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Afrique du Sud: le leader extrémiste Julius Malema affirme ses ambitions

Le chef de la gauche radicale Julius Malema a lancé, le 4 mars 2018, sa campagne pour les élections de 2019. Il ne cache pas ses ambitions présidentielles et continue d’attaquer les Blancs avec virulence. Il a réussi, récemment, à faire voter une motion au Parlement pour autoriser l’expropriation sans compensation des terres agricoles au profit des Noirs. Un sujet très sensible en Afrique du Sud.
Article rédigé par Laurent Ribadeau Dumas
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min

Au cours d'un rassemblement à Johannesburg, le chef des Combattants pour la liberté économique (Economic Freedom Fighters, EEF), Julius Malema, a confirmé qu'il tenterait d'évincer le maire de Port Elizabeth, Athol Trollip pourtant soutenu par EFF depuis les élections de 2016. Athol Trollip est membre de l'Alliance démocratique (DA), principal parti d'opposition qui a gouverné Port Elizabeth ainsi que Johannesburg et Pretoria avec le soutien de l’EFF.

«Nous ne haïssons pas les Blancs, nous aimons simplement les Noirs»
Depuis la démission en février du président Jacob Zuma, qui a été longtemps la cible des critiques belliqueuses de Julius Malema, EFF s'en prend à l'Alliance démocratique, l'accusant d'être un parti raciste qui défend les intérêts des Blancs. «Tous les Blancs qui votent pour DA, sont furieux à propos de ce que nous allons réaliser à Port Elizabeth ... Vous tous, vous pouvez aller en enfer, vous êtes le cadet de nos soucis. Nous ne nous soucions pas des sentiments des Blancs», a-t-il lancé sous les applaudissements de la foule. «Nous ne haïssons pas les Blancs, nous aimons simplement les Noirs», a ajouté le leader politique, déjà accusé de racisme par ses adversaires.

Depuis l'accession au pouvoir de Cyril Ramaphosa, successeur de Jacob Zuma, Julius Malema, a tenté de renouer avec le Congrès national africain (ANC), parti majoritaire au pouvoir. «Ramaphosa doit faire ce qu'il convient de faire. Cela nous est égal que (Ramaphosa) soit milliardaire», a poursuivi le leader radical. Il alterne ainsi le chaud et le froid : le 1er mars, il s’en était pris frontalement au train de vie du nouveau président, expliquant que «la maison (du président au Cap) est en meilleur état que le service de pédiatrie de l'hôpital de Soweto»...

Fondé en 2013 par Julius Malema après son expulsion de l’ANC, l’EFF est une force qui compte sur la scène politique. Il est le troisième parti en nombre de députés à l'Assemblée nationale.

A l’origine de la motion sur la réforme agraire
Dans son discours du 4 mars, le dirigeant radical a salué la résolution de l’ANC, votée au Parlement le 27 février avec l’approbation de Cyril Ramaphosa, pour une réforme de la Constitution. Objectif d’une motion qu’il avait lui-même initiée: autoriser l’expropriation sans compensation des terres agricoles, détenues principalement par des Blancs, au profit de la majorité noire. Un sujet explosif en Afrique du Sud. «Le temps de la réconciliation est fini. L'heure de la justice a sonné. Nous ne cherchons pas la vengeance (...), nous voulons retrouver notre dignité», avait lancé Julius Malema dans l'hémicycle.


Selon certains observateurs, le soutien de l’ANC et du nouveau chef de l’Etat à la motion du leader radical et populiste est une manière d’essayer de se concilier ses bonnes grâces pour le canaliser. Conformément à ce qu'a souhaité le dernier congrès de l'ANC, le nouveau président Cyril Ramaphosa a promis une réforme agraire destinée à «panser les plaies du passé et à accélérer la redistribution de la terre aux Sud-Africains noirs». Une réforme à laquelle s’oppose l’Alliance Démocratique: à ses yeux, elle «met sérieusement en danger l’économie nationale».

Les Blancs détiennent encore 73% des terres
Près d'un quart de siècle après la chute de l'apartheid, la question de la redistribution des terres est une question très passionnelle en Afrique du Sud. Comme le reste de l'économie, l'agriculture reste largement aux mains des Blancs, qui détiennent 73% des terres contre 85% à la fin du régime raciste, selon une récente étude.

Souvent, les expériences de redistribution se soldent par un échec. Les nouveaux propriétaires sont contraints de jeter l'éponge, incapables d'assurer la rentabilité de leur exploitation par manque de formation, de moyens ou d'accès aux marchés.

Depuis plusieurs années, Julius Malema exhorte régulièrement ses troupes à «s'emparer des terres». Ces propos lui ont valu autant de poursuites devant les tribunaux pour «incitation à l'effraction». Toutefois pour l'heure, il n'a pas été condamné.

Le contre-exemple du Zimbabwe
Pour les Sud-Africains, le Zimbabwe voisin est un contre-exemple. Dans les années 2000, l'ex-président Robert Mugabe avait lancé une réforme agraire fondée sur l'expropriation brutale de quelque 4.500 fermiers blancs. La réforme a plongé le pays, considéré comme le «grenier à blé» de l’Afrique australe, dans une crise économique dont celui-ci ne s'est toujours pas relevé. Le successeur de Robert Mugabe a décidé de corriger la situation pour tenter de faire revenir les investisseurs étrangers.

De son côté, Cyril Ramaphosa semble avoir parfaitement conscience de l’impasse zimbawéenne. «Nous n'autoriserons pas des interventions s'apparentant à du vol (...), nous ne ferons pas les erreurs que les autres ont commises», a-t-il expliqué. Son attitude reste ainsi empreinte de prudence. «Nous gérerons ce problème (...) d'une manière qui ne portera pas atteinte à l'économie», a affirmé cet ancien homme d’affaires. Affaire à suivre...

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