Nigéria-pollution pétrolière: les mensonges de Shell révélés au grand jour
Il suffit de se rendre sur les sites contaminés pour voir et sentir à quel point le pétrole imbibe les champs et les forêts, dénonce le rapport publié le 3 novembre 2015. Plusieurs organisations de défense des droits de l’homme et de protection de l’environnement, parmi lesquelles Amnesty International, accusent le géant pétrolier anglo-néerlandais Shell d’avoir menti sur l’étendue de ses actions de dépollution dans le Delta du Niger (sud du Nigéria).
Des terres noircies et du pétrole sur l’eau
Le rapport de 38 pages fait le point sur les 15 zones visitées entre juillet et septembre 2015. Parmi elles, 13 sont encore «polluées de manière visible», ou contaminées, contrairement à ce qu’affirment Shell et le gouvernement nigérian. Le rapport révèle que sur l’un des sites, les chercheurs ont observé une terre noircie et des couches de pétrole sur l’eau, 45 ans après le déversement. Alors que Shell affirme l’avoir nettoyé à deux reprises, en 1975 et en 2012.
En 2011, une enquête menée par le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) avait conclu que la pollution causée par la compagnie Shell nécessiterait la plus grande opération de nettoyage au monde et devrait durer 25 à 30 ans. Le géant pétrolier et le gouvernement nigérian étaient invités à y participer à hauteur d’un milliard de dollars.
Ces recommandations n’ont pas été suivies, accuse Amnesty : «Shell n’ayant pas correctement nettoyé la pollution engendrée par ses oléoducs et ses puits, des milliers d’hommes et de femmes sont exposés à la contamination des terres, de l’eau et de l’air, parfois pendant des années voire des décennies», s’indigne Mark Dummett, spécialiste de la responsabilité des entreprises en matière des droits humains à Amnesty International.
«Le rendement de nos récoltes a chuté. Plus de poissons dans l’eau. Nous plantons, les cultures poussent, mais les récoltes sont médiocres», témoigne un fermier, interrogé par un chercheur d’Amnesty.
Shell met en cause le vol du brut et le raffinage illégal
Dans une lettre, la branche nigériane de Shell a récusé les affirmations du rapport, expliquant avoir commencé à agir sur toutes les recommandations qu’on lui a faites. D’après Shell, les déversements sont dus aux vols de pétrole brut et au raffinage illégal.
«Même si cela est vrai, cela n’excuse en rien son inaction en matière de nettoyage et ne saurait détourner l’attention de ses promesses non tenues et de ses infrastructures mal entretenues», rétorque Amnesty.
L’incapacité du Nigéria à règlementer l’industrie pétrolière
Le rapport est formel, l’agence nigériane pour la détection et la réaction aux déversements accidentels de pétrole manque de ressources et continue de délivrer des certificats de dépollution pour des zones polluées par du pétrole brut. Les chercheurs ont découvert de la terre et de l’eau contaminées par du pétrole non loin de terres habitées et cultivées.
D’après les témoignages recueillis par Amnesty, les efforts de nettoyage consentis par Shell sont timides et artificiels : «C’est simplement une dissimulation. Si vous creusez quelques mètres, vous trouvez du pétrole. Nous avons juste creusé et enlevé la terre, et puis nous avons tout recouvert », témoigne un sous-traitant, embauché par la compagnie Shell.
Avec 50 champs de pétrole et 5000 kilomètres d’oléoducs, Shell est la plus grande compagnie pétrolière internationale présente dans le delta du Niger, la première région productrice de pétrole en Afrique.
Des décennies de production pétrolière ont rempli les poches d’importants responsables gouvernementaux et généré des profits énormes pour des compagnies comme Shell, relève le rapport.
Amnesty lui demande de faire preuve d’une plus grande transparence concernant ses opérations de nettoyage.
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