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Nigeria : défections à répétition chez Boko Haram, le gouvernement crie victoire

L'armée nigérianne en revendique la responsabilité. Mais il semble surtout que Boko Haram subisse la concurrence de Daech.

Article rédigé par Jacques Deveaux
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 3 min
Des membres des forces de sécurité patrouillent après un acte de sabotage contre une ligne électrique, attribué à Boko Haram le 12 février 2021. (AUDU MARTE / AFP)

Depuis quelques semaines, les autorités nigérianes font état de nombreuses défections dans les rangs des terroristes de Boko Haram, laissant même entrevoir la fin du groupe. Sauf que, si tout cela est vrai, une autre menace se profile, celle de l’ISWAP (Islamic State’s West Africa Province), officine qui a fait allégeance à Daech, dans sa théorie comme dans sa pratique.

(En dépit des enlèvements et des meurtres qui se poursuivent, le ministre de l’Information du Nigeria, Mohammed Lai, assure que le gouvernement est en train de gagner la guerre contre Boko Haram.)

Début août 2021, au moins un millier de combattants auraient ainsi déposé les armes au Nigeria, de même que des centaines d‘autres au Cameroun voisin. Ainsi, selon le site internet Cameroun 24, une cinquantaine de ces membres de Boko Haram accompagnés de femmes et enfants se sont rapprochés des autorités. Ils vivaient dans le dénuement le plus total dans la savane, dans la région de Kolofata, à l’extrême nord du Cameroun, 

"Se rendre et vivre"

De son côté l’armée nigériane a mis en scène ces défections afin d’inciter d’autres rebelles à en faire de même. Selon The New Humanitarian, des hommes ont été filmés, recevant nourriture et vêtements de la part des soldats nigérians. Aucun de ces rebelles n’était entravé, et certains brandissaient même des pancartes où était écrit leur repentir. "Nigérians s’il vous plait, pardonnez-nous", "la paix est le seul moyen", "se rendre et vivre".

L’armée nigériane bombe le torse. Enfin des succès ! Après douze années à subir les attaques de Boko Haram. "Nous progressons et nous obtenons des résultats, et si nous continuons, et nous devrions le faire, nous pourrions conclure cet épisode dans le nord-est", a récemment déclaré le lieutenant-général Farouk Yahaya. "Nous appelons les autres (jihadistes) qui se cachent dans la brousse à se rendre et à déposer les armes comme leurs collègues", a-t-il ajouté.

Sauf que les attaques contre les troupes se poursuivent, comme le 25 août à Diffa, de l’autre côté de la frontière, en territoire nigérien. Sept soldats de la force conjointe y ont été tués, et 43 insurgés éliminés. Aussi pour de nombreux observateurs, ces défections sont surtout la conséquence de la lutte qui oppose Boko Haram à l’Iswap.

Une lutte portée au grand jour par la mort du chef de Boko Haram, Abubakar Shekau, en mai dernier, victime d’une attaque menée contre sa base dans la forêt de Sambisa, au sud de Borno. L’attaque était conduite par l’Iswap qui entendait prendre ainsi en main le jihad dans la région.

Pour les survivants, petits chefs comme soldats, il n’y a pas d’alternative. Soit ils se soumettent, soit ils meurent. N’ayant pas l’armement suffisant pour résister, ces hommes et leur famille, préfèrent se rendre à l’armée régulière que d’obéir à leurs nouveaux chefs.

Idéologie différente

Reste aussi dit-on que les règles ont changé avec les nouveaux maîtres. Dans les secteurs sous contrôle de l’Iswap, le pillage meurtrier n’est plus à l’ordre du jour. L’Iswap surveille, donne les règles, protège les populations et prend sa dîme. Cela laisse peu de place à l’exploit individuel, alors que sous Shekau, la prédation était la règle. Ce changement de doctrine a sans doute aussi découragé certains combattants.

Enfin, les programmes de repentir mis en place par Abuja se révèlent être une bonne ccasion pour les jihadistes en rupture de ban. L’opération Safe Corridor, en place depuis 2016, assure la réintégration dans la société aux combattants déradicalisés. A ce jour 900 hommes en ont bénéficié, non sans controverses, certains politiques et une partie de la population y voyant une forme d’amnistie déguisée.

Si l’armée nigériane peut prétendre venir à bout de Boko Haram, ce n’est pas pour autant qu’elle va réussir à contrôler la région. Et il n’est pas sûr que la "licence" Daech, revendiquée par l’ISWAP ne soit pas pire. La paix semble encore bien loin.

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