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Ouganda : Bobi Wine, l'opposant au président Museveni, placé en résidence surveillée

Il venait à peine de déposer sa candidature officielle à l'élection présidentielle de 2021.

Article rédigé par Jacques Deveaux
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Bobi Wine se rend à la commission électorale pour y déposer sa candidature à l'élection présidentielle. Quelques heures plus tard il sera arrêté. (SUMY SADURNI / AFP)

La vidéo (en anglais) est pour le moins spectaculaire. Prise depuis l'intérieur de la voiture où s'était installé Bobi Wine, on voit des policiers casser les vitres du véhicule. Le candidat en est ensuite extrait et conduit sous bonne escorte à son domicile, où, selon ses partisans, il a été placé en résidence surveillée.

Bobi Wine venait à peine de déposer sa candidature à la commission électorale pour l'élection présidentielle de 2021. Interrogé par l'AFP, le porte-parole de la police de Kampala, Patrick Onyango, a accusé Bobi Wine de ne pas avoir respecté les directives imposées aux candidats. Ainsi, il a laissé se dérouler une manifestation de ses supporters "contrevenant aux mesures de lutte contre le Covid-19", a expliqué le porte-parole à l'AFP. "Toute mesure prise par la police à cet égard était justifiée".

Voilà donc un nouvel épisode pour le moins agité du bras de fer qui oppose le chanteur-politicien au président de l'Ouganda Yoweri Museveni. Depuis qu'il est entré en politique, Robert Kyagulanyi Ssentamu (le vrai nom de Wine) est devenu le principal opposant au pouvoir. Un pouvoir de plus en plus crispé, qui n'hésite pas à arrêter ses adversaires et à les jeter en prison.

La prison en 2018

Bobi Wine bien que député depuis 2017, en a aussi largement fait les frais. En août 2018, il est arrêté suite au caillassage, par ses sympathisants, du convoi présidentiel. La manifestation a dégénéré et la police a ouvert le feu, tuant le chauffeur de Bobi Wine assis au volant.

Pour Wine cela ne fait aucun doute, "la police a abattu mon chauffeur en pensant m'avoir abattu", écrit-il sur Twitter. Mais lors d'une perquisition dans sa chambre d'hôtel, les policiers découvrent deux armes à feu, ce qui vaut à Bobi Wine un séjour en prison.

Le 6 janvier 2020 Bobi Wine est arrêté pour organisation d'un rassemblement interdit. Il devait tenir son premier meeting de campagne dans la banlieue de Kampala, la capitale de l'Ouganda. (STRINGER / AFP)

Les proches du chanteur parlent de complot, et son avocat dénonce des violences policières à l'encontre de son client. "Il avait des bleus au visage quand il est apparu devant le tribunal militaire. Il pouvait à peine parler ou marcher. Il était assisté (pour se déplacer) et même la posture assise était problématique, ce qui indique qu'il a été torturé", a déclaré son avocat. Des accusations rejetées par le pouvoir, le président Museveni parlant même de "fake news".

"Free Bobi Wine"

Béret rouge sur la tête  (dont le port a été interdit aux civils depuis) avec en guise d'écusson le slogan "Power People", le chanteur est devenu la coqueluche des jeunes ougandais. Il se proclame "Président du ghetto", clin d'œil à son époque rappeur et à son groupe "Ghetto Republic of Uganja", qui faisait un usage immodéré du cannabis ! "Il menait la vie typique d’une vedette de la musique : le stupre et la fornication", écrit le journal québécois Le Devoir.

Il change de look lors de sa campagne électorale de 2017. Fini les dreadlocks, l'homme entre en politique. Son arrestation en 2018 va créer un courant de sympathie autour de son nom, y compris à l'étranger. Le mot-dièse #FreeBobiWine le propulse comme opposant numéro un de Museveni.

Yoweri Museveni, 76 ans, au pouvoir depuis 1986, briguera début 2021 un sixième mandat. Au fil des ans son image s'est ternie, son pouvoir devenant de plus en plus autocratique, à l'image de la dernière arrestation de Bobi Wine. Il tient le pays d'une main de fer, et la précédente élection de 2016 prouve qu'il est prêt à tout pour se maintenir au pouvoir. Ses adversaires ont régulièrement été arrêtés par la police, leurs meetings perturbés par les partisans de Museweni, ou interdits par la police.

(Si Bobi Wine et la plateforme d'unité nationale (NUP) tolèrent ça, alors ce parti devrait être chassé du pays #StopHoolganisme)

Et si Bobi Wine peut compter sur le soutien des jeunes des quartiers pauvres, le moindre de leur dérapage sera exploité par le pouvoir pour faire tomber le politicien chanteur.

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