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Algérie : le coup de force à l’Assemblée accouche d’une présidence bicéphale

L'Assemblée nationale algérienne a élu le 24 octobre 2018 un nouveau président, mais le sortant, en conflit ouvert avec la majorité parlementaire, se proclame légalement toujours en fonction, laissant craindre un possible imbroglio institutionnel. Le Rassemblement pour la culture et la démocratie (opposition) accuse «l’exécutif» d’être derrière ce «putsch».
Article rédigé par Alain Chémali
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 2 min
Le membre du Front de libération nationale (FLN) et président nouvellement élu du Parlement, Mouad Bouchareb (G), applaudit à l'Assemblée nationale algérienne le 24 octobre 2018.  (AFP)

Mouad Bouchareb, 47 ans, a été élu sans surprise président de l'Assemblée populaire nationale (APN), par 320 voix et une abstention. Il était jusqu'ici chef du groupe parlementaire du Front de libération nationale (FLN), parti du chef de l'Etat Abdelaziz Bouteflika, qui détient 161 des 462 sièges à la Chambre basse.

Un vote en l'absence de l'opposition 
Unique candidat, il était également soutenu par les 100 députés du Rassemblement national démocratique (RND) du Premier ministre Ahmed Ouyahia et par ceux des autres partis de la majorité présidentielle.

L'opposition a boycotté la séance.

Le président sortant, Saïd Bouhadja, 80 ans, lui-même membre du FLN, a martelé qu'il «reste et demeure le président légal et légitime de l'APN» et dénoncé une «atteinte à l'Etat de droit», à «la séparation des pouvoirs» et au «respect des institutions».

Saïd Bouhadja, président de l'Assemblée populaire nationale (APN) à Alger le 20 juin 2017  (Billal Bensalem/NurPhoto/AFP)

Selon la Constitution, «le président de l'APN est élu pour la durée de la législature» et aucune procédure légale de destitution n'est prévue.
 
Les députés de la majorité ont donc argué de «l'incapacité» de Saïd Bouhadja à «assurer ses fonctions, du fait de son désaccord avec les députés et son refus de démissionner» pour constater «la vacance» du poste.

«Une situation délirante»
Selon la constitutionnaliste Fatiha Benabbou, le constat de vacance «n'a pas été établi juridiquement selon les règles» et M. Bouhadja reste «légalement le président» de l'APN.
 
«Nous risquons de nous retrouver avec deux présidents» à l'Assemblée, «un président légal et un président de fait», a indiqué à l'AFP cette professeure de droit à l'Université d'Alger, «c'est une situation délirante».
 
L'accusant de «mauvaise gestion», cinq partis de la majorité, dont le FLN et le RND, exigent en vain depuis fin septembre la démission du président Bouhadja, élu en 2017 par l'APN issue des législatives.
 
Le premier ministre, Ahmed Ouyahia et le secrétaire général du FLN, Djamel Ould Abbès, ont réclamé publiquement son départ.
 
Durant un mois, les Algériens ont assisté par médias interposés aux passes d'armes entre M. Bouhadja et ses détracteurs, une situation rare en Algérie, où la discipline au sein de l'ex-parti unique et de l'appareil d'Etat est généralement la norme.
 
«Un coup d'Etat perpétré par l'exécutif», selon le RCD
M. Bouhadja a attribué ses déboires à sa décision de limoger fin septembre le secrétaire général de l'APN, réputé proche de certains caciques du FLN, mais les motifs réels de cette crise restent flous et toutes sortes d'hypothèses ont été avancées.
 
De son côté, l'opposition fustige une lutte de clans. Interrogés par l'AFP, le chef du groupe parlementaire du Mouvement de la société pour la paix (34 députés) Ahmed Sadok a dénoncé «des mesures illégales pour changer le président» de l'APN, et son homologue du Front des forces socialistes (FFS, 14 députés), Saddek Slimani s'est insurgé contre «un putsch politique».
 
Dans un communiqué, le Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD, 9 députés) a qualifié le scrutin de «coup d'Etat contre l'institution législative» perpétré «sur instruction de l'exécutif».

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