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Tortures, meurtres : une unité de police accusée d'exactions à répétition au Nigeria

Malgré les promesses des autorités, la SARS, une brigade anti-criminalité reste hors de contrôle, accuse Amnesty International.

Article rédigé par Jacques Deveaux
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 3 min
Manifestation pour réclamer une réforme de la SARS, le 11 décembre 2017 à Abuja, la capitale du Nigeria.
 (AFOLABI SOTUNDE / X02098)

Dans un rapport intitulé Time to End Impunity (L'impunité doit cesser), Amnesty International a recensé pas moins de 82 cas de tortures, de mauvais traitements et d’exécutions extrajudiciaires imputables à la Brigade spéciale de répression des vols (SARS), une unité de la police nigériane, entre janvier 2017 et mai 2020.

En septembre 2016, Amnesty International avait déjà publié un rapport qui répertoriait les atteintes aux droits humains commises par la SARS, notamment la torture et les autres formes de mauvais traitements. Bien que les autorités nigérianes aient assuré que la SARS serait réformée, cette unité continue de perpétrer des atrocités.

Rechercher les hackers

Créée en 1992, ce n'est qu'à partir de 2009 que le Special Anti-Robbery Squad (SARS) commence à se faire connaître.

En raison du développement de la fraude sur internet, l'unité est chargée d'intervenir plus particulièrement dans les universités du Nigeria qui seraient le vivier des hackers, en raison de leur formation. Tout cela dans un contexte d'évolution des mœurs chez les jeunes, influencés par la culture américaine et les produits technologiques.

A la recherche des cerveaux de la fraude sur internet, la SARS dérape alors dans une chasse aux sorcières visant la jeunesse. Tous ceux qui portent des dreadlocks, des piercings, possèdent un téléphone haut de gamme ou une voiture, et évidemment un ordinateur portable, deviennent suspects, raconte le site Pulse.org. Les victimes de cette unité de police sont majoritairement des hommes âgés de 18 à 35 ans, issus de milieux défavorisés et de groupes vulnérables de la population, précise Amnesty International.

Une unité très spéciale

Pourtant, ni insigne ni uniforme, mais armée, cette police n'attend pas qu'un acte délictueux se produise. Elle surveille en permanence la jeunesse qui craint de plus en plus de se déplacer dans la rue, y compris en voiture. Les lieux de rencontres privilégiés des jeunes sont particulièrement visés.

La SARS semble échapper à tout contrôle hiérarchique, prélevant sa dîme sur un prétendu suspect en confisquant du matériel, ou fixant une amende. Un jeune développeur en informatique Toni Astro et été ainsi interpellé car il se déplaçait avec un ordinateur portable. Menacé d'une arme pointée vers sa jambe, les policiers lui ont réclamé un million de nairas (environ 2 500 euros) pour le laisser partir.

Tortures

Les jeunes interpellés subissent des pressions voire des tortures, leurs ordinateurs sont analysés, les messageries passées au peigne fin. Gare à un message ambigu qui peut vite faire passer quelqu'un pour un dangereux criminel.

Amnesty International rapporte le cas de Miracle, un jeune de 23 ans accusé du vol d'un ordinateur portable, torturé durant ses 40 jours de détention. "Leur chef leur a ordonné d'aller me suspendre. Ils m'ont emmené à l'arrière de la salle et m'ont attaché avec des cordes. Ils ont ensuite utilisé toutes sortes d'objets pour me frapper, notamment des machettes et des bâtons, m’infligeant toutes sortes de blessures."

Une réforme peu efficace

En août 2018, face aux protestations qui se multiplient, les autorités prennent enfin des mesures. Le vice-président Yemi Osinbajo impose une réforme complète de l'unité qui change de nom et est placée sous l'autorité directe du bureau du chef de la police. Au passage, le vice-président rappelle que le rôle de la SARS est de poursuivre les criminels dans les affaires de braquage et de kidnapping, et rien d'autre. Et bien sûr, en respectant le cadre de la loi.

Mais la structure n'est pas supprimée et les hommes qui la composent sont toujours les mêmes, accusent les défenseurs des droits humains. Le quotidien The Guardian rapporte ainsi la mort accidentelle le 22 février 2020 d'un jeune lors de son interpellation.

Plus généralement, c'est le comportement de la police en entier qui doit être réformé.

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