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Où en est la démocratie sur le continent noir ?

Au Sénégal, le vieux président Abdoulaye Wade vient de perdre les élections. Situation inverse au Mali où le 22 mars, des militaires mutins ont renversé le président Amadou Toumani avant une élection prévue en avril. Paradoxale Afrique… D’une manière globale, la démocratie y est-elle en recul ou progresse-t-elle inexorablement, en dépit des coups d’Etat et des guerres civiles ?
Article rédigé par Laurent Ribadeau Dumas
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Les partisans de Macky Sall célèbrent à Dakar la victoire de leur candidat à la présidentielle le 25 mars 2012. (AFP - ISSOUF SANOGO)

L'UE a salué lundi le second tour de l'élection présidentielle au Sénégal comme «une grande victoire pour la démocratie au Sénégal et en Afrique». Et quelle victoire ! Après une campagne de premier tour émaillée de violences, Abdoulaye Wade (86 ans), candidat controversé à sa propre succession, a reconnu sa cinglante défaite (il n'a obtenu que 34,20% des voix) avant même la publication des résultats officiels et a félicité son adversaire, Macky Sall (65,80% des suffrages). Pour l’Union africaine, le second tour de dimanche 25 mars fait «honneur non seulement (à ce pays) mais au continent (africain) tout entier».

Un honneur d’autant plus grand que quelques jours plus tôt, le 22 mars, des militaires mutins ont pris le pouvoir au Mali. Leur Comité national pour le redressement de la démocratie et la restauration de l’Etat (CNRDR) «a décidé de prendre ses responsabilités en mettant fin au régime incompétent et désavoué de M. Amadou Toumani Touré». Il accuse le dirigeant déchu d’impuissance face à la rébellion touareg dans le nord du pays. Président depuis 2002, ce dernier avait prévu de quitter le pouvoir après une élection dont le premier tour devait se tenir fin avril.


Le putsch militaire au Mali


TV5monde, le 23 mars 2012


Coups d'Etat et guerres civiles
Pourtant, au vu des chiffres, la démocratie progresse en Afrique: entre 1960 et 2000, le continent a connu une vingtaine de coups d’Etat au cours de chaque décennie ; et seulement six de 2000 à 2010. Mais la situation varie d’un pays à l’autre. Certains Etats basculent ainsi dans la guerre civile comme la Côte d’Ivoire (dernier épisode en date en 2010-2011), considérée dans les années 60-70 comme la Suisse de l’Afrique de l’Ouest. D’autres, à l’inverse, reviennent de l’enfer, comme le Libéria, petite nation de 4 millions d’habitants, où la guerre civile aurait fait 250.000 morts entre 1989 et 2003.

Les coups d’Etat sont parfois applaudis par les populations, qui y voient la fin de régimes honnis. Ainsi, par exemple, en Guinée où en décembre 2008, les militaires prenaient le pouvoir, promettant, dans la foulée, le retour de la démocratie. Mais huit mois plus tard, ils n’hésitaient pas à tirer à Conakry sur une foule désarmée protestant pacifiquement contre la candidature du chef de la junte, le capitaine Dadis Camara, à l’élection présidentielle. Bilan : 150 morts et de nombreuses femmes violées.

Dans le même temps, les leaders d’Afrique sub-saharienne ont jusqu’à présent étouffé dans l’œuf toute tentative de contestation inspirée des révolutions arabes.


Des Etats nations très jeunes
Au-delà, c’est la structure politique moderne du continent qu’il convient d’analyser selon des critères historiques. Il faut ainsi rappeler que les frontières nationales en Afrique ont été tracées par les colonisateurs sans tenir compte des spécificités culturelles des régions décolonisées. Dans ce contexte, les Etats nations sont extrêmement jeunes, et portent en eux un lourd passé autoritariste. Les sociétés africaines anciennes étaient fondées sur la domination d’un groupe, rappelle l’universitaire René Otayek.

Pour Pierre Malet, journaliste spécialiste de l’Afrique, c’est «l’un des drames de la politique africaine : bien souvent, le vainqueur prend tout… pour lui et son clan. Ce qui pousse fréquemment l’opposition sur la voie de la violence».

Il faut également tenir compte de facteurs extérieurs. Dans certains cas, un changement de pouvoir arrange grandement les intérêts étrangers… «Les Occidentaux ne sont pas forcément contrariés de voir arriver des régimes forts dans des zones de plus en plus instables», estime Pierre Malet : notamment du Niger à la Mauritanie, où des groupes intégristes tissent leur toile.

 

La poussée islamiste dans le Sahel


France 24


La situation pourrait-elle changer avec l’amélioration de la situation économique? Certes, le continent noir n'a pas réussi à éradiquer la pauvreté, loin s'en faut: ainsi en Afrique sub-saharienne, une personne sur trois souffrirait de faim chronique, selon l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO). Mais depuis une décennie, la région connaît une croissance soutenue (5 % en 2010). Et globalement, il a été moins touché par les remous de la crise financière mondiale que l’Europe ou les Etats-Unis. Sans doute parce que le continent ne représente qu'entre 1 et 2 % des échanges mondiaux (contre 6 % en 1980).

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