission de son président, Saïd Bouhadja. (RYAD KRAMDI / AFP)

En cours depuis trois semaines, la tentative de renversement pacifique du président de l’APN, Saïd Bouhadja, a pris le 16 octobre 2018 la tournure d’une grave crise de l’institution parlementaire en Algérie.
 
Cadenasser la porte de l'Assemblée populaire nationale
Quelque 200 députés de la majorité ont en effet bloqué l’entrée de l’Assemblée durant plusieurs heures en cadenassant la porte pour en interdire l’accès à son président.
 
Cinq partis de la majorité présidentielle, dont le Front de libération nationale (FLN) du président Abdelaziz Bouteflika et le Rassemblement national démocratique (RND) du Premier ministre Ahmed Ouyahia, qui détiennent à eux deux la majorité absolue, l’accusent «de mauvaise gestion, de dépenses exagérées et illicites et d’un recrutement douteux» et réclament son départ.
 
Le Premier ministre Ouyahia et le Secrétaire général du FLN, Djamel Ould Abbès, se sont impliqués personnellement dans l’affaire en demandant publiquement à Saïd Bouhadja de démissionner.
 
Selon Cheikh Berbara, député du Mouvement populaire algérien (MPA), parti proche du pouvoir, au moins 351 députés sur les 462 que compte l'APN ont soutenu «cette action de protestation pacifique visant à réclamer la démission du président de l'Assemblée».
 
En l’absence, dans la Constitution et dans la loi, de procédure permettant la destitution du président de l’APN, le tenant du titre refuse de céder à la pression des députés et défie ses adversaires.
 
Saïd Bouhadja, président de l'Assemblée populaire nationale (APN) à Alger, le 26 juillet 2017. (Billal Bensalem/NurPhoto/AFP)

Saïd Bouhadja accuse «une bande hors-la-loi»
Dans un entretien avec la publication en ligne TSA, il a qualifié ceux ont fermé l’accès à l’APN de «députés qui ne représentent pas la majorité. C’est une petite bande qui est hors-la-loi», a-t-il dit les accusant de chercher l’escalade.
 
Il a également accusé Djamel Ould Abbès, le patron du FLN auquel il appartient, d’inciter les députés à mener ces actions contre lui.
 
«Hier, lors de la réunion du bureau politique, ils ont décidé de me retirer la couverture politique. C’est une décision illégale qui n’a pas été approuvée par le Comité central comme le stipulent les textes qui régissent le fonctionnement du parti», a-t-il dit.
 
«Cette action ne me fais pas peur. Je vais venir à l’APN parce que je suis le président de cette institution», a-t-il encore affirmé par téléphone à TSA. Il n’a toutefois pas rejoint son poste «parce que j’ai assisté à un enterrement. Il n’y a aucune autre raison. Je vais rejoindre l’APN plus tard», a-t-il expliqué à TSA.

L'opposition dénonce «une agression contre le Parlement»
Plusieurs partis d'opposition se sont insurgés contre le blocage de l'accès de l'APN, y voyant une atteinte aux institutions.
 
Député du Rassemblement pour la Culture et la démocratie (RCD), Ouamar Saoudi a dénoncé devant la presse «une agression contre le Parlement» qui «vient (...) du bureau politique du FLN».
 
Ahmed Sadok, président du groupe d'opposition du Mouvement de la société pour la Paix (MSP, islamiste), a fustigé, lui, une «action qui ne fait honneur ni aux députés ni au Parlement ni à l'image du pays».

Il a appelé les parlementaires opposés à M.Bouhadja à agir de façon «légale», soulignant que «pour le moment, rien ne l'empêche d'assumer ses fonctions».
 
Les motifs réels de cette crise restent flous. Saïd Bouhadja dénonce, selon RFI, des représailles parce qu’il aurait voulu limiter l’usage des voitures de fonction ou les recrutements de personnel.
 
Prêt à démissionner, uniquement à la demande de Bouteflika
Selon l’AFP, il attribue ses déboires notamment à sa décision de limoger fin septembre le Secrétaire général de l'Assemblée, réputé proche de certains caciques du FLN.
 
Face aux putschistes qui devaient réunir le 17 octobre le bureau de l’Assemblée pour constater la vacance de la présidence et élire un nouveau président, Saïd Bouhadja répond en mettant la balle dans le camp du président algérien.
 
«C’est illégal d’annoncer une telle chose. La vacance est prévue uniquement en cas de décès ou de démission. Et moi j’accepterai de démissionner uniquement à la demande du président Bouteflika», a-t-il conclu.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.